Haïti peut-elle compter sur sa diaspora pour son relèvement?
Haïti figure parmi les pays les plus aidés du monde, mais cela n’empêche que l’étiquette du pays le pauvre de l’hémisphère occidentale, voire du monde lui soit collé au dos. Haïti est aussi le seul pays moins avancé (PMA) du continent américain. C’est la preuve que l’aide, qu’elle soit bilatérale ou multilatérale, a ses limites, voire trop de limites. Pour décrire cette réalité, les mauvaises langues diraient que l’aide n’aide souvent pas. Face à ce constat, que faire?
Certains conseillent à Haïti de se tourner vers sa diaspora. Comment impliquer la diaspora haïtienne dans le développement du pays? C’est une vieille question qui n’a toujours pas de réponse. Cela n’empêche pas que la diaspora haïtienne soit le plus grand bailleur de fonds du pays.
Selon les données économiques de 2023, les transferts de la diaspora haïtienne ont totalisé 3,8 milliards de dollars en 2023, soit la première source de devise du pays. Un montant qui était quatre fois plus élevé que celui des exportations haïtiennes et près de 100 fois plus que les montants reçus en Haïti des investissements directs étrangers.
Si les envois de la diaspora n’arrivent pas à éviter le pays de sombrer dans une crise économique sans nom – conséquence de l’instabilité politique – ils arrivent à maintenir les bénéficiaires en vie. Il n’est pas un secret pour personne que ce sont les transferts de la diaspora qui supplient la quasi-absence de l’Etat dans le domaine de la protection sociale. Pour se nourrir, pour les soins de santé, le logement, l’éducation, une bonne partie de la population dépend de la diaspora. Ajoutez à cela, beaucoup d’entreprises individuelles du pays appartiennent à des membres de la diaspora. Preuve que l’apport de la diaspora à l’économie haïtienne est important.
Même si les envois de la diaspora constituent des fonds privés que les bénéficiaires peuvent utiliser comme ils veulent, cela n’empêche qu’on puisse réfléchir sur la meilleure manière de les canaliser vers le développement du pays. Il est démontré qu’un peu partout à travers le monde le déficit d’organisation entre les organisations de la diaspora et les structures des pays d’accueil constitue l’une des pierres d’achoppement à une meilleure utilisation des fonds de la diaspora.
Haïti avait franchi un pas dans la résolution de ce problème en créant le ministère des Haïtiens vivant à l’étranger ? Pour quel résultat environ 30 ans plus tard? Une évaluation de cette institution par rapport à sa mission pourrait aider à répondre à la question avec justesse, mais on n’aurait pas tort de préciser que les lignes n’ont pas trop bougé. Cela ne sous-entend pas qu’une structure dédiée à la diaspora n’est pas importante.
On peut aussi mentionner le Fonds national de l’Education (FNE) comme un exemple concret de la participation de la diaspora haïtienne dans le développement du pays. Si on sait que cette initiative rapporte gros à l’Etat haïtien, on ignore encore ses impacts sur le système éducatif. Quelle est l’implication de la diaspora dans la gestion de ce fonds? Ce serait intéressant d’expérimenter une gestion mixte dudit fonds. Puis, on pourra appliquer les leçons apprises à d’autres domaines.
Trop longtemps boudée par le capital étranger, Haïti doit chercher la meilleure stratégie pour mieux profiter de son plus grand bailleur de fonds. Il ne s’agit pas de considérer la diaspora comme une vache à lait, mais de l’impliquer dans la création de richesse à son profit et au bénéfice de la population. Cette implication ne doit pas se résumer à l’envoi de fonds mais doit s’étendre au transfert de connaissances. La diaspora haïtienne éparpillée surtout aux Etats-Unis, au Canada et en République dominicaine peut être un maillon fort dans le redressement du pays. Il suffit de trouver la bonne stratégie.
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