Éditorial

Budget de guerre, une première en Haïti

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À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, a-t-on l’habitude de répéter. Jamais cette assertion n’a aussi paru vraie qu’à l’annonce de l’adoption du budget rectificatif 2024-2025 par le gouvernement haïtien en date du 14 avril 2025. «Le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) informe le public qu’en date du lundi 14 avril 2025, le Conseil des ministres a adopté le budget rectificatif de l’exercice fiscal 2024-2025, dans un contexte économique et sécuritaire exceptionnellement difficile», peut-on lire dans le communiqué de presse faisant l’annonce.

En effet, de l’avis des autorités haïtiennes, ce budget, d’un montant total de 323,4 milliards de gourdes, a été conçu pour répondre aux urgences nationales tout en soutenant la relance de l’économie. Si la sécurité reste la priorité absolue, avec 13,3 % du budget alloué aux institutions impliquées directement dans ce domaine, les autres secteurs ne sont pas en reste et bénéficient également de ressources substantielles, dont l’éducation, les infrastructures publiques ou encore la santé.

Cependant, ces différentes dotations aux secteurs prioritaires ne doivent pas nous faire perdre de vue le fardeau de la dette publique en Haïti. En effet, dans ce budget rectificatif 24-25, la dette publique s’élève à 21,3 milliards de gourdes et, en termes d’importance et de crédits alloués, arrive tout juste derrière le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) avec 25,6 milliards de gourdes. Autrement dit, même en octroyant une plus grande affectation de crédits aux axes prioritaires, la dette publique d’Haïti reste un défi majeur face au redressement économique annoncé.

En 2023, la dette publique a atteint les 40,3 milliards de gourdes, représentant ainsi près de 30 % du budget total, pour diminuer de près de la moitié dans le budget rectificatif 2024-2025, soit 21 milliards de gourdes. En dépit de cette baisse considérable, le montant alloué au service de la dette reste conséquent et sert donc de frein aux investissements publics dans les secteurs vitaux de la vie nationale. Sur les cinq derniers exercices fiscaux, la maîtrise de la dette publique n’a cessé de constituer un caillou dans la chaussure des décideurs publics haïtiens. Si on ne peut affirmer péremptoirement que la dette publique est responsable de la spirale de croissance négative dans laquelle l’économie haïtienne s’est engluée sur les six dernières années, il est tout à fait possible de déceler un lien de causalité entre les allocations budgétaires substantielles consacrées à la dette publique et les investissements publics de plus en plus mous constatés ces dernières années dans les différents budgets adoptés. Sans investissements conséquents, publics ou privés, pas de croissance. L’équation est simple, claire et limpide.

Autre secteur sur lequel s’attarder un peu dans ce budget rectificatif 2024-2025 est le secteur de l’éducation. En effet, le budget alloué au ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle (MENFP) pour l’exercice fiscal en cours s’élève à 47,3 milliards de gourdes, représentant 14,6 % du budget national total. En apparence, cette proportion semble importante, mais elle cache une forte concentration sur les dépenses de personnel, qui à elles seules mobilisent plus de 29 milliards de gourdes, soit plus de 60 % du budget du MENFP. Cette structure budgétaire montre une prédominance du fonctionnement administratif sur les dépenses d’investissement.

Voilà deux cas de figure, parmi tant d’autres, qui devraient interpeller nos dirigeants. S’il est vrai que le budget est annuel, les problèmes structurels mal adressés, comme un service de la dette non maîtrisé limitant les investissements dans des secteurs critiques ou encore un budget de l’éducation plus porté sur le fonctionnement que l’investissement, peuvent entraîner des conséquences néfastes sur l’avenir. Comme en témoigne la longue descente aux enfers que nous vivons actuellement dans le pays.

DevHaiti

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