Gouvernance

Haïti : Quête de paix et de stabilité

6 minutes lecture

Haïti, nation imprégnée d’une riche histoire d’émancipation et d’une forte résilience, demeure confrontée à des défis profondément enracinés.

Marquée par une culture vibrante et un esprit combattant, elle fait face à une insécurité persistante, à des enlèvements généralisés, ainsi qu’à des déplacements massifs de familles causés par les attaques de gangs armés accompagnés d’incendies criminels récurrents de leurs domiciles.

Les quartiers où les gangs ont consolidé leur emprise sont le théâtre d’un cycle implacable et continu de violence, notamment Croix-des-Bouquets, Cité Soleil, Delmas, Carrefour, Bel Air, pour n’en nommer que quelques-uns. Ce sont les zones les plus durement touchées depuis plus d’une vingtaine d’années, mais la capitale tout entière est mise à l’épreuve par les actes violents des gangs, et aucune personne vivant dans la capitale et ses environs n’est à l’abri.

Les citoyens, bien qu’endurcis par des années de tumulte, aspirent à une stabilité qui leur échappe. Les familles se retrouvent prises au piège de la violence, tandis que les rêves de jeunes écoliers sont brisés par l’impossibilité d’accéder à l’éducation en toute sécurité.

Cependant les Haïtiens ne doivent pas céder à la désespérance. Il faut qu’à travers le pays, émergent des initiatives communautaires multisectorielles engageant non seulement les communautés de base mais aussi les politiques, le secteur privé et la société civile portés par la détermination de ceux qui croient en la force de l’unité en temps de tourmente. Qu’ils collaborent étroitement avec de nouvelles autorités locales et centrales légitimes pour identifier les menaces de toutes sortes et alerter les communautés en cas de danger. Cette nouvelle approche cherchera systématiquement l’impact collectif d’une communauté humaine réconciliée avec elle-même.

Au-delà des préoccupations immédiates en matière de sécurité, les défis auxquels Haïti est confronté s’étendent jusqu’au cœur même de son identité nationale. Le manque de leadership politique et technique efficace à ce niveau a laissé la nation au bord du précipice. Les citoyens, tout en se soutenant mutuellement, doivent chercher à combler ce vide. Nous devons reconnaître l’urgence de préparer des leaders, tant sur le plan technique que moral et spirituel, capables non seulement de répondre aux crises immédiates, mais aussi de transformer les défauts de caractère individuels ainsi que les défauts structurels dans l’économie nationale qui alimentent l’insécurité. Un leadership collectif inclusif, responsable et bien préparé est la fondation sur laquelle doit reposer la renaissance d’Haïti. L’engagement envers la population et le dialogue ouvert sont des préalables pour instaurer l’intégrité dans le service de la nation au niveau politique et contrer l’exploitation violente de sa population à des fins électoralistes et de jouissance personnelle.

Dans ce contexte, les femmes et les jeunes, en particulier, ont des rôles essentiels à jouer. Les femmes sont les piliers de la résilience et se doivent d’être des porteuses de messages de paix. Les jeunes doivent prendre des initiatives de prévention de la violence tout en facilitant le dialogue au sein des communautés et encourager une vision collective de l’avenir.

Dans l’immédiat la formation de personnes capables de reconnaître les signes avant-coureurs de la violence et l’établissement de mécanismes d’alerte précoce au sein des communautés peuvent être efficaces pour détecter les menaces à la sécurité avant qu’elles ne prennent de l’ampleur. Il faut développer ainsi une infrastructure dédiée à la prévention capable d’intervenir en cas de besoin et de collaborer avec les autorités compétentes pour une réponse rapide.

Le pouvoir de la médiation communautaire est un autre élément crucial dans la résolution des conflits et la préservation de la stabilité. Des médiateurs qualifiés et impartiaux doivent être disponibles pour résoudre efficacement les différends à tous les niveaux de la société haïtienne. Nous avons besoin de médiateurs qualifiés disponibles pour intervenir dans les grands et les petits conflits qui font rage dans notre société. La création d’une chaire à l’Université d’État d’Haïti pour l’apprentissage de la gestion des conflits pourrait s’avérer une initiative précieuse pour l’avenir de notre pays.

La manipulation des groupes armés afin de prendre le pouvoir ou de le garder doit cesser en faveur d’un accord national qui sera une étape cruciale vers la revitalisation du paysage politique et social haïtien. Cet accord national doit d’abord être une rencontre humaine avant d’être un dialogue sur des sujets en particulier. En Haïti la douleur est dans le relationnel. Nous devons délibérément fournir un effort de réhumanisation les uns des autres avant de discuter de la réorganisation de notre société et de notre économie sur des bases plus équitables. Si je n’apprécie pas mon prochain, si je ne le valorise pas en tant qu’être humain au même titre que moi, indépendamment de son origine ou son ancrage ethnique, social, culturel ou religieux, pourquoi lui offrirais-je de meilleures conditions de vie ?

Face à l’adversité, Haïti demeure une nation débordante de potentiel. La réconciliation entre les Haïtiens est au cœur de la construction d’un avenir plus stable et plus paisible. Atteindre cet objectif appelle à un engagement collectif envers la paix, au renforcement de mécanismes de médiation solides et à une transformation profonde de notre système économique et d notre société en général. En reconnaissant les contributions de l’ensemble de la communauté, Haïti peut se réinventer en un phare de paix et de stabilité pour toute la région. C’est la force collective du peuple haïtien qui guidera la voie.

Louis-Henri Mars Membre Fondateur et Directeur Exécutif de Lakou Lapè, une communauté de personnes engagés dans la transformation de conflit et la construction de la paix.

DevHaiti

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *