Budget 2023-24 : les précisions de Jean Michel Silin, directeur général du Budget
DevHaiti a rencontré le numéro un de la Direction générale du Budget (DGB) en la personne de Jean Michel Silin autour du décret établissant le Budget général de la République d’Haïti pour l’exercice 2023-2024, adopté en Conseil des ministres le 28 septembre 2023. Le Directeur Silin évoque notamment les grandes lignes de ce budget d’un montant total de 320 645 000 000.000 gourdes publié dans le journal officiel Le Moniteur en date du 29 septembre 2023.
DevHaiti (DH): Pouvez-vous nous présenter sommairement le budget 2023-2024 tout en faisant ressortir les secteurs prioritaires?
Jean Michel Silin (JMS): Le budget 2023-2024 est élaboré sur la base de trois (3) priorités :
1. Renouer avec la croissance économique ;
2. Assurer la stabilité sociale ;
3. Améliorer les conditions sécuritaires.
Les actions susceptibles d’engendrer des résultats rapides et tangibles en lien avec ces priorités sont: le renforcement de la sécurité, l’organisation d’élections, le renouement avec la croissance tout en supportant les populations vulnérables à travers l’extension des programmes sociaux et en construisant des infrastructures résilientes, sans oublier la promotion de la stabilité sociale et la bonne gouvernance. La combinaison de ces actions devra contribuer à un meilleur environnement d’affaires en vue de l’attraction des investissements, l’augmentation de la production nationale conduisant, à terme à un recul de l’insécurité alimentaire et une meilleure redistribution des ressources nationales.
L’enveloppe globale du budget est de 320,6 milliards de gourdes. 73,2% des voies et moyens du budget proviennent des ressources domestiques et 26,8% des ressources externes :


Les prévisions de dépenses budgétaires pour 2023-2024 sont ainsi réparties:

DH: Le ministère des Travaux publics transports et communication (MTPTC) est le poste le plus important de ce budget. Pourquoi ? Peut-on envisager la mise en place d’infrastructures routières dans un pays où la circulation est sévèrement handicapée par l’activité des gangs ?
JMS: Pour l’exercice fiscal 2023-2024, le MTPTC demeure l’un des secteurs prioritaires pour le gouvernement. L’augmentation de ses crédits budgétaires est due non seulement au fait que certains projets en cours d’exécution n’ont pas été pris en compte dans le budget précédent ; mais aussi la reprise, au cours dudit exercice fiscal, d’autres projets à financement externe qui ont été à l’arrêt en raison de la situation sociopolitique et de difficultés diverses. Il est évident que, sans une amélioration du climat sécuritaire, la mise en œuvre des projets inscrits dans le budget ne pourra pas être effective.
DH: En ce qui concerne les ressources domestiques, il est clair que l’Administration générale des douanes (AGD) fournit des efforts contrairement à la Direction générale des impôts (DGI). Or, les recettes collectées par la DGI sont en lien direct avec la santé de l’économie. Est-ce que cela ne pose pas la question du réalisme du budget ?
JMS: Au contraire, il est important de signaler que l’augmentation de recettes courantes provient essentiellement du renforcement des mesures administratives avec un niveau de réalisme plus que prudent. De plus, les réalisations de 2022-2023 font état d’un taux d’encaissement de 108.11 %. Le taux de croissance des recettes courantes par rapport aux prévisions 2022-2023 (17,5%), est le plus faible si on considère les trois (3) derniers exercices fiscaux.
DH: On s’attendait à 40.3 milliards de gourdes de dons l’année dernière. Les données publiées par le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) au 30 juin 2023 montrent que les promesses de dons n’étaient pas au rendezvous. Pourtant, en 2023-2024, vos prévisions ont augmenté de plus de 75%. Comment expliquezvous cela ?
JMS: Il est important de remarquer que les dons inscrits dans le budget sont de deux catégories : une première qui est décaissée sous forme d’appuis budgétaires versés directement au trésor public pour compenser le déficit budgétaire. La seconde catégorie vient en financement des programmes et projets exécutés par les bailleurs euxmêmes. Dans les deux cas, il s’agit des promesses faites par les partenaires techniques et financiers sous forme d’engagements fermes. S’il est vrai que la prévisibilité de ces promesses n’est pas toujours garantie, ne pas les inscrire dans le budget affecterait les efforts de transparence et d’exhaustivité entrepris depuis plusieurs années. L’Etat haïtien multiplie des démarches auprès des bailleurs pour un meilleur contrôle de l’utilisation du financement externe du budget. Parallèlement, des efforts sont en train d’être déployés en vue de renforcer l’autonomie financière du budget de l’État en augmentant progressivement le ratio ressources domestiquesressources externes.
DH: La dette publique s’impose en deuxième poste le plus important du budget. Cette réalité n’est-elle pas une préoccupation pour vous ?
JMS: Évidemment. L’importance de l’enveloppe allouée au service de la dette traduit la volonté de l’État haïtien de respecter les engagements pris antérieurement, ce qui renforce sa crédibilité. Par ailleurs, des dispositions réglementaires et techniques sont prises pour éviter que l’État soit obligé de rembourser des dettes contractées de manière indue. L’application du visa préalable du contrôleur financier sur tout acte portant engagement d’une dépense budgétaire et l’interdiction faite d’honorer toute requête y relative au titre du service de la dette, constitue des balises importantes. Par ailleurs, il est même stipulé à l’article 85 du décret du 28 septembre 2023 établissant le budget général de la République pour l’exercice 2023-2024, que le Ministre de l’Economie et des Finances ne peut accorder de passer outre dans de telles situations.
DH: On avance vers la fin du premier trimestre de l’exercice. Présentez-nous l’exécution budgétaire à date. En êtesvous satisfait?
JMS: L’exécution du budget sur les deux premiers mois de l’exercice fiscal en cours fait état de 29 milliards de gourdes de recettes courantes et de 22 milliards de gourdes de dépenses engagées. Comparées à la moyenne mensuelle des prévisions budgétaires, on peut constater qu’on est loin du compte. Le retard pris dans la soumission par différentes entités administratives émargeant au budget, de leur programmation de dépenses accompagnée des plans annuels de passations de marchés impacte négativement l’exécution du budget. Toutefois, le ministère de l’Économie et des Finances et celui de la Planification et de la Coopération Externe ainsi que la Commission Nationale de Passation de Marchés s’engagent à redoubler d’efforts pour accompagner les différentes entités administratives dans le montage des leurs dossiers afin de rattraper ces retards.

DevHaiti

