Budget 2023-24 : les préoccupations de l’économiste Énomy Germain
Le budget de l’exercice fiscal 2023-24 est d’un montant total de 320.64 milliards de gourdes. L’enveloppe globale est supérieure de 19.9% à celle de l’exercice précédent qui était de 267.5 milliards de gourdes. Après constats et analyses, l’économiste Énomy Germain a identifié cinq (5) intentions positives du gouvernement dans le budget et en a profité pour faire part aux lectrices et aux lecteurs de DevHaiti de cinq (5) de ses préoccupations.
5 INTENTIONS POSITIVES
1. Il s’agit d’un budget au penchant infrastructurel, puisque la part la plus importante est accordée au MTPTC qui est le bras infrastructurel de l’État en Haïti.
La décision d’accorder plus de ressources au MTPTC est une bonne chose. Le MTPTC est à la base du secteur BTP (Bâtiments et Transports Publics), ce secteur qui généralement participe très fortement à supporter la croissance en Haïti (quand croissance il y en a). Ceci est également vrai pour plusieurs grandes économies. Le député Français, Martin Nadaud, au 19e siècles en ce sens a eu à déclarer que «quand le bâtiment va, tout va». Donc, cette décision, toute proportion gardée, devrait supporter la croissance de l’économie dans le pays. Je crois qu’il s’agit d’une intention positive.
2. Les ressources domestiques, comme l’année dernière, constituent la principale source de financement du budget. Elles le financent à plus de 60%. Ce qui est une intention positive dans la mesure où le budget national est moins dépendant aux ressources externes (emprunts et dons) qu’il y a cinq ans.
3. Baisse importante (d’un quart) des prévisions de financement monétaire par la BRH.
En effet, de 30 milliards de gourdes en 2022-2023, les prévisions de financement monétaire sont passées à 24 milliards de gourdes. C’est une bonne chose dans la mesure où le financement monétaire est généralement associé à la perte de valeur de la monnaie nationale.
4. On constate une augmentation de 48.5% des prévisions de dépenses d’investissement en 2023-2024. Ce qui est une bonne chose pour l’économie, mais il faut se battre pour un taux d’exécution important.
5. On constate favorablement une augmentation exponentielle (900%) des prévisions de contribution en provenance des entreprises publiques. En effet, de 200 millions de gourdes en 2022-2023, les prévisions de contribution des entreprises publiques sont passées à 2 milliards de gourdes.
5 PREOCCUPATIONS
1. Je trouve que le gouvernement est trop ambitieux.
C’est vrai qu’il y a de nouvelles dispositions institutionnelles favorables (nouveaux codes douanier et fiscal), mais il faudrait une dynamique économique importante pour arriver à mobiliser 320.64 milliards de gourdes. Les conditions sécuritaires ne laissent pas présager une amélioration sécuritaire au moins pour le premier semestre de l’exercice.
D’autre part, le gouvernement mise beaucoup sur les dons (plus de 70 milliards de gourdes de prévisions). Or, si vous regardez l’exécution du budget 2022-2023, vous verrez qu’il faut être prudent. Au 30 juin 2023, le MEF a rapporté que zéro gourde était mobilisée sous forme de dons. J’ignore donc pourquoi le gouvernement est aussi optimiste en 2023-2024.
2. Le budget accorde une fois de plus une place de choix au MAST (6e poste le plus important). Je pense qu’il faudrait des explications. Le MAST était le premier poste le plus important en 2022-2023, on ne voit cependant pas de résultats sociaux satisfaisants. Comment continuer à beaucoup dépenser sans un audit sur l’utilisation des fonds gérés par le MAST ?
3. La dette publique continue d’être une préoccupation en raison de son poids dans le budget. Deuxième poste le plus important en 2023-2024. C’est presqu’un fardeau pour les finances publiques.
4. Le gouvernement maintint le budget dans une perspective pluriannuelle, c’estàdire qu’il établit des prévisions pour les exercices 2024/2025 et 2025/2026 conformément à la Loi du 04 mai 2016. Je crois qu’il s’agit d’une bonne chose, mais cela ne suffit pas. Il faut aller vers un budget programme conformément aux prescrits de la Loi susmentionnée.
5. Comme chaque année, la rubrique Interventions Publiques pèse lourd dans le budget. Pourtant, sa ventilation n’est pas claire ; ce qui laisse la place à des pratiques corruptives. Il faut un effort et une responsabilité de transparence en ce concerne cette rubrique.

DevHaiti

