Transferts de la diaspora : piliers fragiles d’un développement durable
Dans un contexte socio-économique fragilisé par des crises récurrentes, Haïti trouve un soutien crucial auprès de sa diaspora. Les transferts de fonds, représentant plus de 20% du PIB, constituent une bouée de sauvetage pour les ménages et une source de financement essentielle pour l’économie. Pourtant, une étude du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), parue en mars 2022, met en lumière les limites de cet apport et appelle à une remobilisation plus stratégique pour un développement durable inclusif.
Intitulée «Etudes rétrospectives sur les transferts de fonds de la diaspora haïtienne», elle a été menée sur les deux dernières décennies. Ladite étude révèle que les transferts de la diaspora sont avant tout motivés par l’altruisme. Destinés principalement à la consommation des ménages (alimentation, éducation, santé, logement), ces fonds contribuent indéniablement à l’amélioration du bien-être des familles haïtiennes.
«Cet altruisme est particulièrement remarqué durant la période où la tendance des transferts était à la baisse. À ce moment, des événements néfastes comme la crise financière internationale et le tremblement de terre qui frappa Haïti ont fait augmenter, même si c’est temporairement, les transferts envoyés en Haïti», note le rapport.
«De plus, ajoute le document, il faut noter aussi que durant des périodes de crise qui affectent économiquement les pays où résident la diaspora haïtienne, les transferts vers Haïti ne tendent pas à diminuer. C’est le cas durant la crise financière internationale de 2008 et au début de la pandémie de COVID-19, deux crises qui ont fait augmenter le chômage à travers le monde.»
«Si la diaspora était motivée par des intérêts personnels relatifs notamment à un retour sur investissement dans des activités entrepreneuriales, insiste le rapport, lorsque Haïti est frappée par des crises qui affectent négativement la croissance économique, les transferts diminueraient. Car, dans de telles circonstances, la diaspora ne s’attendrait pas à un rendement positif de leurs investissements.»
L’impact positif des transferts d’argent se traduit par une augmentation de la consommation des ménages, une contribution à l’épargne et un soutien à l’éducation et à la santé des membres des familles. Cette manne financière permet ainsi de pallier les carences d’un État haïtien aux prises avec des difficultés budgétaires chroniques.
Des limites macroéconomiques
Si l’impact des transferts sur le bien-être des ménages est indéniable, l’étude dirigée par le Dr Raulin L. Cadet, nuance leur effet sur l’économie haïtienne dans son ensemble. Si la consommation des ménages et l’épargne en bénéficient, l’analyse n’a pas trouvé de lien de causalité direct entre les transferts et les PIB sectoriels ou le PIB par habitant.
L’impact des transferts sur les secteurs secondaire et tertiaire de l’économie transite essentiellement par le crédit au secteur privé. En d’autres termes, l’effet positif des transferts sur l’économie haïtienne semble indirect et dépendant d’autres facteurs, tels que l’accès au crédit et la présence d’un environnement favorable à l’investissement.
Le document s’attarde également sur les déterminants des transferts de fonds, mettant en lumière la complexité des facteurs en jeu. La migration joue bien sûr un rôle crucial, comme le confirment des études antérieures. Cependant, l’analyse révèle l’importance de facteurs propres aux migrants et de la situation économique dans les pays d’accueil, éléments souvent négligés dans les données existantes.
«Considérant le poids des transferts dans l’économie hattienne, lit-on dans cette étude, il est important de comprendre son évolution, ses déterminants et son impact. Les transferts peuvent contribuer au financement de l’économie. Ce financement se fait notamment à travers la demande des ménages bénéficiaires.»
Pour une remobilisation stratégique
Face à ces constats, le rapport formule 24 recommandations pour mieux mobiliser les transferts de la diaspora au service du développement durable d’Haïti. Parmi les propositions clés, retenons:
• Développer des produits financiers dédiés à la diaspora: Faciliter l’accès à des produits d’épargne et d’investissement adaptés aux besoins et aux profils des migrants haïtiens.
• Réformer et accompagner le secteur financier: encourager l’utilisation de la technologie pour réduire les coûts des transferts, favoriser la concurrence et promouvoir l’inclusion financière.
• Promouvoir l’entrepreneuriat inclusif: soutenir la création d’entreprises et d’activités génératrices de revenus en Haïti, en ciblant notamment les jeunes et les femmes.
• Renforcer la gouvernance et la transparence: Améliorer la gestion des finances publiques et créer un environnement favorable à la lutte contre la corruption.
• Promouvoir la diaspora comme acteur du développement: Encourager la participation de la diaspora dans des projets de développement concrets et favoriser le transfert de compétences.
Nécessité d’un environnement favorable
La mobilisation efficace des transferts de la diaspora requiert un environnement propice à la fois en Haïti et dans les communautés de la diaspora. Un État de droit, un niveau de sécurité adéquat et une transparence accrue des finances publiques sont des conditions essentielles pour attirer les investissements de la diaspora.
De plus, l’étude met en avant la nécessité d’une action concertée entre les différents acteurs impliqués: gouvernement haïtien, diaspora, secteur privé, organisations internationales et société civile. Une coordination efficace et une stratégie cohérente sont indispensables pour maximiser le potentiel des transferts de la diaspora et en faire un véritable levier de développement durable pour Haïti.
L’orientation des transferts vers la consommation de produits importés, notamment alimentaires, peut avoir un impact négatif sur la balance des paiements et le taux de change d’Haïti. La faible production locale contraint le pays à recourir aux importations, accentuant la dépendance vis-à-vis des transferts de la diaspora.
Les transferts de la diaspora constituent une source de financement cruciale pour Haïti, avec un impact positif sur le bien-être des ménages. Leur mobilisation efficace pour le développement durable exige des politiques publiques ciblées et un environnement propice en Haïti et dans la diaspora. En s’attaquant aux défis identifiés et en mettant en œuvre les recommandations formulées, Haïti peut maximiser le potentiel des transferts de sa diaspora pour atteindre les ODD.

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