L’élevage du lapin en Haïti : beaucoup d’avantages mais pas assez d’investissement…
La consommation de viande de lapin est limitée en Haïti. Elle est estimée à seulement 0.04 kg par habitant et par an. C’est l’une des viandes les moins consommées dans le pays, alors qu’elle est un atout sur le plan de la santé humaine, en étant la moins susceptible d’engendrer des maladies cardiovasculaires.
La demande pour la consommation de cette viande blanche est très forte sur le marché local. Sa production est faible pour l’instant, car elle se fait encore à petite échelle. Cette viande souffre donc d’un manque de disponibilité sur le marché. L’absence de méthodes et de techniques d’élevage de lapin, les vols de lapin et des problèmes sociaux de base ont été identifiés comme étant les causes de la faible production haïtienne de lapins.
Il n’existe pas de chiffres très précis concernant la production cunicole haïtienne. Selon une étude menée en 2018 par la Commission Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA), Haïti produit environ 400 tonnes de viande de lapin alors que le pays a la capacité d’en produire environ 5000 tonnes par an d’ici 2030. Cette production, si elle était atteinte, pourrait rapporter aux acteurs du secteur environ 20 millions de dollars américains par an.
Les opportunités dans ce secteur ne sont pas négligeables. Plusieurs familles vivent de la production et de la vente de lapins. Selon un rapport publié en 2020 par le Dr Michel Chancy sur la production de viande de lapin dans le pays, moins de 1% des exploitations agricoles haïtiennes pratique l’élevage de lapins, soit environ 4000 familles.
Des étudiants en agronomie de l’Université Quisqueya (UniQ) et de la Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) de l’Université d’État d’Haïti (UEH), dont Johnny Chéristil et Ernst Paul, deux éleveurs, ont mené une enquête et ont conclu que la filière de l’élevage de lapins présente de grandes opportunités.
Un intérêt croissant pour la viande de lapin
L’élevage de lapins représenterait 25% de revenus annuels de ceux qui le pratiquent. Il s’agit d’une activité très lucrative. Le lapin est apte à la reproduction seulement 6 mois après sa naissance et peut générer 5 portées par an. En un an, un lapin mature peut produire environ 25 à 40 autres lapins, et 10 femelles lapines peuvent reproduire par an 300 lapins. Soit l’équivalent, en termes de valeur monétaire, de 250 000 gourdes pour l’éleveur qui ne dépense pratiquement rien pour nourrir ses lapins.
Le lapin étant un herbivore qui se nourrit de fourrages. Contrairement à la poule, il ne consomme pas la même nourriture que l’homme. Il n’est donc pas en compétition avec les êtres humains. Son élevage se fait en montagne comme en plaine, partout où le microclimat favorise son alimentation. Ses excréments n’ont pas d’odeur forte et peuvent servir d’engrais dans les champs.
Kenscoff, Furcy et Limonade représentent aujourd’hui des zones de forte concentration. Cependant, la production se fait encore à petite échelle dans ces zones. L’élevage du lapin en Haïti n’occasionne pas trop de soucis sur le plan sanitaire. La maladie la plus courante est la galle. Une maladie facile à traiter.
Investir dans le secteur
Il faut encourager l’élevage du lapin, mais aussi investir pour garantir une chaîne de valeur autour de cette filière. Les producteurs ont souvent du mal à écouler leurs produits par le fait que le marché n’est pas organisé. Les supermarchés aussi ont du mal à s’approvisionner en viande de lapin à cause des irrégularités qui entravent le secteur.
Selon le Dr Michel Chancy, 80% des éleveurs en Haïti disposent de moins de 10 lapines mères. Une quantité insuffisante, selon lui, et qui empêche les éleveurs de générer beaucoup d’argent.
Pour rentabiliser, réussir et augmenter la filière cunicole, les cuniculteurs doivent d’abord améliorer certaines pratiques d’élevage, utiliser des matériels adaptés pour fabriquer des cages de qualité, mieux les nourrir et les abreuver, les soigner et choisir les races les plus performantes.
Une assistance technique et financière pour les éleveurs amateurs s’avère tout aussi nécessaire à l’augmentation de la production de viande de lapin. Les cuniculteurs doivent se réunir en association ou en coopérative pour mieux s’organiser afin de pouvoir produire et répondre aux demandes des supermarchés.
L’UniQ ou le parti pris pour le lapin
Pour faciliter l’augmentation de la production de viande de lapin, des activités régulières ont été déjà initiées à l’Université Quisqueya à travers la Faculté d’agronomie, à savoir la journée «Lapen fe kenken» dont la deuxième édition a eu lieu le 10 décembre 2021. De plus, la Faculté des Sciences de l’agriculture et de l’environnement (FSAE) réalise régulièrement des séances de formation en élevage de lapins sur son campus et a également initié des programmes de recherches dans le but d’améliorer la disponibilité des fourrages à travers le pays pendant les périodes de sécheresse.
La FSAE prévoit de combiner des herbes, des feuilles et des déchets industriels pour fabriquer de la nourriture de qualité et en quantité nécessaire. La FSAE intervient également sur la question de l’amélioration des cages, qui est un pilier tout aussi important que la disponibilité de la nourriture.
Un potentiel à valoriser
L’élevage de lapins destinés à la consommation humaine est très peu pratiqué en Haïti, alors qu’il pourrait ouvrir des perspectives très intéressantes et donner naissance à un marché porteur. Avec un million d’éleveurs de lapins, Haïti pourrait reprendre sa place sur le marché international comme exportateur de viande de lapin.
La Chine est actuellement le plus grand producteur de lapins avec 450 000 tonnes métriques de carcasses produites par an. L’Italie arrive ensuite avec 225 000 tonnes métriques, l’Espagne 108 000 tonnes métriques et la France 75 000 tonnes métriques.
Source : Université Quisqueya
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