Économie

Les droits de douane et leur impact sur le commerce futur dans la région des Caraïbes

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Les tarifs douaniers entre les pays des Caraïbes constituent un élément clé du paysage économique régional. Ainsi, ils influencent fortement la dynamique commerciale et les relations entre les nations membres de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Leur structure est en large partie héritée du contexte historique, notamment des liens avec les États-Unis, partenaire commercial de longue date. La dépendance marquée des pays caribéens vis-à-vis du marché américain pour leurs exportations, combinée à l’instabilité des politiques commerciales américaines, soulève des préoccupations quant à la stabilité économique et au potentiel de croissance de la région.

Le tarif extérieur commun (TEC) constitue le principal cadre régissant les droits d’importation entre les membres de la CARICOM, avec des taux généralement compris de 5 à 30 % (CARICOM, 2018). Toutefois, des évolutions récentes suscitent des craintes de guerres commerciales et de mesures de rétorsion susceptibles d’avoir des effets négatifs sur les économies locales. Il s’agit notamment de l’imposition par les États-Unis, en 2025, d’un droit de douane général de 10 % sur la plupart des pays des Caraïbes, ainsi que de droits encore plus élevés sur certains États comme la Guyane. Ces droits alourdissent les coûts pour les consommateurs et mettent en difficulté les exportateurs, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), qui peinent à rester compétitives face à la hausse des prix et à l’incertitude commerciale.

La région est confrontée à d’énormes défis et controverses en matière de politiques commerciales, notamment en raison de l’approche unilatérale souvent adoptée par les États-Unis dans la négociation des accords commerciaux. Ce déséquilibre trouve ses racines dans un contexte historique tendu, illustré par l’accord dit Shiprider dans les années 1990, qui avait suscité l’opposition de plusieurs pays caribéens soucieux de promouvoir des cadres de coopération plus équitables. Par ailleurs, les efforts en faveur de la libéralisation des échanges ont engendré des différends liés aux traitements préférentiels sur les marchés mondiaux, soulevant des inquiétudes quant à l’équité des pratiques commerciales internationales.

Face à ces enjeux, les nations caribéennes accordent une attention croissante au renforcement du commerce intra-régional, à la consolidation de leurs industries locales et à la diversification de leurs partenariats commerciaux. Ces actions visent à réduire leur dépendance aux importations en provenance des États-Unis (CEPAL, 2022). Les stratégies futures pourraient s’appuyer sur des initiatives de la CARICOM visant à améliorer la coopération entre les États membres, à renforcer la résilience économique et à s’adapter à un environnement commercial mondial en constante évolution.

Le contexte historique des tarifs entre les pays des Caraïbes est étroitement lié aux relations économiques et aux politiques commerciales de la région, en particulier avec les États-Unis. Depuis les années 1950, les relations économiques entre les États-Unis et les Caraïbes peuvent être divisées en deux phases majeures : celle de la guerre froide et l’ère post-guerre froide. Durant la guerre froide, la politique américaine dans la région était largement dictée par des préoccupations sécuritaires liées à la lutte contre le communisme, influençant fortement son approche envers les pays caribéens. En revanche, dans la période post-guerre froide, l’importance stratégique de la région a diminué aux yeux des États-Unis, entraînant une réorientation de leur politique, désormais davantage motivée par des considérations économiques.

L’un des développements marquants de cette période a été la mise en œuvre de l’Initiative pour le bassin des Caraïbes (Caribbean Basin Initiative, CBI). Celle-ci offrait un traitement douanier préférentiel non réciproque à une large gamme de produits caribéens exportés vers les États-Unis. Ce dispositif visait à stimuler la croissance économique dans la région en facilitant l’accès au marché américain (CEPAL, 2022). Toutefois, les tendances actuelles vers une libéralisation accrue du commerce mondial ont conduit les États-Unis à s’éloigner de ces régimes préférentiels pour privilégier des accords fondés sur la réciprocité. Cette évolution suscite des inquiétudes parmi les pays de la CARICOM, notamment quant à l’éventuelle remise en cause des avantages liés à la CBI et à d’autres accords préférentiels comme le Système généralisé de préférences (SGP).

Le dialogue permanent entre les États-Unis et les Caraïbes, amorcé lors du sommet de 1997, a permis d’aborder divers enjeux liés aux relations commerciales régionales. Toutefois, la politique commerciale américaine nécessite une refonte pour mieux tenir compte des défis propres aux petits États caribéens dans l’économie mondiale. En raison de leur taille et de leurs vulnérabilités, ces pays risquent une marginalisation croissante, comme l’ont illustré les protestations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et devant les institutions de Bretton Woods. Face à cette réalité, la région met l’accent sur le renforcement des industries locales, le développement du commerce intra-caribéen et la promotion de la sécurité alimentaire. Ces priorités visent à réduire la dépendance extérieure et à renforcer la résilience économique. Dans un contexte d’incertitude croissante, ces efforts sont devenus cruciaux pour l’avenir commercial des Caraïbes.

En avril 2025, le président Donald Trump a annoncé l’imposition de nouveaux tarifs douaniers mondiaux affectant plusieurs nations caribéennes. Par un décret présidentiel du 1er avril, un droit de douane uniforme de 10 % a été appliqué à la plupart des pays de la région, tandis que la Guyane a été soumise à un tarif plus élevé de 38 % (The White House, abril 2025). Ces mesures, justifiées par l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA), invoquaient des relations commerciales jugées « non réciproques ». Dans la région, le Tarif extérieur commun (TEC) constitue le cadre tarifaire standard pour les importations entre les membres de la CARICOM, avec des taux généralement compris de 5 à 30 %. Pour garantir l’uniformité des normes, les États membres ont mis en place l’Organisation régionale des Caraïbes pour les normes et la qualité (CROSQ, en anglais), chargée de définir des standards régionaux pour les biens et les services. En comparaison, les tarifs américains, notamment les codes TS806 et 807, influencent les dynamiques commerciales en favorisant les exportations fabriquées à partir de matériaux d’origine américaine. Face à cette nouvelle conjoncture, les pays caribéens devraient adapter leurs politiques tarifaires et leurs accords commerciaux afin de préserver leur stabilité économique.

L’imposition de tarifs douaniers a des répercussions économiques majeures pour les pays des Caraïbes, en particulier dans leurs relations commerciales avec les États-Unis et d’autres partenaires. L’un des effets immédiats est l’augmentation du coût des biens importés, ce qui touche directement les consommateurs, notamment en matière de produits essentiels comme la nourriture et les médicaments. Ces hausses de prix peuvent lourdement peser sur les ménages caribéens, déjà vulnérables. Parallèlement, les exportateurs caribéens se retrouvent désavantagés, confrontés à des tarifs de rétorsion qui réduisent leur compétitivité, tout en subissant une hausse du coût des matières premières importées, un défi de taille pour les petites et moyennes entreprises (PME). Les structures tarifaires actuelles créent également des obstacles plus larges aux exportations, freinant le potentiel de croissance de secteurs clés comme l’agriculture et les produits manufacturés. En réponse, des initiatives visant à instaurer des accords commerciaux réciproques sont proposées. Elles ont pour but de réduire les tarifs sur les produits importés des pays de la CARICOM et d’atténuer les effets négatifs des politiques actuelles, contribuant ainsi à un environnement commercial plus équitable et durable.

Les tarifs douaniers jouent un rôle central dans les dynamiques économiques des Caraïbes. Face à des politiques commerciales souvent unilatérales, notamment des États-Unis, la région doit renforcer sa résilience économique. Le développement du commerce intra-caribéen et la diversification des partenariats sont essentiels. Une approche collective au sein de la CARICOM permettra de mieux défendre les intérêts régionaux. Enfin, des politiques équitables sont cruciales pour une intégration durable à l’économie mondiale.

Sources
ANNEX I, Country Reciprocal Tarrifs, The White House, Apr. 2025
Caribbean hit with US tariffs days after positive Rubio visit
Revised Common External Tariff of the Caribbean Community
The Caribbean: Average Tariff Rates, in ResearchGate, CARICO, Julian T.S. Chow 2018
United States-Latin America and the Carribean Trade Developments 2022, ECLAC, United Nations