La gestion de l’eau continue d’échapper à l’État haïtien

Assurer la disponibilité de l’eau potable et de l’eau d’irrigation partout en Haïti représente encore un défi à relever.
L’incapacité de l’État haïtien à assurer la gestion efficace de l’eau se manifeste notamment par l’absence d’une politique nationale de l’eau, l’absence de coordination et d’harmonie entre les secteurs intervenant dans la gestion de la ressource, et aussi par le fait que budget et fonctionnement ainsi que financement des infrastructures de la DINEPA dépendaient respectivement de 96% et 98% de l’aide externe en 2016. Sans compter une législation sur les ressources en eau très pauvre et dispersée, fragmentée, non suffisante, diffuse et relativement archaïque.
À la lumière de ces faits patents, d’aucuns auraient parlé d’échec, de faillite étatique dans la gestion du précieux liquide sans grand risque de se tromper.
Paradoxalement, Haïti dispose d’abondantes ressources en eau. C’est plutôt la répartition de la ressource à travers le territoire national qui continue de poser un problème. Pour y parvenir, une volonté politique s’avère indispensable.
En outre, il faudra compter sur une approche nouvelle de gestion intégrée des ressources en eau pour faire face aux défis actuels et futurs. A ce propos, la politique nationale de l’eau doit être élaborée pour embrasser une gestion exhaustive de la ressource sur toute l’étendue du territoire.
Une gestion exhaustive de la ressource devrait forcément conduire à une exploitation adéquate de la ressource. Or, le ministère de l’Agriculture (MARNDR), l’un des premiers utilisateurs de la ressource, ne dispose pas d’aucune politique d’exploitation et puise l’eau là où il le trouve. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le plan environnemental.
La ressource existe certes, mais elle est à la fois mal gérée d’un côté et mal protégée de l’autre. Sur le papier, c’est le ministère de l’Environnement qui est chargé de sa protection, de sa préservation. Quand on considère le montant des crédits budgétaires alloués ordinairement à ce ministère, l’on comprend aisément pourquoi l’eau n’est ni protégée, ni préservée en Haïti.
Sur ce point précis, le ministère de l’Agriculture n’est pas mieux loti et n’a de cesse de plaider pour l’allocation de montants plus conséquents devant lui permettre de développer une politique nationale sur la disponibilité de l’eau d’irrigation en Haïti. Entre politiques, actions mises en œuvre et résultats obtenus depuis 1986 à nos jours par ce ministère, on peut difficilement affirmer que le bilan soit favorable.
D’autres aspects sur la problématique de l’eau méritent d’être évoqués ici. À savoir, les besoins en eau potable à l’horizon de 2050, non inclus l’irrigation, seront de 700 millions de mètres cubes d’eau. Avec un taux de croissance annuel de la population de 2%, le pays passera à une population de 26 millions d’habitants à l’horizon de 2050. Au moment précis où ces lignes ont été rédigées, les alternatives pour alimenter en eau potable cette population n’étaient pas encore connues du grand public. Avec l’exode rural, une bonne partie de cette population partira s’installer dans les villes.
Avec l’actualité récente du canal de Ouanaminthe, comment ne pas évoquer la question des eaux transfrontalières, non seulement les eaux superficielles mais aussi les eaux souterraines que nous partageons avec la République dominicaine ?
Le ton va-t’en guerre adopté dès le début par l’exécutif dominicain a laissé peu de chance à l’État haïtien de faire valoir la nécessité d’accords internationaux avec le voisin de l’Est pour pouvoir gérer la ressource à l’avantage des deux peuples. Il faudra tôt ou tard s’associer, entre bons voisins, pour assurer une gestion efficace de l’eau des deux côtés de la frontière.