Sommet régional de la finance: vers une nouvelle dynamique économique pour le Grand Nord

L’hôtel Roi Christophe du Cap-Haïtien a accueilli, sur une période de trois jours, la troisième édition du Sommet Régional de la Finance dans le Grand Nord. Cet événement, orchestré par le Group Croissance, s’est déroulé autour du thème: « Financer les Petites et Moyennes Entreprises (PME) pour la reprise économique ». Cette conférence, qui a eu lieu du 22 au 24 mai 2025, a réuni des économistes, des banquiers, des entrepreneurs et des leaders politiques. Ils se sont concentrés sur une question cruciale : comment stimuler le développement économique à long terme en favorisant les PME locales, surtout dans la région du Grand Nord ?
Le moment fort de la journée du vendredi 23 mai a sans doute été l’exposé de l’économiste Kesner Pharel, qui a présenté une analyse chiffrée du Grand Nord par rapport à l’ensemble du pays et à d’autres nations voisines. Son intervention, intitulée « Le Grand Nord en chiffres », a préparé le terrain pour une réflexion approfondie sur la distribution de la richesse, les mouvements démographiques et les opportunités inexploitées de cette vaste région.
Le Grand Nord: un poids démographique important
D’après les chiffres de 2024 de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI), Haïti compte 11 867 032 habitants, avec une répartition inégale sur le territoire. Le Grand Nord, regroupant les départements du Nord, Nord-Est et Nord-Ouest, accueille à lui seul 2,4 millions de personnes, soit plus de 20 % de la population nationale. Cette concentration de population en fait une zone clé pour tout programme de redressement économique.
Le Cap-Haïtien, avec ses 301 506 habitants, demeure le moteur urbain de la région Nord. Dans le Nord-Est, Ouanaminthe dépasse les 100 000 habitants, soulignant son rôle grandissant dans le commerce transfrontalier. Dans le Nord-Ouest, les communes de Port-de-Paix, Jean-Rabel et Saint-Louis du Nord regroupent à elles seules plus de 65 % de la population départementale, marquant les déséquilibres démographiques même au sein du Grand Nord.
Des atouts économiques inexploités
Sur le plan national, le PIB d’Haïti atteint 17 milliards de dollars américains, un chiffre semblable à celui de la Jamaïque, pourtant trois fois moins peuplée. La République dominicaine, notre voisine immédiate, possède un PIB de 130 milliards, tandis que Taïwan, avec ses 23 millions d’habitants, atteint 700 milliards de dollars. Ces comparaisons ont été utilisées par Kesner Pharel pour mettre en lumière les performances faibles de l’économie haïtienne et, par ricochet, de ses régions, malgré leur potentiel humain élevé.
En ce qui concerne les infrastructures financières, le système bancaire haïtien totalise 541 475 822 000 gourdes de dépôts — soit environ 4 milliards de dollars US. Néanmoins, le département de l’Ouest concentre à lui seul 80 % de ces ressources, avec 440 milliards de gourdes. Le Nord se trouve en deuxième position, mais l’écart est significatif : 30 milliards de gourdes, soit environ 231 millions de dollars US, dont seulement 5 milliards en dépôts à terme. Cette concentration excessive de ressources financières sur la capitale freine les investissements régionaux et limite le développement des PME du Nord.
Urbanisation et répartition géographique
Tandis que l’Ouest demeure le département le plus urbanisé du pays (plus de 90 %), le Nord arrive en deuxième position avec un taux d’urbanisation situé entre 60 et 70 %, facilitant théoriquement l’installation d’infrastructures économiques et financières.
Cependant, des disparités persistent. Parmi les 20 communes les plus dynamiques du pays figurent Port-au-Prince, Carrefour, Delmas, Gonaïves et Pétion-Ville, ainsi que quelques communes du Nord telles que Cap-Haïtien ou Ouanaminthe.
En revanche, plusieurs communes du Grand Nord restent isolées, telles que Mombin-Crochu, Môle-Saint-Nicolas, Milot, Chansolme ou Terrier Rouge, parmi les 20 communes les moins développées de la région. Leur isolement et le manque de structures de soutien pour les PME compliquent la relance économique à l’échelle locale.
Un redressement économique de proximité est nécessaire pour surmonter les défis rencontrés par les communes isolées. Le constat est évident: malgré un potentiel humain substantiel et une certaine urbanisation, le Grand Nord se maintient en arrière sur le plan économique, notamment en termes d’accès au financement pour les PME. La centralisation du système bancaire et le manque de dépôts à terme dans les régions en sont des obstacles majeurs.
Pour Kesner Pharel, «l’avenir d’Haïti reposera sur une meilleure implantation régionale des politiques économiques. Il faut diriger plus de ressources vers des régions comme le Grand Nord, en facilitant l’accès au crédit, en appuyant l’entrepreneuriat local et en renforçant les structures institutionnelles».
Le Sommet a pris fin sur une invitation à agir : libérer le potentiel économique régional par l’investissement dans les PME, pilier essentiel d’une reprise économique inclusive et durable.
DevHaïti