Une économie haïtienne en chute libre

La note de politique monétaire publiée chaque trimestre par la Banque de la République d’Haïti (BRH) a confirmé le choc violent subi par l’économie haïtienne, après que le gouvernement eût décidé d’adopter des mesures de confinement pour réduire la propagation du virus COVID-19 sur le territoire national. Une telle situation donnera lieu à une contraction du produit intérieur brut (PIB) d’Haïti durant deux années consécutives et ceci pour la première fois depuis la période de l’embargo au début des années 90.
Le secteur réel de l’économie nationale a été sérieusement affecté par l’arrêt brutal des activités formelles à la fin du mois de mars 2020, renforçant ainsi la situation du chômage déjà critique dans le pays. A rappeler que la nette instabilité politique enregistrée au cours des deux dernières années, avait eu un impact négatif sur l’évolution du PIB et provoqué des pertes d’emplois assez considérables. Les importants déséquilibres macroéconomiques, avec les creusements des déficits jumeaux (budgétaire et commercial), ont contribué à la dépréciation continue de la gourde par rapport aux devises internationales et à de fortes pressions inflationnistes, plus de 20% du taux d’inflation en rythme annuel au cours du trimestre avril – juin 2020.
Le secteur industriel, particulièrement la sous-traitance, a subi un double choc. Le confinement décidé par le gouvernement avait causé la cessation des activités et le renvoi des ouvriers. Suite à des négociations tenues entre le Premier ministre et des leaders de la sous-traitance, les activités ont repris timidement laissant le secteur avec moins de 40 000 emplois et des exportations de moins de 30 millions de dollars américains au cours du mois d’avril 2020. Ceci s’explique facilement par la forte contraction de plus de 30% de l’économie américaine, principale consommatrice des biens sous-traités en Haïti. A un tel rythme, les exportations totales du pays seront nettement inférieures par rapport au montant annuel qui s’élève à un milliard de dollars.
Quant au secteur des services, particulièrement le tourisme, la pandémie a achevé les espoirs de reprise des investisseurs après le brutal arrêt enregistré avec le phénomène de « peyi lòk ». En effet, l’arrêt quasi complet des activités dans le secteur de l’hôtellerie et le net ralentissement dans le secteur de la restauration ont conduit à une situation de faillite financière dans les entreprises locales, particulièrement les Petites et moyennes entreprises (PME).
Le secteur agricole qui n’a pas été impacté de façon directe par la COVID-19, a accusé une performance négative durant la période avril-juin 2020. Une pluviométrie irrégulière a été à la base d’une telle performance aggravant ainsi la situation d’insécurité alimentaire dans le pays.
Le seul point positif à relever dans l’évolution de l’économie haïtienne durant la période avril-juin 2020 est le flux de transferts de devises sans contrepartie. Ces derniers ont progressé de 31% par rapport au trimestre précédent et 27% par rapport à la même période de l’année antérieure. Au cours du mai 2020, le montant des transferts sans contrepartie a franchi la barre de 300 millions de dollars américains, le niveau mensuel le plus élevé au cours des douze derniers mois. Ceci indique que malgré les difficultés rencontrées par les Haïtiens de la diaspora avec le confinement dans les pays d’hébergement, ils ont manifesté leur solidarité avec leur famille dans le pays.
Les troubles politiques et le confinement causé par la COVID-19 ont réduit considérablement la capacité des autorités financières à mobiliser des fonds publics. En effet, les recettes fiscales ont évolué au faible rythme mensuel de 6.6 milliards de gourdes durant les trois mois qui ont suivi le confinement, un montant beaucoup trop faible pour faire face à la nette progression des besoins de l’État.
Avec des dépenses mensuelles de près de 9 milliards de gourdes, le déficit budgétaire n’a pas cessé de croître pour créer de fortes pressions sur le principal créancier, la Banque centrale. La monétisation de ce déficit a été l’un des facteurs alimentant la dépréciation de la monnaie locale et la hausse des prix dans l’économie.
La chute du pouvoir d’achat résultant de fortes pressions inflationnistes et de la perte continue d’emplois au niveau de plusieurs familles pendant ces dernières années, ne fait qu’accentuer la dégradation de la situation sociale dans le pays et renforcer la situation de pauvreté et d’extrême pauvreté dans le pays. La mise en place d’un solide plan de relance post-COVID de façon participative et la réalisation des réformes structurelles s’avèrent nécessaire pour placer le pays sur la voie du développement durable.
DevHaïti