Haïti et République Dominicaine : quelles perspectives après l’élection de Luis Abinader ?

Les dominicains ont été aux urnes pour choisir des maires, des législateurs et un président en dépit de la crise sanitaire qui a endeuillé plusieurs familles dans le pays. La République voisine, très ouverte au reste du monde, représente l’un des pays les plus affectés par la COVID-19 ayant causé non seulement des morts mais aussi un net ralentissement des activités au niveau de l’économie affichant la plus forte croissance du produit intérieur brut dans la région.
La réalisation de ces élections au cours de cette crise sanitaire a rendu le pays plus vulnérable à court terme mais le renforce considérablement à moyen et long terme, du fait que les institutions seront mieux armées pour faire face aux défis de la période post-COVID. Faut-il rappeler que l’autre pays qui partage l’île, un cas unique dans le monde, est en train de vivre une situation contraire, avec l’affaiblissement de ses institutions ?
Des analystes avisés de la situation politique dominicaine estiment que c’est la première fois, dans l’histoire récente des élections, que le dossier haïtien n’était pas au centre de la campagne électorale. L’équipe d’Abinader composée de jeunes professionnels compétents, moins dépendante de la vieille garde anti-haïtienne, a lancé de nouveaux signaux en souhaitant des relations commerciales plus solides avec Haïti. Cependant, le nouveau président dominicain a insisté sur le contrôle de la migration haïtienne vers son pays, un sujet très sensible. Le nouveau président dominicain a précisé aussi qu’il n’a nullement l’intention d’aider les haïtiens à résoudre leurs problèmes car son pays n’en a pas les moyens.
Comment prendre Abinader au mot concernant le renforcement des relations commerciales entre les deux pays? Il n’est certainement pas le premier président dominicain, au cours des dernières décennies, à faire des ouvertures vers la partie occidentale de l’île. Des commissions mixtes ont vu le jour entre les deux généralement au rendez-vous et les initiatives ne sont pas concrétisées.
Les acteurs du secteur des affaires et de la société civile ne devraient pas laisser le leadership d’un grand programme binational entre les mains des acteurs politiques exclusivement. En effet, les leaders haïtiens devraient profiter de l’arrivée de cette nouvelle classe d’hommes et de femmes politiques en République Dominicaine pour établir de solides contacts et réfléchir en vue de renforcer le positionnement stratégique de l’île dans la perspective du grand mouvement de relocalisation de certaines usines de la zone asiatique vers le continent américain. Les jeunes leaders l’ont déjà compris et l’ont exprimé à travers leur vision d’une politique étrangère agressive.
Un renforcement des relations haïtiano-dominicaines au cours de la troisième décennie de ce millénaire réclame une participation autant des acteurs publics que non publics, tant sur le plan national que régional. La région Nord d’Haïti composée des départements du Nord-ouest, du Nord et du Nord-est reliée au riche espace économique du Cibao dans la partie septentrionale de la République dominicaine jouit d’importants avantages comparatifs et compétitifs en raison de leur proximité avec les États du Sud des États-Unis.
Une nouvelle ère s’annonce dans la partie orientale de l’île. Comment en bénéficier? Les résultats des prochaines élections générales dans la partie occidentale en 2021 ou 2022 pourraient nous donner une idée de la direction que nous, haïtiens, allons choisir pour faire la route avec les Dominicains.
DevHaïti