Économie

Budget 2020-2021 : l’État haïtien, est-il trop optimiste ?

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Le budget 2020-2021 totalisant 254 milliards de gourdes, publié par le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) le 1er octobre dernier, a aussitôt fait des gorges chaudes aussi bien dans les médias traditionnels que sur les réseaux sociaux. D’entrée de jeu, des spécialistes de la question dénoncent le caractère insoutenable du budget. Autrement dit, les ambitions affichées de l’État et son optimisme ne tendraient pas la route au regard des lois régissant le fonctionnement de l’économie. A ce niveau, on ne doit pas espérer des miracles.

En dépit du fait que la valeur en douane de certaines marchandises va baisser à cause de l’appréciation de la monnaie nationale, l’État persiste à croire que les recettes vont augmenter tel que prévu dans le budget 2020-2021.  Le grand argentier de la République, Michel Patrick Boisvert, croit que des dispositions prises dans le contrôle vont aider à rester près du but.

L’augmentation des droits d’accises sur le tabac, l’alcool, la farine de blé est une disposition qui vise davantage à protéger la production nationale que les rentrées financières. Des projets sur le terrain vont satisfaire la demande pour la farine de blé. Donc, dans le budget 2020-2021, les autorités soutiennent que des dispositions sont prises pour protéger les producteurs locaux, avons-nous appris.

En réalité, le gouvernement doit collecter entre 70 et 75 % de ses recettes qui sont liées directement ou indirectement au taux de change. Les revenus douaniers et la taxe sur le chiffre d’affaires (TCA) représentent 56% des revenus de l’État haïtien pour l’exercice 2019-2020.  A partir des valeurs en douane calculées en dollar multipliées par le taux de change en baisse de moitié, l’État va faire face à une baisse considérable de ses recettes.

Enthousiaste, le ministre Boisvert informe que des rencontres entre douaniers haïtiens et dominicains sont organisées régulièrement dans le but de partager des informations sur la valeur en douane des marchandises. Ces informations concernent le volume et la valeur en douane des marchandises pour réduire la contrebande dans les principaux points frontaliers entre les deux pays.

Également, les séances de travail entre le ministère de l’Économie et des Finances, la direction générale des Impôts (DGI) et l’Administration Générale des Douanes (AGD) permettent aux yeux de Michel Patrick Boisvert une interrelation dans la collecte et l’exploitation de données pour mieux agir au profit de l’État.

Le budget a été élaboré à la fois dans des conditions et dans un contexte difficile de négociation avec le FMI et d’urgences nationales. « Certains employés du ministère des Finances ont dû passer au moins une semaine sans pouvoir rentrer chez eux », a confié Michel Patrick Boisvert qui rappelle que 3,1 milliards de gourdes sont prévues dans le budget à titre de ressources destinées à financer l’organisation des activités électorales de l’année 2021.

Après les dépenses de personnel, avec ses 49 milliards de gourdes, le service de la dette pointe au deuxième poste dans le budget en application depuis le 1er octobre 2020. Une grande partie de cette dette est liée directement aux produits pétroliers. L’État a même une dette de 6,5 milliards de dollars auprès des compagnies pétrolières. Une dette envers Novum s’élève à 53 millions de dollars américains.

Des investissements productifs peuvent tirer vers le haut la croissance durable de l’économie. Ces investissements seront faits sur la base des prêts consentis auprès du système bancaire haïtien. Pour financer, par exemple, la construction de centrales de production d’énergie électrique suivant des plans bien définis. M. Boisvert admet que les recettes de l’EDH ne suffisent même pas pour payer le salaire de ses employés.

 Des réformes sont prévues dans ce secteur. Les appels d’offres sont lancés et des sociétés ont déjà manifesté leurs intérêts. Selon le titulaire du MEF, l’EDH bénéficiera d’une dotation dans le budget 2020-2021. Mais, les  financements au profit de cette entité de l’État iront decrescendo. L’objectif de ces baisses graduelles est de parvenir à l’autonomie totale, à la rentabilité de cette entreprise perçue comme un boulet au pied de l’État.

Enfin, Patrick Boisvert reconnait que la décision de faire baisser la marge bénéficiaire des distributeurs de produits pétroliers a eu de lourdes conséquences. Mais, la baisse des prix de produits pétroliers dans l’international à cause des effets de la Covid et l’appréciation de la gourde par rapport au billet vert a arrangé la situation et éviter une nouvelle crise.

DevHaiti

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DevHaïti, magazine bimensuel consacré au développement économique, est produit par l’Association Haïtienne de Journalistes Économiques pour le Développement Durable (AHJEDD), et le Group Croissance. Le magazine traite essentiellement des objectifs de développement durable (ODD) et de l’agenda 2030.