Un tournant dans les attributions de la CSC/CA

La Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA) est perçue comme un fusible pour aider dans la gestion des fonds publics, dans le règlement de l’argent des contribuables haïtiens. Une fois que cette institution phare ne donne pas son avis sur un projet de contrat, ce dit projet garde son statut et ne pourrait devenir contrat proprement dit tant que la Cour ne donne pas son feu vert. C’est-à-dire son avis motivé.
La CSC/CA comme tout organisme humain n’est pas infaillible. Les membres de la Cour sont susceptibles de commerce des erreurs ou peuvent céder à des tentations, des sollicitations ou des actions motivées. Pour ces raisons et de bien d’autres, est prévu un audit indépendant de cette institution chaque année. Cet audit annuel n’a jamais pu se produite. Comme si cela ne suffisait pas. Un décret récemment publié par l’équipe au pouvoir vient encore secouer les bases de notre jeune démocratie.
Le décret du 6 novembre 2020 pris par l’administration du président Jovenel Moïse a fait couler beaucoup d’encre et de salives. Le décret est immédiatement indexé par les organismes de droits humains et d’autres structures organisées œuvrant dans la lutte contre la corruption.
Le décret du 4 novembre 1983 établit l’organisation et le fonctionnement de la CSC/CA. Ce dernier et celui du 23 novembre 2005 continuent de régir la Cour. Et comme le fait remarquer Claudie Marsan, avocate du barreau de Port-au-Prince spécialisée dans le droit des marchés publics, les législateurs et autres décideurs haïtiens ont la fâcheuse habitude de plagier les textes de lois de la France.
En plagiant de la sorte, les « faiseurs de lois » ne tiennent pas compte de certaines particularités. En réalité, la Constitution de 1987 fait de la Cour des Comptes une juridiction administrative et financière, indépendante et autonome. Une autonomie floue dans la pratique. La Cour est chargée du contrôle administratif et juridictionnelle, des dépenses et recettes de l’Etat, jusque dans les collectivités territoriales.
La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif exerce le contrôle a priori sur les contrats de l’État depuis l’adoption du décret du 4 novembre 1983 portant son organisation et fonctionnement. Mais l’article 2 du décret du 6 novembre 2020 du président Moïse vient changer la donne. Il précise que le contrôle de la CSCCA est exercé a posteriori.
Ledit décret « fixant les conditions dans lesquelles la CSC/CA donne son avis consultatif sollicité sur les questions relatives à la législation et sur les finances publiques ainsi que sur les projets de contrats, accord et convention à caractère financier ou financier auxquels l’Etat est partie et modifiant certaines dispositions du décret du 17 mai 2005 portant organisation de l’administration centrale de l’Etat »
« En réalisant ses travaux, la CSC/CA fait usage d’une stratégie avec son plan d’audit mis sur pied. La Cour des comptes comme on se plait à l’appeler fait des considérations qu’elle-même a déjà faites (a priori) de même sur des travaux des contrôleurs internes, mais aussi sur des travaux de l’Inspection générale des Finances (IGF) », précise Me Claudie Marsan. En fait, dit-elle, l’Inspection générale des Finances devrait auditer les ministères, les directions générales, pour vérifier à quel point ces institutions respectent les lois.
Le décret du 17 mars 2006 publié dans le Moniteur du 25 mai de la même année crée au ministère de l’Economie et des Finances un service déconcentré dénommé Inspection Générale des Finances ayant pour sigle IGF). Les articles 2 et 3 du décret précité stipulent : « L’IGF a pour missions d’une part de vérifier, contrôler, assurer l’audit technique, administratif, financier et comptable à priori et à posteriori sur l’ensemble de l’administration publique nationale. »
Et d’autre part, l’IGF a pour missions « d’étudier toutes questions, d’exécuter toute mission relative aux finances publiques, à la comptabilité publique, aux programmes d’investissement public, aux marchés publics, aux patrimoines de l’État et des Collectivités Locales ainsi que celles liées à la discipline budgétaire et financière. »
La collectivité est davantage protégée par une loi que par un simple décret qui est en dessous dans la hiérarchie des normes dans le domaine juridique, de l’avis de Me Claudie Marsan. Mais les parlementaires chargés de légiférer sont plus intéressés à leurs accointances plutôt qu’à exercer leur travail de contrôle. Les conséquences d’une telle attitude sont catastrophiques pour le pays. Cela cause un manque à gagner pour l’Etat haïtien qui est loin d’être efficient. Il revient aux structures organisées de la société de redresser la barre.
DevHaiti