Trois clés pour réussir le Prepoc

La pandémie de COVID-19 fait encore rage à travers le monde. Son bilan économique est encore plus lourd – une contraction du produit intérieur brut (PIB) mondial de plus de 8%, des pertes d’emploi à plein temps estimées à plus de 240 millions et quelque 150 millions de personnes pouvant se retrouver en situation d’extrême pauvreté, selon des informations recueillies par des institutions de l’ONU. Par anticipation de la fin de la pandémie, les responsables des pays ont déjà entamé de sérieuses réflexions pour relancer l’économie et atténuer le choc brutal causé par la crise sanitaire.
En Haïti, les défis liés à la pandémie du virus COVID-19 mettent à mal les structures de gestion de l’État qui doivent se mobiliser pour apporter des solutions palliatives dans un premier temps et durables sur le long-terme. Ces actions exigent une communication et une concertation constantes avec les citoyens pour atteindre les objectifs et répondre aux attentes. De plus, le gouvernement haïtien vise à promouvoir une transparence accrue dans la manière d’engager les dépenses publiques durant la période de crise, à prendre des décisions en matière de gouvernance sur des sujets comme le budget national pour l’année fiscale 2020-2021, et à déterminer la politique économique à adopter pour permettre au pays de se relever des impacts de la pandémie. Dans cette optique, l’État haïtien s’est engagé à consulter des groupes de la société civile et du secteur privé dans la recherche des pistes de solutions permettant de cibler les secteurs prioritaires susceptibles de contribuer à la reprise de la croissance économique dans les 3 prochaines années.
Les responsables économiques locaux ne sont pas en reste et ont, au début du mois de janvier 2021, présenté le Plan de relance économique post-COVID (Prepoc) visant à replacer l’économie haïtienne sur la voie de la croissance. Victime de chocs sociopolitique et sanitaire au cours des trois dernières années, cette économie a connu une contraction de son PIB de plus de 2% en moyenne par an durant les exercices fiscaux 2018-2019 et 2019-2020, provoquant ainsi une aggravation de la situation de la pauvreté et de l’extrême pauvreté dans le pays. Souhaitant renverser la tendance au cours de l’exercice fiscal 2020-2021, les responsables économiques estiment que la mise en application du Prepoc devrait donner lieu à une croissance moyenne du PIB de 3% par an durant la période 2020-2023 et faciliter la création de 70 mille nouveaux emplois. En outre, le plan prévoit une réduction de la pauvreté autour de 25% en 2023 et une diminution de l’insécurité alimentaire de l’ordre de 15% durant la même période.
Pour atteindre les objectifs assez ambitieux fixés par le Prepoc, les responsables prônent une plus grande diversification de l’économie haïtienne et une certaine accélération de la croissance axée sur l’agriculture, l’industrie, le tourisme et le numérique. Ils comptent ainsi réaliser des investissements substantiels dans des infrastructures énergétiques pour faire face à des contraintes structurelles. Parmi les autres piliers fondamentaux du Prepoc, on peut citer le soutien aux micro, petites et moyennes entreprises et la création d’emplois, le développement du capital humain et de l’inclusion sociale, le renforcement de la sécurité et de l’Etat de droit et le renforcement de la résilience aux chocs naturels.
Les concepteurs du Prepoc estiment que sa réussite dépend de l’adoption d’une nouvelle gouvernance économique, financière et administrative. En effet, une nouvelle culture doit être développée au sein de l’administration publique pour offrir des services de qualité à la population, ce qui est indispensable pour l’amélioration de la productivité et de la compétitivité au niveau de l’économie nationale. A cet effet, le gouvernement Haïtien s’est doté du Plan de modernisation de l’état (PME 2023) étalé sur 5 ans (2018-2023) dont l’objectif est d’améliorer la qualité des services publics à la population. Pour y arriver, le gouvernement a sollicité et reçu une assistance importante des partenaires techniques et financiers pour concrétiser son plan d’action, qui commence avec la redynamisation de la fonction publique et la réforme des finances publiques. Le prochain numéro de DevHaiti sera consacré aux efforts de réforme de l’administration publique en appui au PREPOC et d’autres documents stratégiques du gouvernement Haïtien.
En outre, une gestion plus rigoureuse des finances publiques s’avère nécessaire avec une augmentation n de la pression fiscale, d’une part, et la réalisation de dépenses publiques de façon plus efficace et efficiente, d’autre part. Ceci pourrait contribuer à diminuer les tensions sur le marché local des changes et protéger le pouvoir d’achat déjà assez faible des consommateurs. Quant à la gouvernance économique, l’adoption de nouvelles lois pourrait redéfinir les règles du jeu dans le monde des affaires de façon à encourager la concurrence et réduire ainsi la concentration au niveau de certains secteurs économiques. L’intégration de nouvelles entreprises, particulièrement les petites et moyennes au niveau de différentes chaînes de valeurs faciliterait une plus grande création d’emplois pour atténuer l’épineux problème de pauvreté.
La réussite ne dépendra pas exclusivement du secteur public mais aussi d’une forte implication des acteurs du secteur privé, de la société civile et des médias. Une participation active de ces acteurs dans l’implémentation du Prepoc, particulièrement dans le processus budgétaire, pourrait rétablir une certaine confiance dans la gestion publique et encourager les entreprises et les citoyens à travers une plus grande mobilisation fiscale. L’adoption de nouveaux comportements au sein de la gestion des entreprises privées, à savoir une gouvernance moderne et responsable par rapport aux employés en particulier et la société en général, constitue un autre défi important pour la réussite du Prepoc.
DevHaiti