Économie

Le crédit agricole ou les défis qui attendent la BNDA

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 La Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) va tout mettre en œuvre pour faciliter le financement de l’agriculture et toute sa chaîne de valeur et faire aussi la promotion de la finance inclusive dans le pays. DevHaiti vous invite à lire l’intégralité de l’interview exclusive avec le président du conseil d’administration de la BNDA, Faude Joseph. Cet entretien retrace les grandes orientations de la stratégie de cette institution lancée le 14 janvier 2021, par le président de la république Jovenel Moïse, en présence du Premier ministre, Joseph Jouthe.

DevHaïti : Voulez-vous faire ressortir pour nos lecteurs l’importance de la BNDA dans le contexte économique actuel d’Haïti, sa mission et ses attributions ?

Faude Joseph (F.J.): L’économie haïtienne présente aujourd’hui des déséquilibres à plusieurs niveaux. C’est une économie extravertie mais qui affiche une dépendance inquiétante par rapport au reste du monde. La balance des paiements, document qui retrace l’ensemble des échanges de biens, services et de capitaux entre l’économie haïtienne  et le reste du monde, affiche un déséquilibre chronique. L’une de ses composantes, la balance commerciale – qui mesure la performance dans les échanges internationaux- est déficitaire. Donc, nous importons beaucoup plus que nous exportons. La situation est plus exacerbée quand on réalise que plus de la moitié des biens (en particulier des produits agricoles) que nous consommons viennent de l’extérieur. A l’analyse, nous pouvons comprendre que le niveau de la production nationale est faible. Pour y remédier, il nous faut des capitaux pour financer le secteur agricole en particulier. D’où l’importance d’une banque agricole comme la BNDA.

 La Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) a pour mission de financer le développement de l’agriculture haïtienne et toute sa chaine de valeur. Elle va agir pour apporter son appui aux politiques publiques conduites par l’Etat en vue d’augmenter la production agricole, réduire la dépendance agricole, et assurer l’autosuffisance alimentaire et la sécurité alimentaire. La BNDA va également œuvrer à l’inclusion financière de la population rurale et faire de l’agriculteur haïtien un véritable agent économique.

DevHaïti: En fonction de vos expériences antérieures dans le milieu bancaire, qu’est-ce qui peut vous pousser à croire que votre administration a une chance de réussite ?

F.J. : On crée les conditions de sa réussite. Ce sont mes expériences qui me permettent de bien faire la différence entre les deux types de banque. Donc, je connais les limites du système bancaire classique en matière de financement agricole. L’approche de la BNDA est nouvelle et mieux adaptée au développement du secteur. L’agriculture est une activité potentiellement risquée. Elle n’attire pas forcement le banquier classique surtout quand l’écosystème financier n’est pas adapté. De notre côté, nous ne limitons pas nos actions uniquement dans la production agricole. C’est pourquoi, nous envisageons le financement de la chaine de valeur agricole et évoluer par la suite comme une banque universelle.

DevHaïti : Avez-vous réellement les moyens de votre politique, portefeuille disponible, lois en vigueur dans le secteur ?

F.J. : On constitue un portefeuille à partir des facilités que l’on aura à accorder aux emprunteurs. En d’autres termes, les crédits décaissés vont constituer le portefeuille de crédit. Les fonds devant nous permettre de constituer ce portefeuille viendront du trésor public au départ. Par la suite, le capital de la BNDA sera ouvert à des investisseurs privés ou institutionnels afin de lui permettre d’avoir plus de moyens pour agir. La législation en vigueur concernant les banques couvre la BNDA qui a un statut de banque d’Etat. Les efforts doivent être plutôt déployés pour donner à l’agriculteur son vrai statut et mieux encadrer ses activités. Etant donné que nous n’allons pas desservir seulement les agriculteurs mais également les agro-entrepreneurs, nous sommes en mesure d’évoluer en attendant que ce vide soit comblé.

DevHaïti : Avez-vous déjà une stratégie pour cohabiter avec le milieu financier haïtien en général et le secteur bancaire classique en particulier ?

F.J. : La BNDA vient compléter l’écosystème financier haïtien. Elle apporte une réponse au besoin de financement du secteur agricole haïtien, indispensable à son développement. La BNDA aura sa part de marché qui jusque-là n’est pas desservie correctement. Il sera très facile pour nous de trouver notre place puisqu’elle n’est pas totalement occupée. Nous allons partir du rural pour atteindre le milieu urbain. Aucune banque classique ne l’a jamais fait avant nous.

 DevHaïti : En fonction de l’état des lieux que vous avez probablement dressé, croyez-vous que les 21 millions de dollars annoncés par les autorités lors de votre installation sont à la hauteur des défis ?

F.J. : La vision est devenue plus grande aujourd’hui. C’est une banque totalement réorganisée avec des défis plus grands. Le capital social de départ est de 1milliard de gourdes et il est appelé à être ouvert dans un premier temps et augmenter par la suite. La BNDA aura besoin de beaucoup d’investissements surtout en matière de technologie pour que le modèle donne les résultats escomptés.

 DevHaïti : Présentez-nous le Conseil d’administration.

Faude Joseph : Le Conseil d’administration est composé comme suit :
Faude Joseph : Président
Michelle Guillaume : Vice-présidente
Ulrick Emmanuel Noël : Directeur Général
Martin Jean Louis : Membre
Cassandra Lauture : Membre

 DevHaïti : Quel mécanisme d’assurance prévu pour garantir les prêts qui seront octroyés?

F.J. : Le type de couverture prévu est souple. Nos procédures indiquent des sûretés personnelles comme le cautionnement ou aval, cautionnement solidaire et sûreté réelle comme gage sans déplacement. Dans le cas de financement d’équipement, la garantie portera sur le bien financé. Pour les prêts les plus importants, la garantie peut prendre d’autre forme comme une police d’assurance. Parallèlement, il existe aujourd’hui un fonds de garantie et des dispositions sont en cours en vue d’avoir une police d’assurance récolte.

 DevHaïti : Quelle cible pour les prêts? Les petits exploitants ou les grandes exploitations agricoles?

F.J. : Nous rappelons que la BNDA va financer l’agriculture et toute sa chaine de valeur. Pour les prêts qui portent sur l’agriculture, nous ciblons les deux catégories : les petits exploitants dans le but de leur donner une source de revenu et les grandes exploitations dans le but d’augmenter la disponibilité des produits agricoles sur le marché local et réduire la dépendance par rapport à l’extérieur. Les PME évoluant dans la chaine de valeur agricole seront desservies ainsi que des entreprises qui sont dans l’agrobusiness (intrants, engrais, commercialisation, transformation, élevage, équipement, agroalimentaire).

DevHaïti : Les prêts visent-ils des zones franches agricoles c’est-à-dire l’exportation?

F.J. : Au départ, la BNDA va se concentrer sur l’augmentation de la production destinée à la consommation locale, pour rester cohérent avec son objectif de venir en appui aux politiques publiques en matière de réduction de la dépendance agricole et sécurité alimentaire. A l’avenir, nos actions s’étendront sur toutes les zones de production agricole.

DevHaïti : Les prêts visent-ils des filières en particulier?

F.J. : Une étude a été commanditée par la BRH en 2017. Elle a fait ressortir la nécessite de prioriser certaines filières pour le développement de l’agriculture haïtienne au moyen de mécanismes financiers adaptés. La BNDA va s’aligner aux recommandations de cette étude et financer ces filières dites porteuses et qui sont moins risquées.

DevHaiti