Gouvernance

Le PReGePAPS clarifie et responsabilise pour mieux réussir

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Le Projet  de renforcement de la gestion publique pour l’amélioration de la prestation de services(PReGePAPS) a tenu son premier atelier de cadrage de l’année fiscale 2020/2021. Ce projet de l’État haïtien piloté par l’Office de management et de ressources humaines (OMRH) est financé par la Banque interaméricaine de développement (BID) à hauteur de 55 millions de dollars américains. Cela, en appui au Programme de modernisation de l’état (PME 2023) en vue de la fourniture de meilleurs services publics à la population haïtienne.

Pendant deux jours, bénéficiaires, maitre d’ouvrage, techniciens, bailleur, les parties prenantes se sont réunies les 11 et 12 mars derniers à l’hôtel Kinam et concertées sur les meilleures conditions de réussite dudit projet. Elles en ont profité pour mesurer les progrès accomplis jusque-là, évoquer les contraintes, accorder les violons et dégager les perspectives. De l’avis général, l’exercice s’est révélé «utile et indispensable».

 Cet atelier de mise au point visait à en améliorer la compréhension des outils de mise en œuvre, à clarifier les rôles et responsabilités des différents acteurs impliqués. Plus spécifiquement, il s’agissait de responsabiliser les intervenants, de les outiller sur les mécanismes de gestion du projet, de faciliter l’ appropriation des principes et normes de présentation des rapports techniques et financiers de la BID.

 Il y a été présenté, entre autres, la matrice des responsabilités, l’état du processus de passation de marché, le suivi évaluation du projet, les réalisations des différents secteurs impliqués et défis. Il en est principalement ressorti l’urgence d’améliorer la communication entre les parties prenantes, d’accélérer l’exécution des activités  et d’augmenter les capacités d’absorption. «Idéalement, il faudrait arriver à décaisser 16 millions de dollars au 31 décembre 2021», a exhorté la responsable du projet pour la BID, Madame Takady Konate. Tirant la sonnette d’alarme, elle a déploré certaines contraintes et appelé tout un chacun à s’impliquer de son mieux.

 Ce projet de renforcement de capacités institutionnelles entend «contribuer à l’expansion de la couverture des services fournis par les institutions publiques, notamment les ministères de l’Agriculture des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR), et des Travaux publics, transports et communication (MTPTC).» Cela passe essentiellement par l’amélioration de l’efficacité de la gestion des ressources humaines dans l’Administration Publique (AP), de l’efficience de la gestion des ressources humaines ainsi que de la productivité des ressources humaines du MARNDR, du MTPTC et d’autres entités du secteur public.

Les activités prévues s’étendent sur cinq années et embrassent trois composantes. La première: le renforcement du régime transversal de la fonction publique et de la gestion des ressources humaines. La deuxième: l’amélioration des systèmes informatiques transversaux d’appui à la gestion des ressources humaines et des salaires. Et la troisième: le renforcement de la capacité de prestation de services dans les ministères et entités publiques sélectionnés.

 Un nombre de six entités publiques participent audit projet. Il s’agit de l’OMRH dans le rôle principal d’agence d’exécution, le Ministère de l’Économie et des Finances (MEF), co-exécute avec l’OMRH la composante 2., l’’Unité de coordination des projets (UCP) du MEF assure la gestion financière et comptable en tant qu’entité fiduciaire, le MARNDR, le MTPC et la Cour supérieure des comptes et de contentieux administratif (CSC/CA) interviennent comme bénéficiaires directs.

Le PReGePAPS s’inscrit dans la dynamique de la réforme contemporaine de l’État initiée depuis 2005 dans le Cadre de coopération intérimaire (CCI), un mécanisme de coordination de l’aide au développement à la République d’Haïti après les troubles politiques subséquents à la chute du pouvoir du président d’alors M.  Jean Bertrand Aristide. La réforme des finances publiques, la modernisation de l’Administration publique et la rénovation de la Fonction publique en constituent le «pilier». Deux réformes inspirées des conclusions des travaux de la Commission nationale de la réforme administrative (CNRA) en 1997. 

Cette structure présidentielle, mise en place par le président René Préval dans les années 90,  avait constaté que l’Administration publique haïtienne n’était ni une administration de service ni une administration de proximité. Elle est «une administration malade de changement». Fort de ses recommandations, il a été adopté les deux décrets de 2005 portant respectivement organisation de l’administration centrale de l’État et révision du statut général de la Fonction publique. Des institutions de contrôle et d’autres de coordination stratégique de l’action gouvernementale ont été également crées. Par exemple, l’Unité de lutte contre la corruption(ULCC),  l’Inspection générale des finances(IGF) et  l’OMRH.

Le PReGePAPS a été conçu et élaboré en 2017 en réponse au constat de faiblesse chronique des institutions publiques haïtiennes et face à la criante nécessité de les renforcer. «Ces dernières sont inefficaces et ne fournissent pas de services de proximité ni de qualité à la population», a souligné le coordonnateur à la Fonction Publique à l’OMRH, M Wisner Thomas. Ce qu’il qualifie de «véritables freins et d’entrave» à l’amélioration du bien-être de la population, à la réduction de la pauvreté et des inégalités socio-économiques.

 «L’efficacité et l’efficience de l’Administration publique requièrent avant tout des ressources humaines motivées, qualifiées et compétentes, or, Haïti se révèle un pays sous et mal administré. Le pays dispose de très peu de fonctionnaires en nombre et en compétences. Il compte seulement 8 fonctionnaires pour mille habitants suivant une étude commanditée par l’OMRH en 2017. Alors que la république voisine en compte 34, la France 90 et les États-Unis d’Amérique 69 pour mille. 50% de la faible quantité de fonctionnaires se concentre dans l’aire métropolitaine de la capitale. Le peu existant est en plus mal utilisé», a remarqué M. Wisner.

Au manque de ressources humaines de niveau adéquat, s’ajoute le manque d’organisation et d’outils de gestion stratégique de la fonction publique. À date, le fichier central, un outil essentiel prévu par la loi pour une gestion plus efficace des ressources humaines est dans un état embryonnaire et dysfonctionnel. La grille salariale qui devrait permettre de retenir les fonctionnaires qualifiés et d’attirer des cadres compétents dans la fonction publique n’existe pas,  d’où la nécessité de renforcer les capacités institutionnelles et la justification de la mise en œuvre de ce projet, conclut le coordonnateur de la fonction publique à l’OMRH.

Jugé «extrêmement important» pour l’État haïtien, ce projet s’aligne sur la Stratégie nationale 2017 – 2021 de la BID pour Haïti. Créer des conditions propices à l’augmentation de la productivité agricole  améliorer l’infrastructure essentielle du transport; moderniser les organisations gouvernementales, tels sont les objectifs stratégiques poursuivis.

 PReGePAPS est également en ligne avec le Plan de Modernisation de l’État (PME2023), qui constitue le document de référence des réformes administrative et des finances publique en cours depuis 2005. Le PME en définit les grandes orientations et chantiers, en même temps qu’il en présente le cadre institutionnel. Ce document-cadre succède aux deux premiers Plan cadre de la réforme de l’État (PCRE I et II) qui ont fait leur temps et laissé quelques acquis à consolider.

 Le PME s’inscrit dans le choix de la planification stratégique fait par l’État haïtien depuis l’élaboration et adoption du Document stratégique national pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP). Un document auquel succède le Plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH). Il constitue actuellement le nouveau cadre de planification et d’orientation du développement national. L’aide publique au développement doit s’y arrimer conformément à la Conférence de Paris qui place désormais les pays assistés dans le siège pilote, s’agissant des appuis techniques et financiers qui leur sont destinés.

Le PSDH contemple une Haïti pays émergent à l’horizon de 2030. Il repose la reconstruction du pays sur quatre grands piliers : la refondation économique, la refondation sociale, la refondation territoriale et la refondation institutionnelle. Sa mise en œuvre se fait par plan triennal d’investissement (PTI). Le PME 2023 participe dorénavant d’une logique de moyens à une culture de résultats. Il passe à un autre paradigme —  Assorti d’une gouvernance ancrée sur la responsabilité, la reddition des comptes, la transparence, la participation citoyenne, entre autres — privilégiant le changement des mentalités des décideurs et des agents publics comme levier pour arriver à la fourniture de meilleurs services publics à la population haïtienne.

Dans ce contexte actuel de déficit de moyens et de capacités, le renforcement institutionnel qu’apporte le PReGePAPS pourrait être déterminant. Au terme du projet, le MARNDR, par exemple, vise à améliorer la prestation de ses services à travers l’encadrement des et l’amélioration de la production agricole dans le Sud-Est via le renforcement des Bureaux agricoles de communaux (BAC), la formation et l’appui technique aux agriculteurs, les subventions octroyées, et le système de statistiques agricoles. Le MTPCT projette de  renforcer la surveillance des réseaux routiers ainsi que le Fonds d’entretien routier (FER) pour une meilleure durabilité des routes. Le projet appuie également la Cour Supérieure des comptes et du contentieux réussite administratif avec pour objectif d’améliorer la reddition des comptes par cette institution indépendante.

La fonction publique devrait, entre autres, disposer d’une grille salariale, d’un système intégré de gestion des ressources humaines (SIGRH), d’une politique de gestion des RH, d’un référentiel des emplois et d’un programme de formation continue. Dans l’exécution du projet, la BID travaille avec les partenaires techniques et financiers qui sont intimement impliques dans la réforme de l’état. Cette coordination permet d’optimiser les ressources disponibles pour améliorer la gestion administrative et financière du gouvernement d’Haïti.

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