Éditorial

Cette faim chronique qui répand la terreur en Haïti    

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  Pour mettre fin à la pauvreté, lutter contre les inégalités et l’injustice, et faire face au changement climatique d’ici à 2030, le programme de développement durable décliné en 17 objectifs mondiaux a été adopté à l’unanimité, le 25 septembre 2015, par les 193 États membres des Nations Unies, dont la République d’Haïti.

En 2021, moins d’une décennie plus tard, force est de constater qu’Haïti n’est pas sur la bonne voie pour atteindre aucun des 17 objectifs mondiaux, particulièrement les objectifs 1 et 2, à savoir mettre f in à la pauvreté et éradiquer la faim. Et pour n’être pas parvenu à respecter ces deux engagements, la communauté internationale se retrouve une fois de plus au chevet d’Haïti.

En témoigne l’appel du 16 mars dernier pour la mobilisation de 235,6 millions de dollars américains au cours de l’année 2021 par la communauté humanitaire en vue de répondre aux besoins humanitaires de 1,5 million de personnes sur les 4,4 millions en besoin d’assistance humanitaire dans 65 des 146 communes les plus vulnérables d’Haïti.

À travers le Plan de réponse humanitaire 2021-2022, les quelque 1,5 million d’haïtiens les plus vulnérables auront un accès d’urgence à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène ainsi qu’aux services de santé d’urgence. Entre autres, le plan vise à soutenir l’accès à l’éducation des enfants les plus défavorisés et à aider les populations affectées à mieux se préparer aux chocs.

 En somme, le Plan de réponse humanitaire (HRP) pluriannuel pour Haïti tentera tant bien que mal de colmater l’incurie et les manquements des différents gouvernements qui se sont succédé depuis le Sommet sur le développement durable et l’adoption du programme mondial des 17 ODD.

En 2021, les projections de l’ONU tablent sur 4,4 millions d’Haïtiens, près de 40% de la population, en nécessité d’une aide humanitaire. Un million de plus qu’il y a deux ans. Or, les plans humanitaires des cinq dernières années ont été financés en moyenne à hauteur de 30 %, selon des données du Bureau du coordonnateur humanitaire. Pas de quoi forcer l’optimisme… Surtout que mis à part l’annonce de 17 millions US de l’Union européenne, il n’y a pas d’autre engagement pour le moment de la part des bailleurs traditionnels comme les États-Unis, le Canada, etc.

 «La plupart des besoins humanitaires sont chroniques […]», a tweeté Bruno Lemarquis, coordonnateur résident des Nations unies et coordonnateur humanitaire, à l’issue de son exposé du 10 mars à l’ONU sur la situation humanitaire en Haïti pour l’année 2021.

 Ce tweet rend donc un mauvais carnet aux autorités haïtiennes et leur incapacité chronique à s’attaquer aux déficits de développement par des réformes, des investissements et un engagement soutenu sur le long terme.

Pour rappel, contrairement au Yémen, à la Syrie et au Soudan par exemple, il n’y a pas eu de guerre civile ni de catastrophe naturelle majeure en Haïti durant ces 5 dernières années pouvant justifier les 4,4 millions d’Haïtiens en nécessité d’une aide humanitaire d’urgence en 2021. Les besoins humanitaires d’Haïti ne trouvent leur origine que dans la mauvaise gouvernance, la corruption, l’instabilité, l’insécurité, etc.

Après analyse de ce sombre tableau, on peut déduire que l’intensification de la violence des gangs à travers le pays et la détérioration de la situation économique ont davantage contribué à l’augmentation du nombre de personnes en insécurité alimentaire (s’élevant 4,1 millions il y a 12 mois) que la pandémie de Covid-19. Haïti est jusqu’ici le pays le moins touché par la pandémie de tout le continent américain.

DevHaiti