Éditorial

La réalité du capital humain en Haïti

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Le renforcement du capital humain constitue un étalon de mesure clé pour jauger les velléités des dirigeants à faire sortir leur pays des ornières du sous-développement. À un moment où beaucoup de pays mettent un point d’honneur à valoriser leurs ressources humaines, Haïti refuse de se rendre compte de cet énorme potentiel.

Le Group Croissance et ses partenaires, inquiets par ce non-sens, ont résolu de tirer la sonnette d’alarme au moment de retenir le thème de l’édition du Sommet international de la Finance de cette année: « Renforcer le capital humain en Haïti dans la perspective de post-Covid ».

Un des intervenants à ce Sommet, le Dr Paul Latortue  a  d’ailleurs  déclaré  sentencieusement « qu’un pays qui n’investit pas suffisamment dans la formation universitaire n’a pas de sérieuses aspirations au développement socio-économique ». Le doyen du programme de maîtrise en administration des entreprises (MBA) de l’Université Notre Dame d’Haïti a ensuite rappelé que l’État, sur plusieurs années, a rarement accordé 1% de son budget à l’Université d’État d’Haïti.

Pour peu qu’on s’intéresse au système d’éducation haïtien dans son ensemble, l’on constatera que cette situation n’est pas uniquement l’apanage de l’université. L’incapacité du ministère de l’éducation à engranger des dépenses en capital est avérée. L’essentiel des 29 milliards de gourdes alloué à l’éducation dans le budget 2020-2021 va vers les dépenses de fonctionnement. Si l’on se base sur la performance de ledit ministère lors des exercices 2016-2017 et 2017-2018, quand il est parvenu à dépenser seulement 2 milliards de gourdes sur les 10 milliards de gourdes de dépenses d’investisse- ment prévues, on peut avancer sans risque de se tromper que le même scénario se répétera au terme de cet exercice fiscal.

À ce rythme, en 2030 nous n’atteindrons jamais le 4e des Objectifs de développement durable (ODD) qui promeut une éducation de qualité.

La santé, l’autre pilier du capital humain, est l’un des parents pauvres de la République. C’est un doux euphémisme de dire qu’Haïti, depuis des années, ne dépense pas suffisamment dans la santé. Sur la liste des 34 pays de l’Amérique qui dépensent le moins en santé, Haïti est classé en 34e position dans le rapport quinquennal (2013-2017) de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) intitulé « Santé dans les Amériques 2017 ».

Haïti est encore très loin des recommandations de l’OPS/OMS stipulant que 15% des dépenses en santé doivent provenir du budget national dans les pays à faible revenu.

Pire, avec seulement 4 % des soins de santé en Haïti qui sont payés par les assurances, comment garantir à la population l’accès à des soins de santé de qualité devant lui permettre d’être compétitive pour adresser efficacement les exigences du marché de travail ?

Nous vous laissons le soin, chers lecteurs, de tirer vos propres conclusions.

Charles Clermont, président du Conseil d’administration de Caribbean Venture Capital (CVC), a fait la déclaration suivante lors du Sommet : « Je suis dans un pays où notre richesse essentielle, ce sont les gens qui nous entourent. Cette richesse doit être mise en évidence par des systèmes de santé, d’éducation appropriés ».

Nous formulons le vœu que ces paroles d’une grande pertinence fassent enfin écho auprès de nos autorités, et qu’elles se matérialisent par des actions concrètes au profit du renforcement du capital humain d’Haïti.

DevHaiti