Les pistes de Paul Latortue pour le financement de l’université en Haïti

Le professeur Paul Latortue n’y est pas allé de main morte au cours de sa présentation « Former du capital humain pour le développement : quel rôle pour les universités haïtiennes ? » effectuée dans le cadre de l’édition 2021 du Sommet international de la Finance organisé du 13 au 15 avril dernier par le Groupe Croissance, ProFin et d’autres partenaires.
« Un pays qui n’investit pas suffisamment dans la formation universitaire n’a pas de sérieuses aspirations au développement socio-économique », a tranché le Dr Paul Latortue, doyen du programme de maîtrise en administration des entreprises (MBA) de l’Université Notre Dame d’Haïti, déplorant que l’État, sur plusieurs années, accorde rarement 1% de son budget à l’Université d’État d’Haïti (UEH).
Procédant au diagnostic de l’université en Haïti, le doyen a relevé entre autres problèmes le manque criant de professeurs à plein temps disponibles, le peu de capacité d’accueil de l’UEH – forçant ainsi les jeunes à se tourner vers les universités privées très cher et qui n’offrent pas forcément une meilleure formation. Il a signalé aussi le fait que beaucoup de facultés de l’UEH se retrouvant en région ne sont pas rattachées administrativement au rectorat avant de pointer du doigt le manque de fonds pour les professeurs accompagnateurs.
Suite à ce constat sans appel, le Dr Latortue a donc prescrit trois actions fondamentales à mener par les universités pour y remédier, à savoir l’enseignement proprement dit, la dynamisation des recherches et publications de nos penseurs avancés et en herbe, la divulgation de connaissances utiles au grand public au travers de séminaires, ateliers, conférences et formations de courte durée.
Plus loin, le professeur Latortue a proposé quatre grands champs du savoir sur lesquels l’enseignement supérieur en Haïti devrait mettre l’accent. Il y a d’abord celui des sciences physiques et naturelles comme la biologie, la chimie, la physique, les mathématiques, la technologie de l’information et de la communication. C’est un champ nécessaire d’après lui pour la formation des ingénieurs, des médecins et des agronomes.
Ensuite celui des sciences sociales c’est-à-dire l’histoire, la sociologie, la psychologie, l’ethnologie… apte à nous permettre de comprendre les problèmes du vivre ensemble.
Les sciences de la gestion occupent la troisième place dans l’ordre de priorité de Paul Latortue. Elles comprennent l’administration, le marketing, la gestion des ressources humaines, la stratégie d’entreprise…
Arrive en dernière position le domaine de l’art et des sensibilités humaines comme la littérature, la peinture, la religion, le droit… Un domaine selon lui qui permet de mieux comprendre notre culture, les droits et devoirs des citoyens, les sentiments enfouis dans les cœurs et les pensées des êtres humains qui cohabitent dans les communautés et dans la patrie commune.
Le professeur Latortue a admis volontiers qu’il serait irréaliste de demander à une seule université en Haïti de proposer à elle seule toutes ces disciplines. C’est dommage, a-t-il dit, que certaines de ces disciplines ne soient enseignées nulle part au pays ou se limitent à un nombre restreint de personnes.
L’université en Haïti a un besoin criant d’infrastructures adéquates, de bibliothèques, de laboratoires et de professeurs à plein temps, d’administrateurs visionnaires et du financement pour mener à bien sa mission.
Il existe selon lui cinq sources légitimes de finance- ment pour le secteur universitaire : l’État, les dons volontaires des fondations à but non lucratif, les dons et autres types de contrat avec des entreprises nationales et internationales évoluant au pays, la diaspora et les institutions de développement international représentées en Haïti.
Le Dr Latortue a ponctué sa présentation en s’adressant au secteur privé haïtien en ces termes : « Des décisions en ce sens fournissent au secteur privé une grande opportunité de contribuer à la construction des fondements solides et durables de la patrie commune. Ce serait un acte formidable de leadership de la part du secteur privé et du secteur financier du pays précisément à un moment où d’autres secteurs se retrouvent en plein effondrement. La population saurait apprécier. Beaucoup d’entre vous auraient acquis une base supplémentaire de légitimité ».
DevHaiti