Éditorial

Les causes de notre sous-développement

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Vers la fin du 19e siècles, l’homme politique et essayiste, un des ténors du Parti Libéral, Edmond Paul, avait écrit « Les causes de nos malheurs ». Dans cet ouvrage, véritable testament légué à la postérité, Edmond Paul a tiré à boulets rouges sur les hommes politiques de sa génération et sur ceux d’avant qui ont causé les « malheurs » de son Haïti chérie à cause de leurs luttes intestines et fratricides sans fin ayant débouché notamment sur des guerres civiles, des insurrections, des assassinats sanglants de chefs d’Etat en fonction.

Durant les deux siècles qui ont suivi la parution de cet ouvrage prémonitoire, force est de constater combien nos hommes politiques n’ont rien appris des leçons du passé. En deux occasions (1915 et 1994) au cours du 20e siècle, les bottes américaines ont foulé notre sol – la terre de Dessalines, dont nous étions censés être les seuls maitres – pour y ramener la stabilité et pour signifier le retour à l’ordre démocratique.

N’avait-on pas attendu plus d’un siècle après la proclamation de l’Indépendance et la présence des forces américaines d’Occupation pour voir un président élu, Sudre Dartiguenave, à la fin de son mandat, passé le maillet directement à son successeur, le président Louis Borno ?

Cette première fois dans l’histoire d’Haïti, survenue le 15 mai 1922, est éloquemment rapportée dans le livre de Prosper Avril, L’Histoire des Transitions Politiques en Haïti (1806-2020), qui met en lumière les effets néfastes de nos insurrections ou soulèvements à répétition sur la stabilité politique, si nécessaire au développement économique et social du pays.

Si dans bon nombre de pays, les élections ne sont qu’un processus ordinaire pour le renouvellement de la classe dirigeante et pour la transmission du pouvoir, chez nous, par contre, chaque opération électorale donne lieu à des sueurs froides. A cause des velléités du pouvoir en place de contrôler, manipuler chaque scrutin pour en faire un tour de passe-passe. D’où des crises post-électorales en cascade débouchant sur des chutes de la croissance du PIB et la détérioration des indicateurs socio-économiques.

On se souvient tous des fameuses élections de mai 2000 et de la crise profonde qui s’en est suivie, provoquant la destitution du président Aristide, son départ pour l’exil et le déploiement d’une force multinationale des Nations unies à travers le pays.

Cette instabilité politique chronique, découlant d’une lutte incessante pour la conquête du pouvoir, assez souvent nous joue des tours en nous faisant louper l’essentiel. A travers toute l’histoire d’Haïti, de l’Indépendance à nos jours, quel dirigeant haïtien a pris des mesures concrètes pour pallier la vulnérabilité du pays et renforcer sa résilience ?

Selon les calculs de la Banque mondiale, la production comptant pour 56% du PIB du pays est située dans des zones à risque de catastrophe. Sans stabilité politique, sans une lutte sans merci contre la corruption, sans des institutions solides et sans des politiques publiques adéquates adressant la vulnérabilité du pays, sortir Haïti des ornières du sous-développement demeure une utopie. De même que l’atteinte des objectifs du développement durable à l’horizon de 2030.

DevHaiti