Économie

Pourquoi les mesures de la BRH contre la rareté du dollar sont-elles inefficaces ?

5 minutes lecture

Le professeur Joseph Harold Pierre prévoit que le taux de change terminera cette année, dans les meilleurs des cas, aux environs de 125 gourdes pour un dollar, compte tenu de la relance de l’économie mondiale, de l’augmentation des prix des matières premières et de la crise politique locale.

Dans sa volonté d’aider à comprendre les questions économiques, l’Association des Industries d’Haïti (ADIH) a organisé le vendredi 18 juin dernier un webinaire sur la capacité des mesures prises par les autorités gouvernementales à résoudre le problème de la rareté du dollar. Avec le présentateur, le professeur Joseph Harold Pierre, l’objectif était de voir si les interventions de la Banque de la République d’Haïti (BRH) peuvent à la fois rendre le dollar disponible pour les agents économiques, réduire le marché des changes informel et stabiliser le taux de change.

D’entrée de jeu, le professeur a rappelé que la crise confrontée par le pays a débuté en 2014 et s’est intensifiée à partir de 2019. Pendant deux ans, soit du 29 mai 2019 au 11 mai 2021, onze (11) mesures ont été adoptées par les autorités : deux (2) en 2019, quatre (4) en 2020 et cinq (5) en 2021. Une mesure qui a clairement montré l’acuité de la crise est la circulaire 114-2 du 18 septembre 2020 qui fait obligation aux maisons de transfert de payer en gourdes à moins que l’argent ait été déposé sur un compte en dollar.

L’économiste Joseph Harold Pierre a montré au moyen de théories et de graphiques que les mesures adoptées ne pourront pas résoudre la  crise, car celle-ci, argumente-t-il, n’est pas d’ordre monétaire. Voilà pourquoi les injections massives et courantes depuis 2017 de la BRH n’ont pas donné les résultats escomptés en termes de stabilisation du taux de change et encore moins de disponibilité du dollar.

Il souligne que, contrairement à ce qu’on pourrait espérer, ces injections n’ont pas eu d’impact sur les taux d’intérêts des banques commerciales mais ont influencé les attentes des agents économiques. Toujours selon lui, les interventions sur le marché des changes indiquent qu’il faut épargner en dollar. Il en résulte que 70% de l’économie haïtienne est dollarisée.

Le professeur Joseph Harold Pierre prévoit que le taux de change terminera cette année, dans les meilleurs des cas, aux environs de 125 gourdes pour un dollar, compte tenu de la relance de l’économie mondiale, de l’augmentation des prix des matières premières et de la crise politique locale.

Le conférencier affirme que la crise du dollar est la résultante de l’environnement macroéconomique et d’un manque de discipline dans les dépenses publiques.

 L’environnement macroéconomique s’explique par la balance commerciale qui accuse d’un déficit croissant avoisinant les 25% du PIB, soit plus de 3.5 milliards de dollars. M. Pierre estime que ce problème d’ordre structurel ne peut pas être résolu à court terme. Il requiert des investissements massifs dans des produits que l’on peut exporter. Il a cité, à la lumière de certains pays de l’Amérique latine, des zones franches dont le fonctionnement nécessite très peu de compétences techniques et où le grand nombre de jeunes au chômage pourra travailler.

Le manque de discipline fiscale, pour sa part, s’explique par la dette très élevée d’Haïti équivalant à environ 50% du PIB, alors que le niveau conseillé pour un pays à faible revenu comme Haïti est de 30%. Pour s’en sortir, les dépenses doivent se fonder sur les principes du budget crédible, c’est-à-dire qu’il soit élaboré en fonction des politiques publiques, que son exécution soit prévisible et contrôlé, que toutes les dépenses soient comptabilisées et rapportées, et qu’enfin tout le processus soit suivi d’un audit externe.

 Avec analyse judicieuse de certains pays de l’Amérique latine, notamment le Brésil, l’Équateur et le Mexique, le professeur a clairement montré que les mesures de la BRH ne pourront pas résoudre le problème de la rareté du dollar, d’autant plus qu’elles ne sont pas accompagnées d’aucune discipline fiscale, laquelle dépasse les compétences de la banque centrale mais dépend de l’administration centrale.

En somme, suivant l’expert en macroéconomie et politique monétaire, si l’adoption de certaines mesures telles que le SWAP pourrait alléger la crise de la rareté du dollar, le problème ne peut pas être résolu par la BRH, car il n’est pas monétaire, mais plutôt fiscal et d’origine macroéconomique. Au moment présent, seules des dépenses publiques.

DevHaiti