Haïti doit continuer avec la promotion du budget participatif

« Je propose de respecter les délais prévus par la loi, plutôt que de lancer des lois de finances à la dernière minute ou à la veille du 30 septembre. » Ces propos de Francisco Jovin, président de l’Observatoire haïtien de la société civile sur les finances publiques (OHSCFP) au micro de l’économiste Kesner Pharel, reflètent la tendance dégagée par deux autres concitoyens qui ont pris part à un partage d’expériences avec des experts africains de trois pays : le Niger, le Maroc et le Sénégal.
En effet, trois haïtiens ont pris part, le 1er juillet 2021, à ce partage d’expériences lors d’un échange virtuel international co-organisé par le Group Croissance et Papyrus autour des finances publiques dans le contexte de la Covid-19. Il s’agit d’Uder Antoine, directeur du Projet d’appui à la gestion efficace des ressources de l’Etat (GERE), financé par l’Agence américaine pour l’aide internationale (USAID) lancé en décembre 2019, Jo Ann Garnier et Francisco Jovin, membres de l’OHSCFP.
Aux yeux de Francisco Jovin, le débat autour du budget est d’une importance capitale. « […] Nous n’avons pas besoin de budget uniquement pour Port-au-Prince ou le département de l’Ouest. C’est le pays entier qui est concerné par ce document de référence », a fait savoir M. Jovin qui confie que ce partage d’expériences est enrichissant et mérite d’être réédité régulièrement.
Francisco Jovin ne souhaite pas simplement ou immédiatement un élargissement de l’assiette fiscale comme souvent le prétendent les autorités. Il préfère des mesures préalables qui viseraient à punir les fraudes, les évasions fiscales tout en recouvrant les manques à gagner de l’État. Pour ce faire, les autorités doivent nécessairement jouer la carte de la transparence, de la reddition de comptes avant d’envisager la collecte de nouvelles taxes. Des institutions comme l’Administration générale des douanes (AGD) ou la direction générale des Impôts(DGI) n’ont d’autres choix que de se rallier au jeu de la transparence.
Passer de 198 milliards lors de l’exercice fiscal de 2019-2020 à 254 milliards de gourdes lors de celui de 2020-2021 relève d’un bond pour Haïti en matière de budget. Les autorités auraient mieux fait d’identifier clairement et à priori les sources de financement dans ce contexte de crise sanitaire comme celle que nous vivons actuellement avec les affres de la pandémie de Covid-19. La pression fiscale en Haïti étant de 12%, très faible comparé au 20-25 % en moyenne des autres pays de la Caraïbe. Au Niger, selon Francisco Jovin, les collectivités sont au timon des affaires, au regard des partages récents d’expériences en matière d’application de la loi de finance. « Quand le parlement, insiste-t-il, est absent du processus de contrôle budgétaire, cela constitue un problème majeur pour le pays.»
Jo ann Garnier également de l’Observatoire haïtien de la société civile sur les finances publiques s’est réjoui de ce partage d’expériences qu’elle qualifie d’extraordinaire avec les pays africains. Tout en met- tant l’emphase dans les différentes étapes de l’élaboration du budget, elle a aussi affirmé que le processus d’élaboration du budget doit être inclusif et définitivement ouvert. Pour Mme Garnier, la conception du budget ne devrait en aucune façon réservée à une élite quelconque. Elle part du principe même des droits humains dans l’application du budget en éliminant la pratique de l’amnistie fiscale.
Le budget étant un outil de bonne gouvernance, il faut continuer à faire la promotion du budget participatif, à en croire Uder Antoine déplorant le fait que trop souvent des acteurs politiques placés en bout de chaine aient à changer des chiffres comme bon leur semblent, sans se soucier des conséquences possibles et de l’équilibre de l’ensemble. Des changements qui surviennent après l’élaboration du budget, un outil technique, moyennant des analyses éclairées, produites par des spécialistes.
Uder Antoine n’y est pas allé de mains mortes en déclarant que la transparence est indispensable, autrement dit, les contribuables doivent disposer des informations précises sur les allocations, l’utilisation finale des taxes collectées en leur nom. Selon le directeur du projet GERE, ces genres d’échanges sont définitivement destinés à alimenter les réflexions et les débats sur la réforme des finances publiques en Haïti. Ils vont aussi aider à revoir certaines stratégies, les adapter dans une certaine mesure afin d’atteindre des objectifs.
Aller vers les gens à travers des institutions comme les églises, les écoles, les communautés pour faire comprendre l’importance de leurs implications dans l’élaboration du budget. Ou encore la conception d’un budget comme instrument pour réduire les inégalités, l’extrême pauvreté de manière décentralisée ; les bonnes idées ne manquent pas dans les déclarations des trois Haïtiens qui ont partagé leurs expériences sur les finances publiques avec trois experts de trois pays africains.
DevHaiti