Développement durable

Atteindre les Objectifs de Développement Durable requiert des institutions stables et fortes

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En septembre 2015, Haïti faisait partie des pays signataires des 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) à l’horizon de 2030. Les ODD ont pour objectif final l’amélioration de la vie des populations, la protection de la planète pour les générations futures avec davantage de réduction des inégalités et des institutions fortes et inclusives. D’un point de vue de politique publique, les ODD peuvent être divisés en deux groupes: résultat (policy outcome) et processus (policy process). Les deux groupes étant essentiellement rattachés. En effet, c’est la manière de gouverner le processus politique et institutionnel qui va déterminer les résultats économiques, infrastructurels et sociaux.

En ce sens, Haïti doit à tout prix surmonter ses trappes politiques (instabilité politique et institutionnelle) pour inaugurer une nouvelle ère de développement durable. Le pays jusqu’à présent fait face à des problèmes sociaux fondamentaux qui ont des retombées à la fois politiques et en termes de productivité. Plus de 40% de la population est en situation d’urgence alimentaire, 25% est en situation de pauvreté extrême, 40% en situation de pauvreté, plus de 7 millions d’haïtiens n’ont pas accès à l’électricité etc… Les résultats sont alarmants et nécessitent des actions ou stratégies efficaces, efficientes et participatives pour les mitiger.

Ces stratégies requièrent non seulement une analyse soutenue (découlant d’évaluations rigoureuses des anciennes politiques publiques) mais aussi un degré d’équilibre politique entre les acteurs ou partis prenants. Plusieurs interventions destinées à résoudre des problèmes spécifiques en Haïti ont échoué. Toutefois, dans une perspective de résultats, elles doivent servir d’apprentissage politique (policy learning) pour réorienter nos moyens et ressources. C’est l’aspect analytique du changement. Cependant, cet aspect relève du second degré, le plus important est de nature politique. Haïti doit pouvoir surmonter ses trappes institutionnelles et politiques afin de mettre le pays dans un nouveau sentier de résultats susceptible de lui faire accomplir certains objectifs cruciaux de développement durable (la pauvreté, la faim etc.)

Sans des institutions (publiques) fortes, il est tout à fait impossible d’accomplir les ODD. Le pays est dans l’obligation de répondre à la double question de démocratisation et de capabilité étatique. C’est-à-dire qu’il faut à la fois des règles et procédures inclusives (rule of the game) mais aussi des organisations fortes (administration publique, partis politiques, société civile) dans l’arène politico-institutionnel haïtien.

Réinventer l’administration publique

L’administration publique – la pierre angulaire du travail du gouvernement – joue un rôle essentiel et crucial dans l’amélioration de la vie des gens. Réinventer l’administration publique est un moyen positif et nécessaire d’aller de l’avant. Sans la modernisation et la transformation de l’administration publique pour l’adapter aux besoins actuels, il sera impossible de réaliser un avenir meilleur pour tous. En l’absence d’administrations compétentes, le gouvernement haïtien est incapable; et lorsque les gouvernements sont incapables, le développement durable n’est pas au rendez-vous.

Des évaluations rigoureuses

La réalisation des ODD nécessite de combler le fossé entre action et résultat et constitue l’une des meilleures stratégies pour l’évaluation des politiques publiques passées. Sans un apprentissage des politiques ou vision passées, il est moins probable de parvenir à des résultats probants. Il est ainsi crucial d’introduire au niveau de notre espace public la culture d’apprentissage. En effet, si l’évaluation est essentiellement technique en ce sens qu’elle demande des compétences spécifiques au niveau de la collecte, l’analyse de données et la formulation d’alternatives ex-post, elle n’est pas politiquement neutre. Il est toujours très difficile d’évaluer les politiques passées car l’évaluation est un exercice de reddition de compte. Elle est coûteuse pour certains acteurs. Toutefois, l’amélioration des interventions de l’Etat dans les différents domaines de la vie publique doivent passer par des évaluations rigoureuses.

Une société civile forte

La réalisation des ODD en Haïti est encore plus compliquée que dans plusieurs autres pays. Non seulement parce que nos résultats sont loin des cibles, ce qui demande plus d’efforts, mais aussi ces cibles requièrent tout un changement de paradigme social. Faire entrer les nouveaux objectifs au niveau de l’agenda des gouvernements est un exercice politique qui ne peut se passer de la pression civile (advocacy). La société civile est une partie prenante (stakeholders) fondamentale. Elle doit aider tant au niveau de la définition, la formulation, l’implémentation, le suivi et l’évaluation des alternatives (policies) visant à mitiger les problèmes publics. Une telle stratégie aide non seulement à l’amélioration des solutions, mais elle est aussi un processus ouvert et inclusif utile à la démocratie et à la capabilité de l’Etat.

Un nouvel équilibre politique

C’est peut-être l’aspect le plus important pour la réalisation des ODD en Haïti. Le pays est dans le besoin d’une normalisation politique. En effet, sans un minimum de consensus entre les acteurs politiques sur le commun, il sera difficile d’envisager tout progrès dans le pays. Le pays doit apprendre de certains pays voisins comme la République Dominicaine et le Costa Rica par exemple qui ont respectivement développé des alternatives démocratiques fortes. L’équilibre politique requiert un consensus sur le commun sans pour autant ignorer des oppositions. Tout progrès en Haïti doit nécessairement passer par une plus grande maturité politique de nos acteurs.

En somme, il est très peu probable qu’Haïti puisse faire de véritables progrès dans ces conditions d’instabilité politique où rien n’est clairement établi sur le commun. Il est important pour le pays de surmonter ses trappes afin d’envisager un nouveau sentier d’efficience économique et de progrès. Cela doit passer à la fois par de bonnes institutions, du respect des procédures établies, des organisations fortes et un équilibre politique entre les acteurs.

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