Gouvernance

À propos des enquêtes contre corruption classées sans suites…

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Au début du mois d’aout 2021, l’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) annonçait en grande pompe qu’elle avait bouclée 11 rapports d’enquête et sollicitait la mise en mouvement de l’action publique contre 63 ex-maires. Le commun des mortels à ce moment-là s’attendait à ce que des instances de poursuite s’exécutent immédiatement. Mais, la montagne n’a même pas accouché d’une souris. Jusque-là, le dossier contenant des cas qui défraient la chronique et des noms aux consonances familières est classé sans suite. Sans autre forme de procès.

L’ULCC, par la voix de son directeur général, Hans Jacques Ludwig Joseph, dans une conférence de presse, a partagé avec la presse ce qui semblait être une première dans l’histoire de la corruption et de la justice en Haïti. Le rapport des enquêtes a été rendu public le 4 aout 2021, en présence du ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Rockefeller Vincent, de certains commissaires du gouvernement, de la doyenne du Tribunal de Première Instance de la Croix-des-Bouquets et de quelques représentants de l’Organisation des États américains (OEA) en Haïti.

Parmi ces enquêtes, certains noms ou dossiers retiennent particulièrement l’attention. A l’instar de l’enquête concernant l’octroi irrégulier du prêt de sept cent soixante-dix millions (770 000 000) de gourdes par l’Office National d’Assurance (ONA) dans le cadre du projet ONAMART – ONAPHARMA impliquant Pierre Reginald Boulos, Youri Latortue et Albert Christian Jean Louis et Chesnel Pierre, directeur général de l’ONA décédé en mai 2021 ; ou encore la passation illégale des marchés conclus dans le cadre du « Plan spécial de Port-au-Paix » financé à partir du fonds PetroCaribe. Le plan spécial de Port-de-Paix qui a été lancé en décembre 2013 par le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe dans le sillage du programme baptisé «Gouvènman lakay ». 10 projets ont été retenus pour un montant de cinq millions (5 000 000) de dollars américains.

Un détournement a fait grand écho dans les médias. Celui des dons de riz offerts par le Japon via les responsables du Bureau de Monétisation des Programmes d’aide au développement (BMPAD), dont l’ex-directeur général, Patrick Noramé. En effet, L’ULCC recommande la mise en mouvement de l’action publique contre les infracteurs Ralph Caze‚ Evens Lainé‚ Patrick Noramé, Eveline Chéry Délima‚ Johanne Dessalines Chéry‚ Nadège Rigueur et Dieusibon Volsan. L’ULCC recommande que les entreprises et institutions suivantes : Kay Claudy S.A, O ‘Bon Prix Distribution, le ministère de l’Economie et des Finances, PJMEX, DJ’S International S.A, LJD Provisions Alimentaires, Liora Food S.A. doivent payer à l’Etat la somme de cent vingt-quatre millions trois cent cinquante-cinq mille cent quarante-six (124 355 146) gourdes.

Une autre enquête conduite par l’ULCC concerne l’acquisition de 16 véhicules par le directeur général de l’ONA, Chesnel Pierre, pour la somme de 28 millions de gourdes. Dans cette affaire, l’ULCC recommande la mise en mouvement de l’action publique contre David L. Brandt et Caroline Marie T. Brandt Coles (pratiques commerciales interdites et complicité de passation illégale de marché public), et contre les sociétés Carribex S.A et CHDM S.A (pratiques commerciales interdites). Chesnel Pierre, ex-directeur général de l’ONA, étant décédé le 22 mai 2021, l’action publique est donc éteinte. Ainsi, il ne pourra plus être poursuivi pour abus de fonction et passation illégale de marché public.

Les cas de corruption dans ses rapports d’enquêtes varient d’un cas à un autre. On a relevé un cas de détournement de 26 chèques totalisant la somme de cent soixante mille trois cent soixante-sept et 11/100 (160, 367.11) gourdes à L’Ecole Saint-Jean Bosco de Merger par le directeur, Rémy Jean Alliotte, de même que la perception indue de frais scolaires par le directeur de l’École Nationale de Bréda de Canaan, Savoi Thélusmé.

Emballé par le travail de son équipe, le directeur général de l’ULCC a qualifié d’«historique et d’inédit! » les prouesses de son institution. On se souvient qu’en mai 2007, l’ULCC, qui était dirigée à l’époque par Amos Durosier, avait enquêté sur une douzaine de cas de corruption. Les dossiers, transmis alors au parquet avec Claudy Gassant comme commissaire du gouvernement, ont été classés sans suites.

En 2011, le DG de l’ULCC, Amos Durosier, et le chef du Parquet de Port-au-Prince, Me Sonel Jean François, ont eu une dispute autour d’une enquête pour des soupçons de corruption au sein du ministère de l’Intérieur et des Collectivité territoriales. Sans surprise, le résultat est : aucune décision de justice.

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