Budget rectificatif ou nouvelle facture de l’instabilité

La facture de l’instabilité sociopolitique dans le pays continue d’être salée pour l’économie. Encore une troisième année fiscale consécutive que l’économie haïtienne va connaître une contraction. En effet, avec la publication du budget rectificatif, moins de deux semaines avant la fin de l’exercice 2020-2021 par le ministère de l’Economie et des Finances, les chiffres officiels sont connus : le pays va enregistrer un taux de croissance -0,9% de son PIB. Outre cette contraction du PIB, contre +2.4% prévue initialement, les perspectives macroéconomiques de cette loi de finances annoncent des recettes fiscales globales à hauteur de 96,4 milliards de gourdes, contre 132,6 milliards budgétisées au tout début de l’exercice.
La pression fiscale est estimée à 5,6% contre 8,4% dans le budget initial et le taux d’inflation révisé à 13,7% en glissement annuel contre 18,2% prévu initialement. Des émissions nettes de trésorerie de l’ordre de 12 milliards de gourdes contre 25 milliards dans le budget initial. Il est prévu dans cette loi de finances rectificative 2020-2021, un niveau de financement monétaire qui tient compte de la fraction de l’allocation de Droits de Tirages Spéciaux (DTS) qui sera utilisée au cours de cet exercice pour financer le budget.
Les grandes masses du budget montrent que les ressources de l’exercice fiscal 2020-2021 s’élèvent à 193 milliards de gourdes contre 254,7 milliards de gourdes dans le budget initial soit une baisse de 61,7 milliards de gourdes (-24,2%). Les ressources internes sont estimées à 96,4 milliards de gourdes dans le budget rectificatif soit une diminution de 36,2 milliards de gourdes. Ces ressources constituent 49,9% de l’enveloppe budgétaire globale. Le gouvernement n’a pas pu collecter les 13 milliards de gourdes prévus à partir des impôts indirects sur les produits pétroliers dans le budget initial.
Les concours des partenaires extérieurs sont attendus à hauteur de 23,9 milliards de gourdes. Ils sont constitués de 3,9 milliards de gourdes d’appuis budgétaires et près de 20 milliards de gourdes au titre de dons et emprunts. Les ressources du budget comprennent également 72,7 milliards de gourdes provenant notamment des émissions de titres publics (12 milliards) et des emprunts de la BRH (47,1 milliards de gourdes).
Les dépenses d’investissements publics dans le budget rectificatif de l’exercice fiscal 2020-2021 s’élèvent à 45,1 milliards de gourdes contre 74,2 milliards prévus dans le budget initial. Ce qui représente une contraction de près de 40%. Ces dépenses sont financées à hauteur de 37,7% par des ressources nationales, soit 17 milliards de gourdes et 62,3% par des dons et emprunts correspondant à 28 milliards de gourdes.
Une analyse du Group Croissance dénote que cette contraction du PIB dans le budget rectificatif va donner lieu à la destruction de la richesse et causant ainsi une augmentation des taux de la pauvreté et de l’extrême pauvreté ayant déjà atteint des niveaux alarmants dans le pays. Ainsi, la dépression économique causée par l’aggravation de la crise sociopolitique au cours des trois dernières années contribue grandement à l’état d’urgence humanitaire au niveau du territoire national. Près de 4,5 millions d’Haïtiens devraient se retrouver dans cet état en 2021.
L’instabilité politique qui prévaut dans le pays après l’assassinat du président de la République, Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021, et les pertes substantielles subies dans trois départements (Sud, Grand’Anse et Nippes) au cours du séisme du 14 août 2021, ne laissent présager aucun retour sur la voie d’une croissance économique inclusive et du développement durable. Une telle situation pourrait renforcer le phénomène d’insécurité et alimenter les pressions migratoires.
Le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Patrick Boisvert, l’a reconnu maintes fois : la situation des finances publiques est particulièrement critique en raison des difficultés de l’État à mobiliser des ressources dans un contexte de détérioration du climat des affaires. Alors que parallèlement il est contraint d’assurer le financement des services publics. Cette situation a pour conséquence une augmentation des besoins de financement de l’Etat qui sont satisfaits dans une forte proportion par le recours au financement de la BRH. D’où un nouveau déficit budgétaire record.
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