Économie

Décroissance économique de -1,8% pour Haïti pour l’exercice 2020-2021

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Lors de sa participation à l’émission Rendez-Vous Economique animée par Kesner Pharel sur la Radio Télé Métropole, le ministre de l’Economie et des Finances, Michel Patrick Boisvert, a dressé le bilan macroéconomique de l’année fiscale 2020-2021. Selon le Ministre Boisvert, Haïti a connu une troisième année de régression économique de l’ordre de -1,8% en raison de la situation sécuritaire et les crises répétées liées au carburant.

Pour la troisième année consécutive, Haïti a connu une croissance négative de l’ordre de -1,8% du Produit Intérieur Brut (PIB). En 2019, la performance économique du pays était négative soit de l’ordre de -1,2%. En 2020, elle était de -3,1%. Ces deux années sont le reflet de la situation qu’a connue le monde avec la pandémie Covid-19. Selon le ministre Boisvert, les projections tablent sur une relance de l’économie en 2021. Surtout que le monde revenait un peu à la normale après la Covid-19. Mais, elle n’a pas été respectée parce qu’encore en 2021, les gangs étaient beaucoup plus actifs et la crise de carburant augmentait. Ce qui empêchait la circulation des biens et des services. Et cette situation de contraction économique perdure encore pendant le premier trimestre de l’année fiscale 2021-2022, déplore M. Boisvert.

Le secteur primaire contribue à -4,5% dans cette situation de régression économique en 2021. La régression du secteur agricole résulte des facteurs importants comme la conjoncture. C’est-à-dire le fait que cinq départements du pays (Sud-Est, Nippes, une partie de l’Ouest, Sud et Grand’Anse) soient coupés du reste du pays à cause de la situation qui prévaut depuis juin 2021 à l’entrée sud de la capitale. Les produits agricoles ne peuvent pas être livrés sur les marchés de Port-au-Prince et les produits importés peinent à arriver dans cette région. «Ceci a créé une pression sur les prix des produits et a provoqué une inflation», martèle-t-il. L’autre facteur est plutôt d’ordre structurel. Selon le ministre, au cours des trois dernières années, le gouvernement n’a pas suffisamment investi dans le secteur agricole. «La priorité était l’énergie», soutient-il.

Pour sa part, le secteur secondaire a connu une régression de l’ordre de -2,5%. Questionné sur la contribution de la sous-traitance à ce secteur, M. Boisvert a indiqué que la sous-traitance elle-même se comporte assez bien mais les autres composantes n’arrivent pas à cause de la situation du pays. Cette situation n’est pas différente du secteur tertiaire qui lui-même connaît une décroissance de l’ordre de -2%. En outre, selon le haut fonctionnaire, la situation sécuritaire du pays est responsable du fait que les services ne pouvaient pas fonctionner correctement. A titre d’exemple, M. Boisvert a cité deux filières importantes du secteur tertiaire en l’occurrence l’hôtellerie et le transport. Ces deux filières sont grandement liées au tourisme qui est quasiment au point mort en Haïti. Pour remédier à cette situation, il pense qu’il faut investir beaucoup plus dans le secteur agricole afin de créer une disponibilité locale. Car, les importations d’Haïti viennent en majeure partie des Etats-Unis qui lui-même connaît une inflation de plus de 6%.

Si sur le plan économique, la situation était extrêmement difficile. Sur le plan financier, la situation n’était pas trop différente. D’après M. Boisvert, la prévision de départ des recettes domestiques pour l’exercice 2020-2021 était de 132 milliards de gourdes. Mais, celle-ci a été rectifiée à 96,3 milliards de gourdes. Autre aspect, la subvention des produits pétroliers constituait un véritable manque à gagner pour l’Etat haïtien. Celle-ci a grandement contribué au recours au financement monétaire par la Banque centrale (BRH). Et pour l’exercice 2020- 2021, l’état a reçu un financement monétaire de 49,3 milliards de gourdes de la Banque centrale. Et, la majeure partie de ce montant était destinée au paiement de carburant. Sans surprise, on a assisté à un déficit budgétaire de 28.6 milliards de dollars.

Sur la question de l’augmentation du prix des produits pétroliers, le ministre a livré des informations importantes sur la composante et la consommation de ce dernier. Haïti a enregistré une perte de 119 milliards de gourdes sur les 11 dernières années liées à la subvention des produits pétroliers. Et ceci constituait le véritable problème qui empêchait la réalisation de certains projets de l’Etat. Les explications du ministre montrent que certains produits comme le kérosène par exemple sont consommés à plus de 90% par le secteur de l’aviation. Alors que l’on pense à tort que le kérosène est le produit pétrolier des pauvres. Autre information communiquée par le ministre, seulement 20% de la gazoline est vendue dans les pompes à essence. Les autres 80% sont directement consommés par les industries. «Ainsi, pour enlever la suspicion sur l’Etat en ce qui concerne le gain sur les produits pétroliers, l’État va se désengager dans l’achat du pétrole», indique-t-il.

Néanmoins, l’Etat se réserve un droit de regard sur les activités en vue de s’assurer que tout va pour le mieux. À travers le gouvernement, il compte lancer un appel d’offre international en vue de l’achat des produits pétroliers au lieu de les acheter à une entreprise haïtienne, qui elle-même s’approvisionne chez un fournisseur étranger pour ensuite le revendre à l’Etat. Plus loin, il annonce la création d’un observatoire qui décidera sur les décisions futures ayant rapport aux produits pétroliers.

En termes de perspectives pour l’année 2022, Michel Patrick Boisvert annonce pour la fin du mois de janvier 2022 le budget pour l’exercice 2021-2022. La projection des recettes domestiques s’élève à 116 milliards de gourdes et le gouvernement compte diminuer le financement monétaire pour cette année fiscale bien que le ministre n’ait pas encore donné un chiffre. Ainsi, un pacte de gouvernabilité financière sera signé entre le gouvernement et la Banque de la République d’Haïti (BRH). Entre autres, le ministre annonce que des postes de financement de projets de reconstruction pour le grand Sud seront inscrits dans ce budget. En ce qui concerne l’appui budgétaire, M. Boisvert annonce pour mi-janvier la reprise des discussions avec les bailleurs internationaux tels que le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale.

A en croire le ministre, la relance de l’économie haïtienne est peu probable pour l’année 2022. Le gouvernement projette une croissance de seulement 0,5% contrairement à la Commission Economique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) qui pense que la croissance sera de 1%. Aussi, l’inflation va passer de 13,5% en septembre 2021 à 29% en septembre 2022.

DevHaiti

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