Joseph Harold Pierre : « La révision du salaire minimum à 685 gourdes ne veut rien dire… »

Pour le professeur Joseph Harold Pierre, économiste, le fondement du salaire minimum repose sur un ensemble de décisions étatiques visant à aider les plus pauvres à vivre dans la dignité. Autrement dit, le salaire minimum devrait s’adapter à la politique sociale du gouvernement.
Dans le cas d’Haïti, a poursuivi le professeur Pierre, intervenant sur les ondes d’une station de radio de la capitale, réviser le salaire minimum de 500 à 685 gourdes ne signifie absolument rien sachant que les personnes en situation d’indigence, c’est-à-dire se trouvant dans l’extrême pauvreté, vivent avec 1,25 dollar américain par jour tandis que celles en situation de pauvreté vivent avec 2 dollars américains par jour.
En Amérique Latine, le salaire minimum équivaut en moyenne à 7 fois et 4 fois les niveaux d’indigence et de pauvreté. L’indigent et le pauvre vivent, respectivement, avec 1.25 et 2 dollars. Tenant compte de cette estimation, l’économiste a souligné qu’il faudrait ajuster le salaire minimum en Haïti de 900 gourdes par jour, pour aider les travailleurs à sortir de l’indigence, et de 1700 gourdes par jour pour les aider à sortir de la pauvreté.
Toutefois, a prévenu Joseph Harold Pierre, une telle décision serait extrêmement difficile à adopter par les entreprises, car toute variation économique à la hausse ou à la baisse devrait se faire graduellement. Passer de 500 à 685 gourdes dans une économie équivaut à une variation de 37 %, de 80% pour un salaire de 900 gourdes et de 240 % pour 1700 gourdes d’augmentation.
«On serait déjà parvenu à un salaire minimum de 900 gourdes si l’Etat Haïtien avait envisagé une dynamique d’ajustement annuel du salaire minimum», a fait remarquer Joseph Harold Pierre rappelant l’obligation de réviser le salaire minimum à partir d’une inflation de 10% conformément à l’article 137 du code du travail.
A en croire le professeur d’université, la situation actuelle de tension autour de l’augmentation du salaire minimum est due à une absence de politique économique et de volonté manifeste pour changer les conditions de vie dans le pays. Selon lui, il est tout à fait juste que les ouvriers réclament 1500 gourdes de salaire pour une journée de travail. En comparant le salaire minimum d’Haïti et celui de quelques pays de l’Amérique latine, Joseph Harold Pierre a trouvé que le Guatemala a un salaire minimum de 11.5 dollars, le Honduras 15 dollars, la République dominicaine 8 dollars et Haïti 6 dollars.
La différence entre Haïti et ces pays réside dans le fait que la République dominicaine dispose de 79 zones franches, Honduras 50 zones franches tandis qu’Haïti en compte seulement 3 pour un total de six millions de personnes au chômage, soit 90% de la force de travail du pays.
Haïti sera en perte de compétitivité si ce salaire de 1500 gourdes est octroyé aux ouvriers d’une part, et il n’est nullement question que ces travailleurs, d’autre part, restent dans ces conditions misérables. Il revient donc à l’Etat d’instaurer certaines politiques sociales pouvant compléter le salaire minimum tout en augmentant la quantité de zones franches afin de réduire le taux de chômage. Cependant, les avantages sociaux promis (non agréés) par l’Etat ne peuvent compenser le salaire minimum même à un niveau de 5 %.
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