Économie

Du dynamisme du secteur textile en Haïti et de l’ajustement du salaire minimum

4 minutes lecture

Le salaire minimum, disons mieux, l’augmentation du salaire minimum, est devenu depuis quelques jours l’un des débats les plus agités en Haïti. Dans ce champ de contradiction entre les deux principaux acteurs, ouvriers et patrons, l’État doit intervenir comme régulateur pour aider les protagonistes à trouver un juste équilibre. L’État constitue en ce sens un tiers-partie rationnel et rationalisant qui élucide les conditions suivant lesquelles les salaires devraient être ajustés dépendamment de la réalité socio-économique.

En Haïti, le salaire minimum a été introduit sous la présidence de Sténio Vincent en 1934. En 1969, le président François Duvalier a donné le ton à une stratégie de création d’industries nouvelles, en déclarant vouloir faire d’Haïti le Taiwan de la Caraïbe. Cette stratégie l’a amené à créer plusieurs lois donnant des exonérations particulièrement à des entreprises américaines pour les attirer vers Haïti. Cette stratégie était aussi inscrite dans une logique de concurrence avec Porto Rico, autrefois bastion de l’industrie textile dans la région, dont certaines revendications sociales inquiétaient les investisseurs américains. Durant la décennie 70 jusqu’au début des années 80, le secteur textile était très dynamique en Haïti, elle comptait plus de 100 000 mille emplois en 1982, selon l’économiste Camille Chalmers.

Toutefois, le secteur n’a pas continué sur une dynamique compétitive et créatrice d’emplois, surtout durant la période démocratique. En 2019, avant la pandémie, le nombre d’emplois dans le secteur textile a été de 55 389 selon l’Association des Industries d’Haïti (ADIH). Le secteur a été frappé lourdement par la pandémie du Covid-19 car, en juin 2020, c’est plus de 18 000 emplois qui ont été perdus. En 2022, avec la reprise économique dans les pays développés, le secteur s’est reconstitué, il comprend environ 53 000 emplois selon l’ADIH. C’est loin du niveau d’antan, faute de stratégies pour promouvoir le secteur et le développer.

Le peu de dynamisme du secteur semble aussi corrélé avec celui du salaire minimum. En effet, il est devenu rare, selon l’économiste Camille Chalmers, de constater des ajustements salariaux proportionnels dans le textile en Haïti malgré le fait que le contexte macroéconomique se dégrade de plus en plus. En 2009, le salaire minimum a failli connaître une augmentation très significative de 185.7%, de 70 gourdes à 200 gourdes par jour. En 2019, sous forte pression des ouvriers, le salaire minimum a été ajusté d’environ 16% par l’administration Moise-Céant. En ce mois de février 2022, le problème de l’ajustement du salaire minimum revient sur le tapis en raison de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC) qui s’est augmenté entre novembre 2019 et novembre 2021.

En effet, selon les données de l’Institut Haïtien des Statistiques et de l’Informatique (IHSI), en novembre 202, l’IPC est de 199.5 alors qu’en novembre 2019, il était de 132. La variation est de 51.14%, ce qui a ainsi réduit le pouvoir d’achat des consommateurs de plus de moitié. C’est donc de bonne guerre que les ouvriers demandent un ajustement du salaire minimum actuellement. Il faut noter, qu’en 2019, l’augmentation du salaire minimum de 550 gourdes n’a pas été équivalente au montant du panier de la ménagère (1750 gourdes). Avec une inflation galopante aujourd’hui et dans une perspective de justice sociale, le salaire minimum devrait être ajusté de manière très significative.

Sur la relation entre perte d’emplois et ajustement du salaire minimum en Haïti, aucune expérience d’ajustement ou d’augmentation du salaire minimum n’a conduit à des situations de pertes d’emplois dans le pays. Comme nous venons de le signaler, en 2009, il y a eu une augmentation très significative du salaire minimum sans que cela ne conduise à des pertes d’emplois dans le secteur du textile. Une telle conclusion demande la considération de plusieurs variables dont le salaire en est une. Le taux de change et les exonérations fiscales sont aussi à considérer. Si Haïti doit travailler davantage pour se faire une meilleure santé en termes de compétitivité, les conclusions de pertes d’emplois à la suite de l’augmentation du salaire restent hâtives.

DevHaiti

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *