Gouvernance

“Que les machistes tremblent, l’Amérique latine sera toute féministe”

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DevHaïti reprend l’article, publié le 28 févriver 2022, de la plateforme argentine, Animal politico, qui retrace les luttes des féministes en Amérique Latine.

Le 8 mars 2022, toute l’Amérique Latine a marché pacifiquement contre le problème des inégalités de genre au niveau de la région. La ‘’GRITA’’ des femmes argentines est devenue tout un hymne pour les femmes au niveau de la région qui continuent à lutter pour le respect des droits des femmes.

La marée verte continue de peindre en vert l’ensemble  de  l’Amérique  latine.  Bien  que  le mouvement pour la dépénalisation de l’avortement ait une longue histoire, la marée verte a gagné en visibilité en 2018 lorsqu’en Argentine, la Chambre des députés a discuté et approuvé l’initiative visant à dépénaliser l’avortement jusqu’à 14 semaines de gestation, une initiative qui a été rejetée par le Sénat. Bien que la dépénalisation n’ait pas été obtenue à l’époque, les femmes argentines ont montré l’importance de marcher dans un mouvement intersectionnel et intergénérationnel.

En décembre 2020, avec la dépénalisation de l’avortement en Argentine, il a été réaffirmé que la lutte pour les droits des femmes et des personnes ayant la capacité d’enfanter est une course de longue haleine qui peut et doit être soutenue en collaboration et en reconnaissance de ce qui nous est commun à tous: la recherche de la liberté et de la justice.

Au Mexique, avec l’élan de la marée verte, l’avorte- ment légal s’est positionné dans la sphère sociale, mais aussi dans la sphère politique. La preuve en est le nombre élevé d’initiatives visant à dépénaliser l’avortement qui ont été présentées ces dernières années, ce qui a donné lieu à davantage de discussions sur la nécessité d’un avortement légal, sûr et gratuit dans tout le pays. D’août 2018 à mai 2021, GIRE a recensé 63 initiatives liées à cette problématique. En avril 2007, à l’issue d’une lutte historique, la dépénalisation de l’avortement volontaire au cours du premier trimestre de la grossesse a été obtenue à Mexico. Cette victoire a été reproduite plus de dix ans plus tard dans les États de Oaxaca,

 Hidalgo, Veracruz, Baja California et Colima. Le fait qu’en moins de deux ans, quatre États aient dépénalisé l’avortement volontaire au cours des 12 premières semaines de grossesse est également l’expression des résultats de la marée verte en tant que mouvement social pour la justice reproductive au Mexique.

Les avancées en matière d’accès aux services d’avortement n’ont pas seulement eu lieu au niveau législatif. Dans cette lutte, la SCJN a joué un rôle fondamental dans la défense des droits reproductifs, en rendant des décisions pertinentes dans la reconnaissance de l’accès à l’avortement comme une question de droits de l’homme de 2007 à aujourd’hui. Le 7 septembre 2021, la SCJN a jugé que la criminalisation absolue de l’avortement volontaire était inconstitutionnelle car elle violait plusieurs droits de l’homme. Ce résultat est aussi le fruit de décennies de travail de militants, de collectifs et d’organisations féministes.

La Colombie devient une nouvelle référence régionale. En 2006, dans son arrêt C-355 de 2006, la Cour constitutionnelle a jugé que l’article 122 du code pénal, qui criminalisait l’avortement en toutes circonstances, faisait peser une charge disproportionnée sur les femmes et violait donc leurs droits fondamentaux. Ainsi, la Cour constitutionnelle colombienne a dépénalisé l’avortement dans trois circonstances : 1) lorsque la poursuite de la grossesse constitue un danger pour la vie ou la santé intégrale de la femme ; 2) lorsque la grossesse implique une malformation fœtale incompatible avec la vie; et 3) lorsque la grossesse est le résultat de violences sexuelles. Malgré ces progrès, le crime d’avortement n’a pas été complètement éliminé. En d’autres termes, un avortement pratiqué en dehors de ces trois motifs ou exceptions constituait un crime passible d’une peine de prison de un à quatre ans pour la femme.

Le 21 février, la Cour constitutionnelle colombienne a pris une décision historique: l’avortement volontaire ne sera plus un crime s’il est pratiqué avant la 24e semaine de gestation. Après la 24e semaine, l’avortement sera considéré comme un crime s’il ne respecte pas les trois motifs en vigueur – depuis 2006 – dans le code pénal. Bien que le maintien du crime d’avortement dans le code pénal permette de continuer à criminaliser les femmes et les personnes ayant une capacité de gestation qui ont recours à une procédure d’avortement, l’arrêt rendu par la Cour représente une avancée très importante dans la reconnaissance de la liberté et de l’autonomie reproductives, et fait de la Colombie le pays disposant du modèle de délai le plus large de la région. Cette décision profite également aux prestataires de soins de santé, qui pourront pratiquer des avortements jusqu’à 24 semaines de gestation sans encourir de poursuites pénales.

La route vers ce jugement historique en Colombie a également été menée par des féministes, des collectifs et des organisations qui travaillent depuis des années pour éliminer le crime d’avortement du code pénal et ainsi obtenir une véritable liberté et autonomie pour les femmes et les personnes ayant une capacité de gestation. En février 2020, le mouvement Causa Justa a été lancé publiquement et est actuellement composé de plus de 90 organisations et 150 militants de tout le pays. La même année, Causa Justa a déposé une plainte constitutionnelle visant à éliminer le crime d’avortement du code pénal. La Cour constitutionnelle l’a admis en septembre 2020 et un peu plus de 500 jours plus tard est intervenu cet arrêt qui nous a fait scander: “C’est légal, c’est légal, l’avortement en Colombie est légal”.

De GIRE, nous célébrons la décision de la Cour en Colombie, reflet d’une lutte historique pour un avortement légal, sûr et libre. Nous espérons que cette avancée s’étendra à d’autres pays de la région afin de garantir que toutes les femmes et les personnes ayant la capacité de porter des enfants disposent des conditions et de la liberté de déterminer leur destin reproductif. Nous ne nous arrêterons pas tant que toute la région ne sera pas peinte en vert.

DevHaiti

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