L’impact négatif de l’insécurité sur la croissance des MPMEs

La situation d’insécurité qui sévit dans le pays détruit à petit feu le tissu économique. Le contrôle d’une bonne partie du territoire par les gangs armés et la généralisation des enlèvements contre rançons constituent un coup de massue pour les entreprises notamment les Micro, Petites et Moyennes Entreprises (MPME) qui sont la base d’une économie.
Intervenant dans un panel traitant de l’impact de l’insécurité sur les MPME, le 25 avril en cours, dans le cadre de la première journée de la 12e édition du Sommet International de la Finance (SIF), René Max Auguste, directeur général de Valerio Canez S.A., rappelle que des magasins de son entreprise ont subi deux pillages, l’un à Pétion-Ville en 2018 et un autre au Cap-Haitien en 2021, le jour des funérailles du président Jovenel Moïse. «Certaines entreprises dont nous sommes des fournisseurs ne peuvent plus respecter leurs engagements ou sont tout simplement en cessation de paiement à cause de l’instabilité socio-politique et l’insécurité qui persistent», déplore-t-il.
L’homme d’affaires est sidéré de voir que les politiciens ne réalisent pas que le pays est quasiment dans l’abîme, estimant qu’ils ne sont pas à la hauteur de leurs tâches. René Max Auguste constate avec amertume que des banques étrangères ont dû quitter le pays au cours des trente dernières années. C’est le cas de la Banque Nationale de Paris (BNP), la Bank of Boston et la Scotia Bank, sans compter d’autres entreprises dont celles du textile qui ont plié bagages. «Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un stade où le pays ne compte pas plus de 20 entreprises étrangères», révèle René Max Auguste en lançant un cri d’alarme.
Cependant, les entreprises qui ne peuvent pas opérer en Haïti sont bien accueillies ailleurs, en particulier en République dominicaine. Il y a 30 ou 40 ans, l’économie dominicaine valait deux fois plus celle d’Haïti. Aujourd’hui l’économie dominicaine est estimée à plus de 10 fois de la nôtre », a constaté René Max Auguste, qui lâche au passage : « Nous avons échoué » avec une pointe de dégoût. Il n’y est pas allé par quatre chemins pour blâmer les hommes et les femmes de sa classe.
Quant à Jean Dumarsais Jacques, coordonnateur de la plateforme d’entrepreneurs Sa Se Biznis Pam (SSBP), un agripreneur voyageant à travers le pays pour les besoins de ses activités. Il se déplace dans le Sud d’Haïti régulièrement et dans deux autres départements pour le compte de son entreprise qui produit des huiles essentielles. Il se trouve que le transport aérien s’impose à cause de l’insécurité principalement sur la route de Martissant. Cela implique une explosion des coûts que le producteur répercute sur sa clientèle.
Dans le contexte actuel, la concurrence est rude par rapport au Brésil et aux autres pays de la Caraïbe qui font mieux qu’Haïti. Dans de telles situations, la meilleure décision managériale est une compression des effectifs, les licenciements avec les implications sociales qui marchent avec.
Des éléments de la diaspora rejettent l’idée de visiter Haïti à cause des actes récurrents d’insécurité. D’autre part, quand les MPME sont confrontées à l’insécurité de cette manière déjà dans un pays où tout manque, c’est en réalité un problème de trésorerie qui se pose. Il manque de l’argent cash et des moyens. La Direction générale des impôts (DGI) et la Douane affichent aussi un manque à gagner. Le pays est piégé dans cette insécurité asphyxiante. De l’avis des entrepreneurs, dans une synergie et dans la cohérence avec les différents secteurs de la vie nationale, les autorités doivent lancer des signaux clairs pour que les activités économiques reprennent le plus normalement du monde.
Abondant dans le même sens, Almiracle St-Fort, confie que mêmes les litiges sont mis sous pause dans la majorité des cas puisqu’on ne peut pas se rendre au tribunal correctement. «En 25 ans d’expérience, je n’ai jamais vu une situation pareille, malgré les dégâts causés par le séisme de 2010, l’embargo de 1992 ou même après le départ de Jean-Claude Duvalier en 1986.» Les intervenants sont d’avis que les MPME constituent la base des activités économiques. Si tout va mal dans l’économie, les MPME seront certainement affectées.

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