Enseignement supérieur et financement en Haïti ne font pas bon ménage…

Des Petites et moyennes entreprises (PME), évoluant dans le domaine de l’enseignement supé- rieur en Haïti, éprouvent toutes les peines du monde à joindre les deux bouts. Elles font preuve de résilience et de créativité pour survivre dans un environnement où la scolarité ne peut soutenir les besoins financiers, la recherche et d’autres besoins académiques.
L’absence de financement dans l’enseignement supérieur est chronique. Ce n’est pas Patrick Attié, directeur général de l’Ecole Supérieure d’Infotronique d’Haïti (ESIH), qui dira le contraire. « On peut parler d’enseignement supérieur à longueur d’année, mais s’il n’y pas des investissements massifs les résultats ne viendront jamais d’eux-mêmes», a lâché le responsable de l’ESIH lors de son intervention au Sommet international de la Finance, le 27 avril 2022.
Pour le Directeur général de l’ESIH, fondée en 1995, la réalité pousse son institution à développer des outils afin de devenir de moins en moins dépendants de la scolarité et à essayer d’augmenter d’an- née en année les revenus provenant d’autres sources, c’est-à-dire développer un savoir-faire certain. Il se veut pragmatique et se demande ce que son école peut offrir à des partenaires sophistiqués à l’étranger.
En guise de réponse à sa propre interrogation, Patrick Attié, intervenant au panel intitulé «l’évolution des PME dans le secteur de l’enseignement supérieur», affirme être tenté de mettre en place le plus rapidement possible des capacités à forte valeur ajoutée pour lesquelles beaucoup d’acteurs se positionnent. Il y a des places à prendre, fait-il remarquer. Et, poursuit Attié, pour développer ces capacités, son institution s’adonne à l’organisation de «boot camp», de formations professionnelles dans le domaine du Blockchain, de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée ou de data science.
Des informations partagées par Patrick Attié font croire qu’un contact canadien chasseur de têtes en Haïti estime à 8 000 à l’horizon 2023, le nombre d’ingénieurs que son pays peut engager à distance. Ce ne sont pas des ressources qui vont voyager après leur formation, beaucoup d’entre elles auront du travail à distance très bien payé.
On pourrait former localement dans des créneaux de la technologie qui ont un très grand retour sur investissement. « Par exemple dans le domaine de la réalité virtuelle, les chiffres varient autour de 500 milliards de dollars à l’horizon 2026 en termes de marché. Il faut aussi se rendre compte que ce marché croît de manière exponentielle. Les opportunités existent, mais également, il y a des efforts à accomplir », a confié le Directeur général de l’ESIH.
Les Haïtiens dépensent quelque 200 millions de dollars par année pour des études universitaires et la formation professionnelle en République dominicaine, sans compter des sommes importantes aux Etats-Unis, au Canada, en France, voire dans d’autres pays. Nous pouvons capter une partie de cet argent expédié à l’étranger. Un préalable est à mette en place pour capter une partie de ces fonds partis vers l’étranger et qui pourraient servir à rendre l’écosystème rentable à long terme.
Dans un registre différent, Garry Délice, directeur du Programme haïtien d’éducation et de leadership (HELP) informe que les étudiants appuyés par HELP proviennent en grande partie des universités Quisqueya, Notre-Dame ou de l’ESIH et trouvent régulièrement leur équivalence à l’étranger à cause de la valeur qualitative de l’enseignement qu’ils reçoivent en Haïti. Ils sont généralement brillants dans des domaines pointus étudiés à l’étranger.
Pourtant, une fois revenus en Haïti, ces professionnels ont toutes les peines du monde à s’intégrer sur le marché du travail local, au point que certains d’entre eux retournent dans les pays qui les ont accueillis. « Des hommes et des femmes reviennent pour mettre leur connaissance au service d’Haïti.
Hélas, ils travaillent dans des institutions de l’Etat sans être rémunérés pendant plusieurs mois. «C’est un problème de capacité d’absorption qui mérite une solution des plus urgentes», espère Garry Délice dont l’institution dispose d’un budget de trois millions de dollars.
L’économiste Kesner Pharel, qui a joué le rôle de modérateur dans ce panel, constate que l’enseigne- ment supérieur se retrouve au milieu d’un ensemble de déséquilibre vécu de manière récurrente. La maladie devient chronique. L’éducation n’évolue pas en vase clos. Bien des indicateurs économiques (balance des paiements, la balance commerciale, l’inflation ou le taux de change) seraient différents si on agissait sur le levier de l’enseignement supérieur.
DevHaiti