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Maxime D. Charles évoque les défis et contraintes des MPME’s évoluant en milieu rural

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Maxime D. Charles, originaire du Nord, ancien banquier qui s’est reconverti en entrepreneur, dirige actuellement une usine de transformation de vétiver dans le Sud. Il partage son expérience, les défis auxquels il s’est confronté.

« Si nous voulons faire bouger les choses en Haïti, fondamentalement il faut créer des emplois » dixit Maxime D. Charles

Le changement de direction, la création de richesses en Haïti doivent nécessairement passer par la création d’emplois, pour permettre aux gens de vivre dans la dignité. La situation aujourd’hui n’est autre qu’une exportation massive de la main d’œuvre haïtienne, une main d’œuvre qui transfère près de quatre milliards de dollars de fonds en Haïti, ce qui n’est pas insignifiant. Et, c’est peut−être la meilleure partie de l’économie haïtienne. Pourquoi ne pas avoir ces travailleurs à la maison?

C’est à cette question que répond la volte−face de Maxime D. Charles qui s’est lancé dans la filière des huiles essentielles. Cette filière est celle dans laquelle Haïti bénéficie le plus grand avantage comparatif contrairement aux autres marchés de la région, avantage tiré du terroir, plus particulièrement de la péninsule sud du pays, qui est vraiment idéale à la culture du vétiver.

Maxime D. Charles

Entrepreneur

Haïti est l’un des plus grands exportateurs d’huiles essentielles dans le monde, extraites dans les racines du vétiver. A noter que dans les années 60, cette industrie a connu une grande baisse, due au fait que les exportateurs de l’époque ont pris le malin plaisir à mélanger les huiles essentielles avec d’autres huiles. Situation qui s’est arrangée aujourd’hui notamment avec Pierre Léger le grand artisan de ce changement.

Les défis sont nombreux en milieu rural. C’est un environnement de guerre. En référence au Diamond Model de Michael Porter, partons des conditions de la demande.

La demande est là, elle est très importante. Il y a toute l’industrie de la parfumerie à desservir, une industrie très importante, très sophistiquée qu’il faut satisfaire avec des attentes très élevées. Quand vous vous situez dans la troisième section rurale de la commune de Torbeck, il n’est pas besoin de faire étalage des difficultés: pas d’électricité, pas de bonnes routes, et la matière première il faut aller la chercher souvent en montagne. Pour cela, il faut des véhicules adaptés, et un investissement de base relativement lourd. Sans mentionner que vous devez produire vous−même l’énergie nécessaire. A côté de tout cela, vous devez veiller à la qualité du produit, puisque la molécule du vétiver est très riche, très sensible ne peut pas être synthétisé, ce qui demande de grande précaution dans la production. Les clients sont hyper exigeants, et cela demande un coût particulier, des machines particulières, pour la meilleure production possible. Dans la production nous sommes à la base, nous produisons un produit brut, qui va subir d’autres transformations.

Sur le plan de l’offre.

Actuellement dans le monde moderne, la production ne se fait pas sans certification, pour garantir une meilleure qualité des produits. Nous avons des entreprises spécialisées dans la certification d’autres entreprises. La certification consiste en un certain nombre de normes internationales de production. Sans oublier que la main d’œuvre aussi doit être qualifiée, ce qui n’est pas toujours le cas en Haïti. Autrefois c’était plus facile de trouver des mécaniciens industriels via les écoles comme J. B. Damien, ce qui n’est du tout pas le cas aujourd’hui. Ce qui signifie, que la production passe aussi par la formation de professionnels capable de répondre aux besoins de l’entreprise en termes de production. Sinon, on est obligé d’avoir recours à des techniciens étrangers, ce qui peut bloquer la production pendant plusieurs jours, voire des semaines. Il faut noter l’effort de certaines écoles en ce sens aussi, notamment Haïti Tech, qui forment des professionnels à cet égard. Mais c’est ainsi dans presque tout le système de production, tout au long de la chaine des valeurs ce qui alourdit la production. Dans le Sud, il n’y a presque pas d’écoles professionnelles pouvant répondre au besoin de cette industrie.

Nous devons vraiment évaluer le potentiel de cette industrie pour le développement de la zone, pourquoi pas l’avancement du pays en général. Elle représente actuellement dans la région Sud environ 30 00 emplois. Les projections pour 2028 donnent un chiffre d’affaires de 30 millions de dollars pour Haïti, via des exportations vers l’Europe, les Etats−Unis et l’Asie. Certains courtiers aux Etats−Unis font le lien entre Haïti et les autres régions aussi. Le marché chinois et très actif de nos jours tandis que l’Inde représente l’un des principaux producteurs. Fort de tout cela, existe désormais le vétiver d’Haïti comme une marque déposée.

Il y a bien des efforts à faire au niveau de l’industrie. Avec les acheteurs, certains efforts sont en train d’être réalisés, notamment avec le retour sur produit qui sert à améliorer les conditions des producteurs, via des œuvres communautaires. A rappeler que plus de 10 000 hectares de terre est plantés en vétiver en Haïti, et l’industrie d’huiles essentielles ne consomment pas même la moitié de cette production. Ce qui signifie que le chantier est grand mais il manque d’ouvrier.

Au niveau de la recherche

Beaucoup d’efforts restent à faire. Nous sommes au premier niveau de la production et pour gagner en valeur nous devrons passer à un niveau supérieur. Ce qui implique plus de technologies, des professionnels mieux qualifiés etc. en gros toute une chaine de production bien huilée, allant de l’extraction de l’huile à un degré plus raffiné. Et ceci doit normalement passer par les écoles techniques et les nouvelles technologies. Comme nous sommes à l’ère des énergies renouvelables et du développement durable, il faut aussi les technologies liées au recyclage. Par exemple, dans le cas de la production de vétiver dans le Sud, les racines dans lesquelles sont extraites les huiles sont utilisées comme combustibles pour créer l’énergie nécessaire à la production. Et les résidus sont utilisés comme engrais organiques. Sans oublier aussi que ces racines sont utilisées dans la production artisanale. Ce que l’on appelle une chaine de valeur.

Avec la situation sociopolitique, le climat s’aggrave de jour en jour. Le problème de carburant, l’insécurité, la situation à Matissant, les désastres naturels, rendent la tâche de plus en plus difficile. Il faut s’adapter au jour le jour, ce qui implique un coût en plus. Pour parvenir à résoudre ses problèmes dans ces situations particulières, il faut que l’Etat central organise les secteurs de production de manière générale, y compris le secteur des huiles essentielles. Mais aussi que les différents acteurs doivent se mettre ensemble, posés les problèmes et essayer de trouver les solutions aux différents défis auxquels ils font face.

DevHaiti

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