Nos coopératives face à la crise

L’importance des coopératives n’est plus à démontrer. Dans les grandes villes et surtout dans les villes de province, elles s’implantent durablement. Certaines coopératives traversent le temps. Dans un pays aussi instable que le nôtre, les institutions doivent se réinventer et s’adapter pour ne pas disparaitre. Les coopératives ont appris la leçon. Certaines coopératives ont ainsi traversé le temps pour devenir des patrimoines dans les communautés où elles évoluent.
Si les coopératives d’épargne et de crédit sont plus connues dans l’opinion, elles couvrent tous les secteurs ou presque. Elles offrent des services adaptés à la situation socioéconomique des communautés. Dans les coins les plus reculés du pays, elles sont parfois les seules institutions financières au chevet de la population. Sans risque de se tromper, on peut dire que les coopératives, pilier de l’économie sociale et solidaire en Haïti, voire ailleurs, jouent un rôle de premier plan dans l’inclusion financière dans le pays.
Dans ce numéro de DevHaïti, nous avons choisi de tourner nos projecteurs vers ce secteur. Il est ressorti que l’État, à travers la Banque centrale et le Conseil national des coopératives (CNC), garde un œil ouvert sur les coopératives. Ce qui doit permettre d’y éviter des abus et du désordre comme dans le passé.
Sans vouloir réveiller le passé, on ne peut pas passer sous silence la crise qu’a connue le mouvement coopératif avec des pseudo-coopératives qui, dans les années 2000, vendaient des rêves à des personnes à la recherche de l’argent facile. On connait la suite. S’enrichir est loin d’être le mobile des sociétaires. Il s’agit plutôt de se mettre ensemble pour affronter des défis ou améliorer les conditions de vie dans les communautés. Les coopératives ont pu se relever de cette crise qui avait sali la réputation des vraies coopératives. Au cours des trente dernières années, les coopératives ont aussi traversé non sans peine les périodes de turbulences liées à la conjoncture sociopolitique.
Aujourd’hui, les coopératives sont face à la crise sécuritaire qui affecte tous les secteurs de la vie nationale. Dans l’Artibonite, notamment à Petite Rivière et à Liancourt, ainsi que dans le département du Centre, et surtout à Mirebalais, dans celui de l’Ouest, que deviennent les coopératives dans les communes tombées sous le contrôle des gangs ? Avec le déplacement massif de la population d’une commune à une autre, on peut imaginer que beaucoup de sociétaires ayant contracté des prêts deviennent insolvables. On peut imaginer que les coopératives perdent le contrôle de beaucoup de leurs membres. On peut à peine imaginer à quel point les coopératives sont affectées par la crise.
D’ailleurs, dans ce numéro, nous avons pensé à regarder cette question de près. Des coopératives ou des regroupements de coopératives appellent au secours. Ils appellent à l’aide de l’État en vue de poursuivre leurs activités. Leur voix sera-t-elle écoutée ? On le souhaite. Les plans de relèvement de l’économie ne doivent pas oublier les coopératives. Ce sera une excellente façon de soutenir indirectement des familles décapitalisées.
Ce numéro consacré aux coopératives revisite aussi l’histoire du mouvement, ses principes et son importance pour la population haïtienne dont une part significative est laissée de côté par le système bancaire parfois pour des raisons légitimes. Le mouvement coopératif répond dans ce cas à un besoin. Il comble un vide. Et personne ne peut douter de son utilité. Ainsi, les coopératives méritent d’être soutenues pour rester debout.
DevHaiti