Cap-Haïtien doté d’un Plan communal de développement pour les 5 prochaines années
Le vendredi 5 août 2022 a eu lieu la cérémonie de présentation du Plan Communal de Développement (PCD) du Cap-Haïtien en présence des autorités locales, des membres de la société civile et des représentants de certains services déconcentrés de l’Etat. Ce document de plus de 400 pages doit orienter le développement de la commune pour les cinq prochaines années.
Débuté en juin 2020, le processus d’élaboration du PCD – énième document de planification que connaît la ville depuis ses 352 ans d’existence – a été conduit avec l’appui technique de la firme dénommée l’Institut de Formation et de Services (IFOS) et la coordination du Projet développement municipal et de Résilience urbaine (MDUR) mis en œuvre par l’Etat Haïtien à travers l’UCP/MICT (Unité de coordination de projet/Ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales) financé par la Banque mondiale.
Le maire adjoint de la ville du Cap-Haïtien, Patrick Almonord a, dans ses propos d’introduction, insisté sur l’importance que revêt le PCD pour sa municipalité devant cadrer son processus de développement sur le long terme. «Ce document est extrêmement important pour l’avenir du Cap-Haïtien pour ne pas dire l’avenir de la région. C’est un document de base devant nous amener là où l’on veut aller», a-t-il déclaré, ajoutant que ce plan va beaucoup servir à la mairie, mais aussi à tous ceux intéressés à devenir maires de la commune. «Cela leur permettra d’avoir un document de référence capable de leur servir de guide», a-t-il ajouté.
Dans son allocution, M. Almonord a évoqué les problèmes que posent les constructions anar- chiques qui pullulent dans la commune, promettant de rendre opérationnel le nouveau PCD, pendant qu’il est encore en poste.
«En Haïti, il y a de nombreux documents et plans élaborés mais qui sont restés dans les tiroirs», regrette celui qui a également participé dans l’élaboration du PCD. Pour ne pas laisser le document dans les tiroirs, l’édile souligne que des mesures politiques, économiques et sociales doivent être prises par la mairie de concert avec la société civile. Il n’existe pas de table de concertations entre les ONG, rappelle-t-il. Ainsi, encourage-t-il de créer des centres de dialogue entre les acteurs, mais égale- ment enclencher un dialogue permanent pour discuter du problème de la commune. «Le document ne va pas atterrir si on ne change pas les pratiques. C’est une ville à repenser et à réorganiser. Vous ne pouvez rien s’il n’y a pas une nouvelle centralité».
Un PCD pour un autre Cap-Haïtien
Cependant, le maire adjoint de la commune dit avoir opté au préalable pour un plan d’aménagement qui devrait inclure les éléments figurant dans le PCD. «Il y a eu des discussions intenses avant qu’on soit parvenu à nous entendre sur le fait que la commune a besoin de ces deux documents de planification, mais ce qu’on a l’opportunité de faire maintenant, c’est le PCD. On s’est entendus pour mobiliser toutes les ressources nécessaires afin d’y parvenir», renchérit Ulrick Jean Claude, responsable de l’IFOS qui accompagne la mairie dans l’élaboration du document. Il assure que le PCD ne serait pas possible sans l’aval, l’appui et l’engagement de la commission communale du Cap-Haïtien.
«Nous n’avons pas la prétention que ce travail a été fait de manière exhaustive. (…) Mais nous savons que dans la grande majorité nous les avons identifiées dans l’état qu’elles se retrouvent, le service qu’elles offrent et les faiblesses qu’elles trainent», souligne Ulrick Jean Claude à propos de l’inventaire des infrastructures socio-économiques qui existent sur le territoire. Il a également mis l’accent sur quelques caractéristiques particulières que charrie le processus au niveau de la commune. «Cap-Haï- tien, c’est peut-être l’une des communes dans laquelle on a l’engagement le plus visible et le plus poussé des acteurs locaux en particulier les maires et les cadres municipaux», indique M. Jean Claude, ajoutant que le secteur privé de la commune faisait déjà des réflexions autour d’un tel document.
«Nous avons découvert que la Commission du 350eme réfléchissait déjà à quelque chose du genre. Nous avons discuté et échangé avec eux», fait-il savoir. Cela étant, ils ont disparu lors du processus, a fait remarquer le responsable de l’IFOS. Il a qualifié de faiblesse, le manque de participation du secteur privé des affaires dans le processus d’élaboration du document. «La commune ne peut pas se développer sans eux. Nous sommes en train de réfléchir sur les stratégies à mettre en œuvre en vue de les remobiliser puisqu’ils sont concernés au même titre que tous les autres secteurs», a affirmé M. Jean Claude.
Au sein de l’IFOS, il formule le souhait que ce docu- ment ne connaisse pas le même sort qu’ont connu d’autres instruments de planification au niveau local- comme au niveau national: se perdre dans le tiroir des oubliettes. Pour éviter que cela arrive, Ulrick Jean Claude prône la vigilance et l’engagement de tout un chacun. «Le PCD n’a pas dit que Cap-Haïtien va devenir Manhattan, mais nous disons que si les actions prévues sont mises en œuvre, au fur et à mesure, en 2027, il est impossible que Cap-Haïtien reste dans l’état actuel qu’il se trouve», a insisté le responsable, rappelant que la ville fait face à d’innombrables défis et difficultés compromettants notamment le fait que n’importe quel séisme risque de laisser une ville effondrée.
Cap-Haïtien, une commune en agonie, révèle le PCD
Le Plan communal de développement présente un Cap-Haïtien en proie à des défis et difficultés majeures. L’urbanisation anarchique qui fait rage représente un handicap important en matière d’urbanisme et d’esthétique. Des constructions anar- chiques s’érigent dans les ravines, berges et montagnes. Les mangroves sont défrichées pour produire du charbon de bois. Des canaux d’irrigation obstrués, faisant accumuler les dégâts après les moindres averses. La commune fait face à une forte dégradation de la biodiversité locale et à l’incapacité de la mairie d’assurer une gestion efficace des déchets.
La sécheresse, l’exposition de la ville aux cyclones, aux inondations et la contamination de l’eau de puits – sont autant de situations évoquées dans les différentes présentations du PCD. Le changement climatique fait augmenter le volume de précipitations annuelles. «Trois-quarts des gens du Cap-Haïtien sont mal logés. 28 % vivent dans des logements non décents. Absence de politique de logements sociaux. 25 % de la population du Nord vivent à Cap-Haïtien», a fait remarquer une des personnes présentant le diagnostic de la ville comportant trois (3) sections communales et quarante-quatre (44) localités.
Comme enjeux de développement se profile la nécessité de développer de nouvelles centralités, la gestion de l’urbanisation, la mitigation des phénomènes naturels et anthropiques. Le développement d’une nouvelle centralité peut présenter un double dynamique dont l’urbain. Cette logique peut favoriser une restructuration. Mais ce qui est certain, selon des intervenants, Cap-Haïtien ne peut pas à lui seul développer de centralité. Il est nécessaire qu’il travaille en collaboration avec les communes avoisinantes comme Plaine-du-Nord, Milot et Quartier-Morin .
Des enjeux également liés au fait qu’il est important d’arrêter et de gérer l’urbanisation anarchique. Il est aussi lié à l’incapacité des administrations locales à gérer l’expansion urbaine. Contrôler la croissance démographique, adresser la question de l’insécurité liée à la violence urbaine, l’absence de transparence des autorités locales qui ne s’adonnent pas à une pratique de reddition de comptes, la faible implication des acteurs locaux et l’absence de politique de propreté dans la commune … Des problèmes à résoudre soulevés par le Plan communal de développement (PCD) de la ville historique.
«Aucun acteur ne peut attaquer seul les problèmes», estime un des présentateurs des sections du PCD. Au niveau de l’agriculture, de la pêche et de l’élevage, la question est compliquée. Cap-Haïtien n’a pas de vocation agricole. Ce sont les autres communes qui l’alimentent en vivres alimentaires. Le prix des produits de première nécessité est élevé et l’insécurité alimentaire bat son plein.
Autour du PCD …
L’élaboration du document se veut être un travail essentiellement participatif, à en croire les différents acteurs impliqués dans la démarche. Le processus ne connaît pas moins de quatre phases dont une phase préparatoire et la dernière, qui est celle de la mise en œuvre.
Un tel document tient sa légalité dans la Constitution de 1987 qui donne aux collectivités territoriales les compétences de pouvoir planifier le développe- ment de leur territoire. La question administrative et le développement du territoire sont des prérogatives de la mairie. La loi mère soutient également que les mairies peuvent travailler de manière autonome afin d’améliorer les conditions de vie de leurs citoyens.
Pour parvenir à son élaboration, des démarches ont été entreprises, entre autres, des rencontres préliminaires avec le conseil communal, des rencontres de planification avec le staff de la mairie, des rencontres de sensibilisation, des ateliers, rencontres avec les élus locaux, rencontres de sensibilisation dans différentes zones du centre-ville et des sections communales. Également, se sont réalisés des visites d’observation, des entretiens des inventaires des infrastructures, des ateliers dans les communautés et de la revue documentaire.

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