Gouvernance

La crise politique reste intacte malgré les propositions de sortie de crise

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L’assassinat brutal du feu président Jovenel Moïse le 7 juillet 2021 n’a rien arrangé à la grave crise sociopolitique et humanitaire à laquelle le pays était confronté depuis des mois. Au contraire, elle l’a envenimé en signant l’émergence de nouveaux acteurs politiques sur l’échiquier. À l’instar de leurs prédécesseurs, ces nouveaux protagonistes se sont montrés tout aussi incapables de parvenir à un compromis pour résorber cette crise politique somme toute chronique.

Si d’un côté, il y a l’actuel Premier ministre, Ariel Henry, et de l’autre, le groupe de l’Accord Montana, qui désespèrent plus d’un de par leur incapacité à se mettre d’accord, il existe toute une pléiade de propositions de sorties de crise ayant été rendues publiques ces derniers mois. Retour sur quelques-unes d’entre elles.

L’appel des «non alignés» pour un accord global

Le «Regroupement des structures politiques non alignées pour un consensus national» appelle au dépassement, à la mise en commun des énergies, à l’unification des accords partiels, en vue de sortir le pays du chaos.

Ce Regroupement milite pour «un accord global, un véritable accord inter-haïtien transcendant tous les particularismes». Les structures politiques formant ce Regroupement «ne sont porteuses d’aucun accord de plus», et se voient comme «un outil de facilitation œuvrant à la recherche d’un vrai accord global au milieu des multiples accords partiels présents sur la table.»

L’ensemble de ces structures politiques «s’engager à créer un cadre de concertation entre tous les autres non-signataires d’accord partiel pour mieux aider les signataires à définir l’ultime accord national […].» Elles ambitionnent donc de faciliter le processus d’intégration collective des accords partiels dans un véritable accord national allant au-delà des désaccords exprimés jusque-là.

Les structures politiques signataires de cet appel sont, entre autres, le Groupe de réflexion et d’action pour le progrès d’Haïti, le Mouvement national pour la transparence (MNT-Toutouni), la Géné- ration solidaire pour une nouvelle alternative et le Mouvement pour le développement et le progrès.

Pour un compromis historique…

Divers représentants d’accords ainsi que d’autres entités politiques ont signé une déclaration conjointe, dite «Déclaration conjointe de représentants d’accords et d’entités politiques», en date du mardi 25 octobre 2022, afin, disent-ils, de parvenir à un compromis historique.

Pour ce nouveau groupe, l’objectif est de mettre fin, de façon durable et consensuelle, à cette longue crise qui «met en péril les fondements même de la République et fait planer, une fois de plus, de lourdes menaces sur notre Souveraineté nationale».

Pour les signataires de cette déclaration conjointe, la situation est urgente, et il importe de trouver les conditions d’organisation des élections dans les 18 mois à venir. «Nous déclarons l’urgence nationale et nous nous rendons disponibles «illico» et sans discontinuité, pour rechercher ensemble l’indispensable compromis historique, capable de garantir: la protection des vies et la libre circulation des personnes et des biens ; la reprise totale des activités, la stabilité et l’effectivité de la gouvernance intérimaire; l’amélioration des conditions de vie des couches défavorisées ; la création des conditions pour l’organisation des élections démocratiques dans un délai ne dépassant pas 18 mois.»

Parmi les structures politiques qui ont signé la Déclaration du 25 octobre dernier, on retrouve notamment les partis PHTK, Rasanble, Ayiti An Aksyon, RDNP, UNIR, l’Accord Unitaire d’Haïti, le groupe PEN, le Groupe de concertation politique.

SOLID pour une résolution pacifique de la crise

Un regroupement de partis, de mouvements politiques, d’anciens sénateurs de la République, d’anciens hauts fonctionnaires de l’Etat (directeurs généraux, ministres…) et d’organisations sociales lance un nouvel appel à compromis Ce regroupement est la Solidarité pour la Démocratie et le Développement (SOLID) qui en appelle à tous les acteurs politiques et sociaux inclusivement, le secteur privé des affaires et les représentants des organisations de la société civile active à s’engager, sans délai, sur la voie d’une entente la plus inclusive possible.

Les signataires de la note disent être disposés à prendre part aux diverses initiatives visant une résolution pacifique de cette crise aux fins de créer un climat de paix sociale et de stabilité politique.

Cet accord global, selon les signataires de la note, doit permettre à très court et à moyen terme de s’attaquer au problème de l’insécurité qui, en plus de semer deuil et désolation au sein de la famille haïtienne, empêche également la libre circulation des personnes et des biens; de lutter contre la cherté de la vie y compris la dévaluation constante de la gourde par rapport au dollar américain; et d’organiser des élections inclusives et transparentes dans un délai raisonnable pour le renouvellement du personnel politique et le retour à la normalité institutionnelle.

Ce nouvel appel lancé par des acteurs politiques renforce d’autres initiatives visant les mêmes objectifs. Des structures comme PEN-Modifié, Groupe de Concertation politique et Accord unitaire d’Haïti ont entrepris des démarches en vue d’un compromis pour mettre fin à la crise.

Les personnalités signataires répondent au nom de: Walsonn Sanon (ANFÒS pou Ayiti), Dr Evallière Beauplan, ex-sénateur (MOLHA), Jean Marie Cherestal, ex-Premier ministre (PONT), Dr Kelly C. Bastien, ex-sénateur (KRAN), Me Desras Simon Dieuseul, ex-sénateur (PALMIS), Ronald Larèche, ex-sénateur (Equilibre démocratique), Dr Martineau Guerrier, ex-sénateur (BRISE), Dr Frantz Toyo, ex-représentant d’Haïti à Genève (Femmes l’Azile en Action ), Lydent Garnier, Jean Samuel Guerrier, ex-fonctionnaire parlementaire (Mouvman sitwayen angaje pou Ayiti), la Plateforme politique RENMEN AYITI de Me Jean Henri Céant, ex-Premier ministre; l’organisation socio-politique AIMER-HAÏTI de Me Camille Leblanc, ex-ministre de Justice; CRI DES NIPPES d’Eslhomme RAYMOND, spécialiste en aménagement du territoire et en gestion des collectivités territoriales et la Plate- forme politique UPAN de Marc Guillaume, ex-directeur de cabinet TPTC.

L’église n’est pas en reste…

La dernière proposition de sortie de crise est l’œuvre de la Fédération des Églises Unies d’Haïti (FEUH) qui est sortie de son silence pour fixer sa position sur la crise sociopolitique actuelle.

La Fédération des Églises Unies d’Haïti (FEUH), en dix points, suggère aux acteurs un dépassement de soi afin de se mettre à la hauteur de la crise. Elle préco- nise un consensus via un «accord largement large» englobant tous les secteurs.

En outre, la Fédération recommande de créer, en un temps record, une Commission comprenant des personnalités: morales, intègres, compétentes qui n’ont jamais été impliquées dans la descente du pays aux enfers.

Les désaccords l’emportent pour le moment

Dans le fond, les propositions de sortie présentées ci-dessus ont toutes la même chose en commun. Elles disent poursuivre le même but: parvenir à un accord global. Pour l’instant, nous assistons plutôt à un désaccord global entre tous les acteurs.

Les tenants de l’accord de Montana, signé le 30 août 2021, restent soudés à cet accord qu’ils considèrent comme étant le plus large consensus jamais trouvé en Haïti. Ils ne jurent que par une transition dite de rupture.

D’un autre côté, l’ex-Sénateur Jean-Charles Moïse y va de son Conseil de Transition du Peuple Souverain

«KTPS», constitué depuis peu. «La formation de notre Conseil de transition est un accord «Kè sote». Notre proposition fait peur aux Ambassades, au Gouvernement, aux leaders politiques, etc.», avait-il déclaré lors d’une conférence de presse le jeudi 27 octobre 2022.

Alors que de plus en plus d’acteurs appellent à un compromis global ou historique pour résoudre la crise, le Bureau de Suivi de l’Accord Montana fait une autre lecture de la situation. Dans une note datée du 30 octobre et portant la signature de Ginette Chérubin, Pierre Wickens Cherismé, Marie Christine Stephenson, Jacques Ted Saint-Dic, Magali Comeau Denis et Ernst Mathurin, le BSAP estime que la paralysie des activités participe à un plan pour justifier l’occupation du pays par une force multinationale. Les appels au compromis, d’après les signataires de la note publiée en créole, fait aussi partie du plan.

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