Éditorial

Haïti : les solutions de sortie de crise en crise…

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En Haïti, les crises se suivrent et se ressemblent. Presque toutes. Les mauvais précédents ont la vie dure, et finissent toujours par faire école. À chaque fois qu’on pense avoir atteint le fond, un autre événement malheureux vient prouver le contraire. En septembre dernier, le pays a entamé un nouveau « peyi lock », dénommé cette fois-ci dans le vernaculaire « bwa kale », en signe de protestation contre la nouvelle augmentation des prix du carburant décrétée par le gouvernement en place. S’en est suivie une véritable rareté des produits pétroliers tandis que le marché noir fonctionnait à plein régime.

Cette sanction à l’encontre de l’économie formelle et informelle, de tous les gagne-petits, s’est révélée être un vrai coup dur pour les emplois, déjà peu nombreux, pour la réouverture des classes, fortement hypothéquée, et le fonctionnement du transport en commun, des hôpitaux, des banques commerciales, des médias et toute autre entreprise. Ces derniers n’ont eu guère le choix que de s’adapter aux exigences de la conjoncture en réduisant considérablement leurs horaires de fonctionnement.

Dans l’intervalle, l’insécurité galopante n’a pas diminué outre mesure. On continue à recenser les cas de kidnapping, à collecter les données relatives aux cas de viols collectifs tandis que la justice est toujours aux abonnés absents. Les bandits campent sur leurs positions, et les gangs continuent de gagner du terrain. Ils étendent les territoires occupés transformant Port-au-Prince en un véritable piège à souris. Pas moyen de quitter la capitale haïtienne par la route en empruntant la sortie nord et encore moins la sortie sud.

La libre circulation des personnes et des biens s’en sort très affectée. Tout un pan de l’économie national est aux abois. Nous rendons compte, dans un article publié dans ce numéro, des cris de désespoir des Madan Sara, considérées à juste titre comme les poumons de l’économie de ce pays, qui ne savent plus à quel saint se vouer.

Trop occupés dans leurs luttes intestines pour le pouvoir, autorités en place et opposition politique, font la sourde oreille. Les négociations politiques, exigées par la communauté internationale, sont au point mort. Renvoyant aux calendes grecques tout espoir de sortie de crise imminente. Les protagonistes ne se parlent plus, même du bout des lèvres, alors que la crise s’envenime. Une crise à multiples facettes : politique, sociale et économique.

Si la date d’une sortie de crise, dans l’état actuel des choses, demeure incertaine, une chose est sûre néanmoins : la facture économique de toutes nos turpitudes ne manquera pas d’être salée. On ne peut plus salée. Les effets sont déjà ressentis d’ailleurs. On ne demande plus si l’économie haïtienne va entrer en dépression mais plutôt combien de temps durera la dépression économique d’Haïti. En septembre dernier, l’inflation a atteint un nouveau pic en Haïti en franchissant la barre des 38,7%.

L’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), encore lui, nous informe de la baisse générale des activités économiques au troisième trimestre (avril – juin) de l’exercice fiscal 2021 -2022 à travers la publication récemment de son bulletin de l’Indice global de l’indicateur conjoncturel d’activité économique (ICAE-Haiti), base 100 en 2007-2008. Ce document présente une baisse générale des activités dans les trois secteurs de l’économie, à savoir le secteur primaire, secondaire et tertiaire.

Sans oublier, le déficit jumeau, comme on aime à l’appeler dans le jargon des économistes, déficit budgétaire et déficit de la balance commerciale, qui risque d’atteindre un niveau record. Que dire du taux de change et du financement monétaire qui carburent à vive allure et ne mettront pas long- temps pour atteindre de nouveaux sommets?

Entretemps, que font les tenants de la barque nationale qui sont payés pour trouver des solutions afin de conjurer cette mauvaise passe ? On se le demande. C’est à se demander s’il n’y a jamais eu un pilote dans l’avion.

DevHaiti