Gouvernance

État des lieux de l’insécurité en Haïti de juillet à septembre 2022

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Pénurie de carburant, inflation galopante, manifestation, «Peyi lòk»… constituent le triste bilan du trimestre précédent. Aussi, faudrait-il ajouter kidnapping, guerre des gangs, en gros «insécurité» pour effectuer une plus juste évaluation du trimestre écoulé, à savoir juillet, août et septembre 2022. Dans ce papier, nous allons passer en revue l’évolution de l’insécurité et les facteurs l’ayant influencée pendant ces trois mois.

Depuis l’assassinat tragique de feu président Jovenel Moïse en juillet 2021, l’insécurité a pris une proportion démesurée. Les bandits sèment le deuil, de manière violente, et multiplient les cas d’enlèvements contre rançon sans être inquiétés outre mesure. La population fait face à une peur oppressante et paralysante. L’insécurité défraie la chronique.

Des organisations de droits humains ont répertorié des cas de criminalité qui deviennent de plus en plus récurrents. C’est le cas du Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) qui a décidé de mettre en place la Cellule d’Observation de la Criminalité (COC) question d’aborder la criminalité, dont le kidnapping, dans ses aspects complexes afin de comprendre son développement.

Dans son neuvième bulletin publié le 27 septembre 2022 et actualisé le 30 du même mois, le CARDH à travers son analyse comparative au trimestre précédent a constaté une baisse du kidnapping pour le troisième trimestre. «Pour le troisième trimestre de l’année 2022, la Cellule d’observation de la criminalité (COC) du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH) a recensé 204 kidnappings contre 326 pour le deuxième trimestre, une diminution 37.42%. Trois rapts collectifs ont été enregistrés contre 15 pour le trimestre précédent», peut-on lire dans ce rapport dont DevHaiti possède une copie.

À noter que, comme mentionné dans les bulletins, les chiffres de la Cellule d’observation de la criminalité (COC) du CARDH n’expriment pas le nombre de kidnappés en Haïti, mais permettent d’observer la tendance (hause/baisse) du phénomène. Ils peuvent être sujet à modification dans le prochain bulletin.

Le Centre mentionne des facteurs qui expliqueraient cette diminution des enlèvements, tels que le nouveau leadership de la police, les opérations systématiques à la Croix-des-Bouquets, les arrestations des chefs de gang, des tentatives de kidnapping déviées, des otages libérés par la police, une présence accélérée de la police dans les rues, les mesures prises par le Gouvernement pour contenir le trafic d’armes, de munitions et la contrebande, le blocage du pays durant les mois d’août et de septembre ou encore le

« Peyi lòk », les multiples formes de résistance de la population face aux enlèvements entres autres. Ces éléments sont internes et les externes sont : la « lutte » au niveau du Conseil de sécurité entre la Chine et les États-Unis et les efforts du gouverne- ment américain pour ne citer que cela.

Des recommandations pour maintenir la baisse

Dans une enquête menée par le Sant Karl Lévêque qui devrait être rendu publique d’ici le mois de décembre 2022, « 40 à 60 % des membres de la Police nationale d’Haïti (PNH) sont en contact direct ou indirect avec des bandits », a estimé le directeur exécutif du Sant Karl Lévêque, Gardy Maisonneuve, dans une interview accordée à DevHaiti. «Puisqu’ils sont en contact avec des bandits, cela compromet leur tâche qui est de garantir la sécurité. Les bandits sont aussi arrogants parce que des gros chefs du gouvernement nourrissent les bandits. Ils ont les mêmes patrons que la police, des gens qui octroient de l’argent aux bandits et fournissent des moyens à la police aussi», s’est désolé le prête catholique romain qui révèle qu’il y a des policiers qui sont détachés auprès des «VIP» qui les utilisent comme «passeurs» pour donner de l’argent aux bandits.

Pour pallier le phénomène de l’insécurité, selon le rapport du CARDH, une force externe d’accompagnement adaptée aux besoins de sécurité actuelle devrait être minutieusement étudiée pour rétablir l’ordre en attendant que la police puisse le garantir efficacement sur tout le territoire national. Cette force devrait être constituée de spécialistes en guérilla urbaine avec expériences de combat dans des situations similaires à la réalité haïtienne.

Cependant, Maisonneuve croit qu’une prise en charge des policiers par les responsables est nécessaire afin d’éviter tout contact avec les bandits. Pour lui, la solution à l’insécurité n’est pas internationale.

«Les étrangers ne viendront pas se battre pour nous, ils mettront les policiers en avant dans les opérations», a-t-il avancé. «Les bandits n’ont pas plus de tactique que les policiers comme le prétendent certaines personnes, il faut arrêter avec ces rumeurs», a soutenu celui qui a étudié et exercé la prêtrise en Italie pendant 20 ans. Le responsable du SKL croit qu’il faut bien munir la PNH, interdire l’utilisation de téléphone portable sur les lieux de travail afin d’empêcher toute communication avec les bandits.

Dans ses suggestions, le CARDH propose de «renforcer concrètement la police, poursuivre des efforts de la coopération internationale, renforcer la Justice et les mécanismes de contrôle». L’organisme de droits humains estime que le secteur économique, notamment les banques doivent être aussi impliquées dans la lutte contre la criminalité et le blanchiment des produits du crime, et qu’on doit avoir une société civile s’engageant aussi plus activement dans la construction de l’État de droit.

Woo-Jerry Mathurin

DevHaiti

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