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Ce que pense Joseph Paillant du nouveau Code fiscal haïtien

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Le fiscaliste haïtien, Joseph Paillant, qualifie d’avancée significative le projet de Code fiscal haïtien comportant un code général des impôts et son Livre des Procédures fiscales, conçu par le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) visant à ‘’simplifier’’ le système fiscal haïtien et contribuer à ‘’l’amélioration’’ du climat des affaires. Un ensemble de documents dont la mise en œuvre se fera à partir du 1er octobre 2024, après adoption en Conseil des ministres.

«C’est une très bonne chose à priori parce qu’effectivement, nous avons besoin de textes plus clairs qui permettent à ce que les contribuables et agents économiques sachent où commencent et finissent leurs droits et leurs devoirs. C’est une très bonne initiative», estime celui qu’on considère comme étant l’un des meilleurs fiscalistes haïtiens.

Rappelant que nous sommes en présence d’un projet de code fiscal, mais pas encore le Code fiscal, Joseph Paillant souligne que le document contient notamment un code général des impôts comportant les mécanismes d’imposition et des concepts claire- ment définis. «Il permet qu’un ensemble de taxes soient annulées, certaines autres réaménagées ou arrangées. Tout ceci pour arriver à relever la pression fiscale, permettre à ce qu’il y ait plus de gens qui paient et que les gens fassent leur déclaration d’impôt», a-t-il fait savoir.

Entre-temps, dans la pratique de nos jours, rien ne change. Nous allons continuer d’appliquer les dispositions qui existaient que ce soit en ce qui concerne l’impôt sur le revenu, l’impôt locatif, et la Taxe sur les chiffres d’affaires (TCA). Les agents économiques vont donc guetter la phase de publication de ce Code, souligne le professeur des Universités. Cependant, automatiquement le code fiscal publié, s’ensuivra une période pour sa mise en application.

Compilations oui, mais jamais de code fiscal

À en croire le spécialiste avant cette initiative, Haïti n’a jamais eu de Code fiscal. Lui qui a fait dans les années 90, une compilation des textes traitant de la fiscalité avec une classification, qui permettait aux chercheurs, les agents économiques, professionnels de se retrouver plus facilement. Un document utilisé comme un ouvrage de référence.

«Vous aviez eu un ensemble de textes diffus. Impôt sur le revenu, d’un côté. TCA d’un autre côté. CFPB, dans un autre texte. Quand on considère l’ensemble des textes traitant de la fiscalité en Haïti, vous avez une pluralité de textes. Chak teks te pou kont yo», reconnaît-il. M. Paillant rappelle que l’initiative de compilation de textes de loi en rapport à la fiscalité a démarré au niveau du ministère des Finances en 1953. Cela facilite les recherches, insiste-t-il.

On l’appelle Code fiscal, mais au fond on sait qu’il s’agit d’un travail qui se résume en une compilation, avance-t-il. Car selon lui, quand on parle de code, c’est un ensemble de mêmes éléments traitant d’un même sujet. Le code en tant que tel a une séquence numérique. Si on prend, par exemple, le document qu’on appelle le code fiscal de 1953, mis à jour en 1976, mis à nouveau à jour en 1980, vous remarquez qu’il s’agit en vrai, d’une compilation des différents textes en rapport avec la fiscalité, affirme le professeur. Donc, on est loin d’un véritable Code fiscal.

Ainsi, l’initiative prise par l’expert en 1994 avait déjà débuté en 1953 par le ministère des Finances. Étant donné que ce dernier n’a pas eu de continuité dans ses démarches, il s’est donné la tâche de le faire à sa place. «Ce document [Code fiscal] n’existait pas au sein de l’État. Cela n’existait pas», lance l’expert. Cela dit, durant plus de 200 ans, le pays fonctionnait sans ce document qui se révèle d’une aussi grande importance.

Quelle innovation ?

Simplification du système fiscal, concentration sur les grands champs d’impôt, rationalisation des dépenses fiscales, alignement sur les bonnes pratiques internationales, amélioration de la pression fiscale du pays et renforcement du pouvoir de contrôle de l’administration et droits des contribuables… Tels sont les objectifs que vise la réforme fiscale enclenchée par le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) au travers de ce document.

«Ce code fiscal vient faire un travail d’harmonisation. Car avant, les prescriptions se répétaient. Une situation qui sera résolue avec ce code fiscal. Il y a un classement qui est fait. Ce qui constitue un pas en avant dans la facilitation de la recherche dans ce domaine», assure Joseph Paillant, le pape de la Fiscalité haïtienne. Pour lui, le document actuel répond véritablement au critère pour être un Code fiscal. Il comporte une séquence numérique et ayant un seul et même objet. Ce qu’il qualifie de grande portée historique.

Un projet de Code fiscal qui comporte pour le moins des innovations importantes. «C’est un projet qui définit les nouvelles règles du jeu», souligne ce membre de la galerie d’honneur de la Finance haïtienne. «Dans le nouveau code, le droit d’accise est presque généralisé. Y est aussi créé, l’impôt sur la propriété non bâtie. Ce qui va freiner les spéculations. C’est une bonne mesure», estime-t-il rappelant qu’un impôt est un choix politique avec des contraintes économiques et sociales.

L’impôt est collecté pour le bien-être de tous, rappelle le professeur ajoutant qu’il devrait avoir un caractère noble créant chez le citoyen un sentiment de respect résultant du fonctionnement du système juridique en général. Il relate qu’il y a un manque d’information et d’éducation sur le système fiscal haïtien. Ce qui est le rôle de l’État. C’est à l’État que revient la tâche d’informer les gens.

Il rappelle qu’Haïti a un système fiscal déclaratif. Dans la fiscalité, le droit à l’information est indispensable. Les contribuables ont droit à l’information. Il soutient que le système fiscal n’est pas difficile, mais il y a un problème d’information. Les grands champs d’impôt dont parle la réforme fiscale font référence à l’impôt sur le revenu, la Taxe sur les chiffres d’affaires, les droits d’accises, la CFPB ou l’impôt local et l’enregistrement.

En décembre 2022, le ministre de l’Économie et des Finances, Michel Patrick Boisvert a fait savoir que la finalité du projet de Code fiscal n’est pas seulement l’augmentation de la pression fiscale à travers la mobilisation de plus de recettes, mais aussi l’amélioration du climat des affaires avec un cadre juridique qui devient plus clair et plus transparent. Mais également, avec le renforcement des pouvoirs de contrôle, l’Administration fiscale disposera d’un outil standard et efficace lui permettant de combattre la fraude et l’évasion fiscale constituant des fléaux nuisant au jeu de la concurrence.

L’expert en Fiscalité, Joseph Paillant, était l’invité de l’économiste Kesner Pharel à son émission ‘’Investir’’ du samedi 17 décembre 2022 aux fins d’analyser le projet de Code fiscal haïtien, qui, selon le ministère de l’Économie et des Finances, s’évertue à aligner le pays sur les bonnes pratiques internationales tout en tenant compte des réalités nationales.

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