Un nouveau Code fiscal pour venir à bout des inégalités sociales criantes en Haïti ?
Le 6 juin 2024 marquera le centenaire de la Direction générale des Impôts (DGI), créée par la loi organique du 6 juin 1924 durant l’occupation américaine. À l’occasion de ce centenaire, la DGI s’apprête à adopter un code fiscal afin de rendre plus efficace le management fiscal haïtien.
À travers cette innovation, la DGI entend faire entrer Haïti dans le cercle des pays utilisant un document de code fiscal cohérent très utile à la démocratie et à l’État de droit. Haïti s’alignera aussi sur les meilleures pratiques internationales de compétitivité en matière de fiscalité.
Il faut noter que jusque-là, si un «Code Fiscal» est édité régulièrement par le fiscaliste Joseph Paillant, il s’agit plutôt d’une compilation de différents lois et textes règlementaires à nature fiscale ou juridique mais non d’un code. Le projet de codification vise alors à rassembler de manière ordonnée et cohérente dans un code les règles intéressant les matières qui font partie du droit fiscal.
Fruit de travaux démarrés en 2018 sous la houlette du Comité de Politique Fiscale, structure composée principalement de cadres de la DGI et du ministère de l’Économie et des Finances, l’élaboration du projet de Code Fiscal Haïtien s’inscrit dans le vaste chantier de la réforme qui vise la modernisation structurelle et technologique, la refonte du cadre légal et réglementaire, la dématérialisation et la simplification des procédures de l’administration fiscale.
Du point de vue de la légistique, le Code Fiscal vise à définir un cadre juridique et fiscal plus clair et transparent, gage d’une bonne gouvernance et d’une amélioration du climat des affaires, tout en renforçant de manière significative les pouvoirs de contrôle de la DGI. Sur le plan de la politique fiscale, le nouveau Code a pour objectif de simplifier le système fiscal, en supprimant les taxes redondantes et/ou inefficaces eu égard à leur coût de gestion, tout en augmentant légèrement les recettes.
Il n’y a pas de meilleur moyen pour la DGI, l’une des institutions les plus importantes du pays, de marquer ces cent ans d’existence. L’Etat de droit et la démocratie en Haïti ont grand besoin l’édification d’un docu- ment de code fiscal afin de faciliter les acteurs intéressés et les citoyens en général de mieux se former sur les procédures et les devoirs fiscaux. Ce document est fondamental pour une gestion efficace, démocratique et transparente des taxes et des impôts dans le pays. Espérons que cela contribuera à faire aussi augmenter les recettes fiscales de la DGI pour financer davantage les projets de développement dans le pays.
Les impôts source d’inégalités sociales jusque-là en Haïti
Les impôts indirects, composés des taxes sur les chiffres d´affaires, constituent la principale source des recettes de l´État haïtien. « Ils se chiffrent à hauteur de 110 milliards de gourdes contre 40 milliards de gourdes pour les impôts directs », selon l’économiste Kesner Pharel, P.D.G du Group Croissance, pointant du doigt cette grande anomalie dans un pays où 60% de la population sont pauvres et 30% vivent dans l´extrême pauvreté.
Les recettes fiscales en Haïti proviennent fondamentalement des impôts sur les biens et services de consommation et des frais de douane. «Haïti est unique en son genre en ce sens que les taxes corporatives sont moins élevées que les impôts sur les personnes physiques, alors que le contraire est observé dans les pays pauvres et émergents, à l’instar de l’Amérique latine y inclus la République dominicaine. Ces deux phénomènes indiquent que les recettes fiscales creusent davantage les inégalités sociales en Haïti et, en conséquence, contribuent à la désintégration sociale alimentant les tensions sociales qui chassent les investissements (au lieu de les attirer) et donc entravent le développement économique», explique le professeur Joseph Harold Pierre dans une tribune publiée dans les colonnes du journal Le Nouvelliste.
«Une autre observation non moins importante est que la forte proportion des taxes indirectes, semble-t-il, n’a pas d’impact réel sur la croissance économique, contrairement à ce qui est observé dans d’autres pays avec une composition des taxes similaire à la nôtre. Ce résultat non attendu serait dû principalement à la faible capacité administrative de l’Etat et à la prépondérance de l’économie informelle qui, elle-même, est une résultante du premier facteur», conclue le professeur Pierre, économiste et politologue.

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