Sécheresse: véritable calvaire des planteurs et éleveurs du Nord-Est
À l’instar de beaucoup de régions du pays, diverses communes du département du Nord-Est dont Fort-Liberté, Ouanaminthe, Terrier-Rouge, Grand-Bassin, Les Perches font face depuis près de huit mois à une longue période de sécheresse caniculaire.
Plantations détruites, environnement désert, animaux amaigris, rues poussiéreuses… les signes de sécheresse sont visibles à plusieurs endroits dans le Nord-Est. Les planteurs et les éleveurs ne cachent pas leur désespoir face à une telle situation. La rareté d’eau qui sévit dans la région provoque la mort d’animaux et détruit les plantes. Cette situation inquiète de plus en plus les travailleurs de la terre et les éleveurs qui dépendent totalement de la clémence de la nature pour l’élevage et l’agriculture.
Saül, habitant de Terrier-Rouge, vit de l’agriculture. Visage crispé, il observe avec amertume ses parcelles meurtries par la sécheresse. C’est le même désespoir qui se lit sur les visages des planteurs et agriculteurs quand on aborde avec eux la sécheresse. Dans les sections communales de Malfety, Perches et Savanne-au-Lait, se trouvant respectivement dans les communes de Fort-Liberté, Ferrier et Ouanaminthe, les divers cours d’eau sont quasiment asséchés dans certains cas ou le débit de l’eau a considérablement baissé.
A Merann, commune de Ferrier, les travaux de construction d’un canal devant relier la rivière de cette zone à celle de Massacre en République dominicaine pour irriguer les champs n’ont toujours pas terminé. En conséquence, les agriculteurs des plaines de Maribaroux ne sont pas épargnés par cette grave crise d’eau à laquelle fait face le département du Nord-Est. Entre-temps, Kunius Pros- père, s’exprimant au nom d’un groupe de paysans, explique qu’ils continueraient (les membres) à s’entretenir au sein des organisations paysannes pour trouver une solution à cette triste situation. Les agriculteurs et éleveurs attendent, jusqu’au bout de leur patience, l’arrivée d’un Manuel, comme dans le roman Gouverneur de la Rosée de Jacques Roumain, pour faire arriver l’eau dans leur canton.
L’agronome Joanis Paul présente la sécheresse que connaît le département comme un problème urgent qui mérite d’être adressé afin de limiter les pertes considérables dans le secteur agricole en Haïti.
De son côté, le président du Conseil d’administration de la section communale (Casec) de Fond-Blanc, commune de Terrier-Rouge, Amaral Ménard, fait appel au gouvernement central en vue de venir en aide aux paysans. «Cette sécheresse est critique à Fond-Blanc. On est à bout de ressources. Les autorités au niveau du pouvoir central doivent intervenir pour éviter le pire», dit-il, soulignant avoir entamé plusieurs démarches auprès des responsables de la direction départementale du Nord-Est du ministère de l’Agriculture, des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR) afin d’assister les paysans. Une série de démarches qui se sont révélées vaines, regrette-t-il.
Par ailleurs, pour de nombreux spécialistes de l’environnement, la sécheresse que traversent beaucoup de régions du pays depuis plusieurs mois est le résultat du réchauffement climatique lié à l’abattage incontrôlé des arbres. Ils profitent pour demander aux citoyens d’accorder plus de respect et d’attention à l’environnement.
Ce reportage a été publié initialement par la plateforme multimédia Haïti Climat dans le cadre d’un appel à propositions lancé par ACLEDD (Action pour le Climat l’Environnement et le Développement Durable) pour la réalisation de reportages sur la sécheresse.
Valéry Félix
La rareté d’eau qui sévit dans la région provoque la mort d’animaux et détruit les plantes.
Crédit photo : Valéry Félix
La faim risque de se propager dans 22 pays dans le monde, prévient l’ONU
L’insécurité alimentaire aiguë risque d’augmenter en ampleur et en gravité dans 18 «points chauds» de la faim dans le monde, comprenant un total de 22 pays, selon un nouveau rapport des Nations Unies publié lundi.
Le rapport, publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), souligne le risque d’un débordement de la crise soudanaise, augmentant le risque d’impacts négatifs dans les pays voisins, et avertit que le phénomène météorologique El Niño fait craindre des extrêmes climatiques dans les pays vulnérables du monde entier.
Le rapport constate également que de nombreux «points chauds» sont confrontés à des crises de la faim croissantes et souligne l’effet multiplicateur inquiétant que des chocs simultanés ont sur l’insécurité alimentaire aiguë. Les conflits, les extrêmes climatiques et les chocs économiques continuent de plonger de plus en plus de communautés dans la crise.
Le rapport appelle à une action humanitaire urgente pour sauver des vies et des moyens de subsistance et prévenir la famine et la mort dans les «points chauds» où la faim aiguë risque de s’aggraver de juin à novembre 2023.
«Le statu quo n’est plus une option aujourd’hui si nous voulons parvenir à la sécurité alimentaire mondiale pour tous, en veillant à ce que personne ne soit laissé pour compte» a déclaré Qu Dongyu, Directeur général de la FAO. «Nous devons fournir des interventions agricoles immédiates et urgentes pour aider les gens au bord de la faim à reconstruire leur vie et trouver des solutions à long terme pour s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité alimentaire. Investir dans la réduction des risques de catastrophe dans le secteur agricole peut débloquer d’importants dividendes de résilience et doit être intensifié».
La cheffe du PAM, Cindy McCain, a noté pour sa part que «non seulement plus de personnes dans plus d’endroits dans le monde souffrent de la faim, mais la gravité de la faim à laquelle elles sont confrontées est pire que jamais». «Ce rapport est clair : nous devons agir maintenant pour sauver des vies, aider les gens à s’adapter au changement climatique et prévenir la famine. Si nous ne le faisons pas, les résultats seront catastrophiques», a-t-elle averti.
Le rapport met en garde contre un risque majeur de conditions El Niño, qui, selon les météorologues, doivent émerger d’ici la mi-2023 avec une probabilité de 82%. Cela aura des implications importantes pour plusieurs «points chauds», notamment des pluies inférieures à la moyenne dans le couloir sec d’Amé- rique centrale, et soulève le spectre d’événements climatiques extrêmes consécutifs frappant des zones du Sahel et de la Corne de l’Afrique.
Les retombées de la crise soudanaise
Les retombées de la crise au Soudan entraînent des déplacements massifs de population et la faim chez les personnes forcées de quitter leur foyer et celles qui les accueillent – prévient le rapport. Plus d’un million de personnes devraient fuir le pays tandis que 2,5 millions de personnes supplémentaires à l’intérieur du Soudan devraient faire face à une faim aiguë dans les mois à venir.
Le Soudan accueillait déjà plus d’un million de réfugiés – et si le conflit persiste, des centaines de milliers retourneront probablement dans leur pays d’origine – dont beaucoup sont déjà aux prises avec des crises de réfugiés sous-financées et prolongées, aggravées par des problèmes sociaux, politiques et économiques.
Les routes d’approvisionnement des marchandises commerciales et de secours à destination et en provenance de Port-Soudan sont perturbées par l’insécurité, mettant en péril les flux d’aide humanitaire et les efforts de secours régionaux, note le rapport. Les perturbations des échanges, des activités commerciales transfrontalières et des chaînes d’approvisionnement risquent également de faire grimper les prix et d’épuiser les réserves de change dans plusieurs pays – en particulier au Soudan du Sud
– un pays qui dépend également de Port-Soudan pour les importations commerciales et humanitaires, ainsi que pour les exportations de pétrole.
Le rapport avertit que les déplacements vers les pays voisins et les perturbations du commerce risquent également de provoquer des tensions entre les personnes déplacées, celles qui les accueillent et les nouveaux arrivants, car de nombreux pays durement touchés sont déjà aux prises avec un nombre important de personnes déplacées en concurrence pour des moyens de subsistance et des opportunités de travail limités – en particulier au Tchad et au Soudan du Sud – où des environnements socio-politiques fragiles risquent de se détériorer.
Montée des risques économiques
Les chocs économiques et les facteurs de stress continuent de provoquer une faim aiguë dans presque tous les «points chauds» dans le monde, reflétant les tendances mondiales qui se poursuivent depuis 2022, lorsque les risques économiques provoquaient la faim dans plus de pays et pour plus de personnes que les conflits. Ces risques sont largement liés aux retombées socio-économiques de la pandémie de COVID-19 et à l’impact de la guerre en Ukraine.
2023 devrait entraîner un ralentissement économique mondial dans un contexte de resserrement monétaire dans les pays à revenu élevé – augmentant le coût du crédit, affaiblissant les monnaies locales et exacerbant davantage la crise de la dette dans les économies à revenu faible et intermédiaire.
Le Fonds monétaire international prévoit une croissance du PIB mondial de 2,8% en 2023 – le niveau le plus bas en dix ans, mise à part la chute induite par la COVID-19 en 2020. Le PIB de l’Afrique subsaharienne augmentera également de 0,3% de moins qu’en 2022.
Les pays à revenu faible et intermédiaire devraient être les plus durement touchés par la faible croissance prévue de leurs principaux marchés d’exportation, parallèlement à la hausse du taux d’inflation dans les économies à revenu élevé qui dépendront fortement des exportations vers les économies avancées.
Les prix alimentaires mondiaux étant susceptibles de rester élevés par rapport aux normes historiques dans les mois à venir, les pressions macroéconomiques dans les pays à revenu faible et intermédiaire ne devraient pas s’atténuer. Cela signifie que la baisse subséquente du pouvoir d’achat affectera négativement l’accès des familles à la nourriture dans les mois à venir dans de nombreux « points chauds ».
Haïti, Burkina Faso, Mali et Soudan
Selon le rapport, l’Afghanistan, le Nigéria, la Somalie, le Soudan du Sud et le Yémen restent au niveau d’alerte le plus élevé.
Haïti, le Sahel (Burkina Faso et Mali) et le Soudan ont été élevés au plus haut niveau de préoccupation. Cela est dû aux sévères restrictions de mouvement des personnes et des biens au Burkina Faso, en Haïti et au Mali, et au récent déclenchement du conflit au Soudan.
Tous les «points chauds» au plus haut niveau ont des communautés confrontées ou susceptibles d’être confrontées à la famine, ou risquent de glisser vers des conditions catastrophiques, étant donné qu’ils ont déjà des niveaux d’insécurité alimentaire d’urgence et sont confrontés à des facteurs aggravants. Ces points chauds nécessitent l’attention la plus urgente, prévient le rapport.
La République centrafricaine, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, le Kenya, le Pakistan et la Syrie sont des «points chauds» très préoccupants, et l’alerte est également étendue au Myanmar. Tous ces «points chauds» comptent un grand nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë critique, associée à une détérioration des facteurs qui devraient encore aggraver les conditions potentiellement mortelles dans les mois à venir. Le Liban a été ajouté à la liste des «points chauds», rejoignant le Malawi et l’Amérique centrale (El Salvador, Guatemala, Honduras et Nicaragua) qui restent des «points chauds».
Intensifier l’action d’anticipation et l’action humanitaire
Pour éviter une nouvelle détérioration de la faim et de la malnutrition aiguës, le rapport fournit des recommandations concrètes spécifiques à chaque pays sur les priorités d’une intervention d’urgence immédiate pour sauver des vies, prévenir la famine et protéger les moyens de subsistance, ainsi que des mesures d’anticipation.
L’action humanitaire sera essentielle pour prévenir la famine et la mort – en particulier dans les zones d’alerte les plus élevées, mais le rapport note à quel point l’accès humanitaire est limité par l’insécurité, les barrières bureaucratiques et les restrictions de mouvement – ce qui pose un défi majeur aux intervenants humanitaires du monde entier. Le rapport souligne également l’importance de renforcer l’action anticipative dans l’aide humanitaire et l’aide au développement – en veillant à ce que les aléas prévisibles ne se transforment pas en véritables catastrophes humanitaires.

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