Regard rétrospectif sur la rareté du dollar américain en Haïti
Les agents économiques haïtiens connaissent depuis plusieurs décennies des difficultés pour acquérir le billet vert sur le marché local des changes. En effet, les difficultés ont commencé au début des années 80 quand le système de parité fixe (1 dollar = 5 gourdes) a été remis en question. Le deuxième choc pétrolier, enregistré à la fin des années 70 parallèlement à la chute des prix des matières premières sur le marché mondial, avait provoqué une nette détérioration des termes de l’échange du pays et allait causer d’importants déséquilibres financiers au niveau de l’économie haïtienne.
Sur une période de quarante ans, la gourde haïtienne a connu une dépréciation de quelque 3 000 pour cent par rapport au dollar américain, passant de 5 gourdes pour 1 dollar américain à plus de 160 gourdes. Une telle dépréciation aurait pu être bénéfique pour l’économie si des mesures avaient été adoptées par les différents gouvernements qui ont administré le pays, afin de rendre l’économie plus productive et compétitive. Les multiples désastres naturels et la dégradation continue de la situation politique ont donné lieu plutôt à une nette diminution du pouvoir d’achat des consommateurs et à l’extension de la pauvreté et l’extrême pauvreté en Haïti.
lus récemment, les agents économiques haïtiens font face depuis peu à un autre problème sur le marché des changes avec la rareté de numéraire. Entendez par-là la rareté de billets verts en cash, particulièrement pour ceux qui reçoivent des transferts de devises de la diaspora. Une telle situation a causé de sérieuses frictions au niveau de succursales de banques dans différentes villes du pays. Les bénéficiaires de transferts de devises ainsi que des épargnants en dollars américains n’arrivent pas à comprendre pourquoi ils n’arrivent à obtenir de billets verts, soit après avoir obtenu un transfert de l’étranger soit après avoir réalisé un dépôt en cash dans une banque commerciale.
Il faut se rappeler que les épargnants haïtiens ont fait le choix, depuis quelque temps déjà, de conserver leur argent en grande partie en dollars américains dans le système bancaire local. Ce choix renforce le phénomène de “dollarisation” au niveau de l’économie haïtienne.
Les autorités monétaires haïtiennes ont, en plus d’une occasion, expliqué leurs difficultés pour convaincre les responsables du Trésor américain à alimenter le marché monétaire haïtien en quantité de billets verts nécessaires pour répondre à la demande locale. En effet, avec un niveau de transferts de devises dépassant la barre de 3 milliards de dollars américains par année, soit plus de 30% du Produit intérieur brut (PIB), l’offre de billets verts devrait augmenter par voie de conséquence. Mais le Trésor américain, craignant des problèmes de blanchiment d’argent, affiche une certaine réticence pour répondre à la demande locale de devises.
Ce déséquilibre observé entre l’offre et la demande de dollars américains qui cause de fortes tensions entre les banques commerciales, les maisons de transfert et leur clientèle devrait servir de leçon aux institutions financières pour un renforcement de l’éducation financière avec la transformation numé- rique au niveau du système financier. Il est grand temps que les responsables de la Banque centrale et de l’Association professionnelle des banques (APB) mettent en place des programmes agressifs de communication et d’éducation financière pour faciliter une meilleure compréhension des produits et services financiers et une utilisation plus fréquente des moyens de paiement comme le chèque et la monnaie électronique.

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