Économie

Enomy Germain déchiffre la rareté du billet vert

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Les agents économiques font montre d’un appétit sans borne pour le billet vert qui arrive à manquer jusque  dans  les  succursales  des  plus  grandes enseignes du système bancaire. Les clients en quête de dollars ont dû employer la manière forte pour protester devant les comptoirs de banque. En général, ils essuient un refus catégorique puisque ces institutions ne peuvent pas alimenter le marché en numéraires.

L’économiste Enomy Germain égrène six facteurs principaux pour expliquer cette rareté historique. L’absence d’investissements directs étrangers et la chute du tourisme depuis près de sept ans, le haut coefficient de réserves obligatoires de 53% exigées par la BRH, la désintermédiation du formel à l’informel, la thésaurisation, les restrictions d’importation de dollars de l’international sur Haïti et l’immigration massive notamment depuis le début de 2023.

L’économie haïtienne, de plus en plus «dollarisée» à cause de la perte de confiance des agents économiques dans la monnaie nationale, n’arrive pas à mobiliser suffisamment de dollars. C’est un fait, ce problème est d’ordre structurel. L’économie a besoin de cinq milliards de dollars pour faire tourner ses activités.

«Les transferts d’argent affichent près de trois milliards, les exportations textiles rapportent un milliard, les investissements directs étrangers ne totalisaient que 375 millions de dollars en 2018. Depuis 2020, Haïti ne figure plus dans le classement des pays attirant les investissements directs étrangers (IDE) dans le monde », a fait remarquer Enomy Germain qui attire l’attention sur ce manque à gagner en dollars qu’il faut combler. Pourtant, le pays importe sans cesse l’essentiel de ses biens. D’où une demande permanente de dollars.

Le haut niveau du coefficient de réserves obligatoires, (53 %) n’est pas de nature à résoudre le problème. La Banque de la République d’Haïti (BRH) exige des banques un dépôt de 53 dollars sur chaque 100 dollars de transactions durant la journée. Autrement dit, plus de la moitié du numéraire ne circulent pas en réalité dans l’économie. Cette injonction de la BRH induit un comportement de Thésaurisation qui consiste à garder les billets de dollars dans les tiroirs ou dans les caisses pour s’en servir sans délai.

En réalité, la banque est une institution d’intermédiation financière. Depuis quelques années, les banques commerciales ne s’embarrassent plus de manières. Elles pratiquent la désintermédiation. Dès lors que les banques préfèrent vendre sur le marché informel pour profiter des meilleurs taux, des gains de change, et engranger de grandes marges. Illico, les déposants ne veulent plus confier leurs dollars aux banques. Ainsi, l’informel gagne du terrain.

La rareté du dollar est aussi imputable aux restrictions imposées sur Haïti par le Groupe d’action financière (GAFI) (ndlr: organisme mondial de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Aves ces restrictions, confie le P.D.G. de la firme ProEco, les banques commerciales ne peuvent plus importer de dollars américains. Seule la banque des banques peut le faire. Mais, il se trouve que la banque centrale ait dû faire face à quelques soucis avec la compagnie de transport des billets vers Haïti.

A travers cette rareté historique, une autre explication fournie par le gouverneur de la BRH, vient compléter la liste. Jean Baden Dubois estime que chaque bénéficiaire du Programme américain humanitaire

«Humanitarian Parole» part en moyenne avec environ 5 000 dollars. Quant à la baisse du taux de change observée récemment, Dev-Haïti a appris que l’alimentation du marché en 40 millions de dollars a provoqué une baisse conjoncturelle du taux de change.

Une telle situation a poussé les banques, les maisons de transferts et autres institutions financières à un changement de comportements. Comme les autorités n’ont jamais pris de mesures pour renforcer l’économie de manière structurelle, la tendance baissière de la gourde va sans doute continuer après cette appréciation de courte durée.

DevHaiti