Gouvernance

Haïti exclue des bénéfices des prochaines révisions du Traité de Chaguaramas

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Les dirigeants de la Caricom ont convenu de réviser le traité de Chaguaramas d’ici le 30 mars 2024 en vue d’assurer à tous les ressortissants de la Communauté des Caraïbes (Caricom) le droit de pouvoir voyager sans restriction, mais également vivre et travailler dans les pays membres. Pour Haïti, le statu quo sera maintenu. Autrement dit, les ressortissants haïtiens ne pourront pas bénéficier des dispositions relatives à cette nouvelle révision.

La République d’Haïti a été exclue des bénéfices de la révision du traité de Chaguaramas permettant la libre circulation entre les pays membres de la communauté caribéenne. C’est ce qu’ont indiqué les dirigeants de la Caricom soutenant que le statu quo serait maintenu pour ce pays de la Caraïbe qui ne fait pas partie des dispositions relatives à la libre circulation.

«Le Premier ministre haïtien a demandé que les dispositions que nous avons mises en place pour la liberté de circulation ne s’appliquent pas à Haïti, et nous avons accepté parce que les circonstances d’Haïti sont différentes à ce stade et qu’il s’agit d’une situation très délicate. Le statu quo sera donc maintenu pour les pays qui, en fait, exigent toujours des visas pour les Haïtiens», a déclaré la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, expliquant que le nouvel accord ne se limite pas à la libre circulation des compétences mais prévoit aussi la libre circulation des personnes.

Quid des décisions prises

C’est l’une parmi les nombreuses décisions prises lors de la 45e réunion ordinaire des chefs de gouvernement de la Caricom, tenue à Port of Spain (Trinité-et-Tobago) début juillet 2023, rapporte des médias jamaïcains. La libre circulation s’applique aux États membres qui font également partie du marché et de l’économie uniques de la Caricom. Les dirigeants de la Caricom vont modifier le traité révisé de Chaguaramas pour permettre des voyages sans restriction. Cet accord élargira la libre circulation au-delà de certaines catégories de personnes qualifiées, comme convenu précédemment par les gouvernements des pays membres de la Caricom.

«Nous avons convenu, en tant que communauté d’intégration, que nous devions répondre aux aspirations de nos populations tout en assumant les responsabilités nécessaires pour propulser la croissance. Nous avons besoin de personnes pour la croissance et si nous n’avons pas de personnes, nous n’aurons pas de croissance», a ajouté la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley. Les dirigeants régionaux ont également discuté de la sécurité, du transport aérien et du changement climatique, entre autres. La libre circulation s’applique aux États membres qui font également partie du marché et de l’économie uniques de la Caricom.

Les avantages de ces révisions

Les citoyens de la Communauté auront également accès aux soins de santé primaires et d’urgence, à l’éducation et à l’enseignement primaire, pré-primaire et secondaire dans chaque État membre de la Cari- com. Ces droits s’ajouteront au droit à la Sécurité sociale dont bénéficient les ressortissants qualifiés qui jouissent désormais de la liberté de circulation au sein de la communauté. Un accord de financement a été conclu pour financer la disponibilité de ces services sociaux dans tous les États membres

«Nous considérons que le Fonds de développement de la Caricom est en mesure de mettre en place le mécanisme garantissant que chaque pays amène son niveau minimum de services à la même période et au même niveau acceptable», a déclaré Mottley selon le journal Jamaica Observer. «Il doit y avoir un ensemble minimum de droits garantis pour la circulation des citoyens», a expliqué la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley indiquant que la période qui nous sépare du 30 mars de l’année prochaine sera mise à profit pour permettre aux gouvernements de la Caricom de mettre en œuvre la décision sans que le nouveau régime ne puisse faire l’objet de contestations juridiques.

Le traité révisé de Chaguaramas, qui n’existait pas il y a 30 ou 35 ans, impose certaines conditions préalables à la mise en œuvre de la décision. Cet accord élargira la libre circulation au-delà de certaines catégories de personnes qualifiées convenues précédemment par les gouvernements des pays du Caricom.

Haïti dément…

Des jours après, soit le 11 juillet, le ministère des Affaires étrangères a publié un communiqué pour revenir sur les informations laissant croire que le Premier ministre haïtien, le Dr Ariel Henry, a demandé d’exclure Haïti des bénéfices de l’amendement du Traité de Chaguaramas permettant la libre circulation des ressortissants des pays membres. «Le Premier ministre Dr Ariel Henry n’a jamais demandé d’exclure notre pays des dispositions des traités concernant la libre circulation des personnes dans l’espace de la communauté», lit-on dans ce communiqué de la chancellerie haïtienne.

Le ministère haïtien des Affaires étrangères soutient que le Premier ministre n’a fait que constater qu’Haïti « n’est pas en mesure de remplir dans l’immédiat [les conditions] pour bénéficier de cette facilité ». Plus loin, le ministère affirme que depuis sa prise de fonction, le gouvernement «s’est efforcé» de renforcer les liens du pays avec la Caricom.

«Le Premier ministre a insufflé une nouvelle dynamique pour une plus forte intégration d’Haïti au sein de cette institution», continue la note rappelant que sur un total de 26 instruments juridiques de la Caricom, Haïti a adhéré à seulement 12 dont 6 attendent d’être ratifiés par le parlement avant leur entrée en vigueur. Pas moins de 7 de ces instruments ont été déposés par le gouvernement actuel, à en croire ce communiqué.

«Il nous incombe de poursuivre dans la même voie afin que dans un avenir pas trop lointain notre pays soit en mesure de satisfaire à toutes les exigences prévues pour intégrer le Marché et l’Économie uniques de la Caricom (CSME) en anglais: Carribean Single Market and Economic.»

Les précisions de Peterson B. Noël

Dans des propos relayés dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste, à la suite de son intervention sur les ondes de la Radio Magik 9, Peterson B. Noël, ancien ambassadeur d’Haïti auprès de la Caricom, a tenu à préciser qu’il n’y a pas eu de décision interdisant la libre circulation des Haïtiens dans la communauté comme l’auraient indiqué certains médias, se référant aux informations techniques à sa disposition et au Traité de Chaguaramas.

Selon lui, la décision adoptée lors de la 45e réunion régulière des chefs d’État et de gouvernement de la Caricom, tenue du 3 au 5 juillet 2023 à Trinité-et-Tobago, vise de préférence l’application des droits de contingentement au lieu de la libre circulation, autrement dit, elle concerne plutôt la libre circulation des personnes qualifiées.

«Le traité est clair à ce sujet, en son article 7 il est dit: toute discrimination fondée sur la nationalité est prohibée. De ce fait, aucun pays ne peut refuser des avantages à un autre sur la base de la nationalité.

Donc, toutes les personnes indistinctement, y compris les Haïtiens, ont le droit de voyager sans visa dans l’espace de la Caricom pour une période n’excédant pas 90 jours», a précisé M. Noël.

Différence entre la libre circulation des personnes et la libre circulation de personnes qualifiées

«La libre circulation des personnes, c’est le fait de voyager dans l’espace de la Caricom sans visa et sans dépasser la limite des 90 jours. Cependant, le fait de s’établir définitivement dans un pays de l’espace de la Caricom renvoie à la libre circulation de personnes qualifiées», a clarifié Peterson B. Noël, toujours dans les colonnes du Nouvelliste, constatant qu’à ce niveau l’État haïtien n’est pas encore prêt, car, précise-t-il, toute une série de mesures administratives et légales doivent être adoptées en ce sens.

Malgré les dispositions de l’article 7 dudit traité, Peterson Benjamin Noël a fait remarquer que si d’un point de vue légal la libre circulation des personnes est un fait dans l’espace Caricom, dans la réalité les pays membres de la communauté n’ont pas encore appliqué cette mesure, citant en exemple l’expérience malheureuse qu’a connue la Barbade en 2018 en appliquant cette mesure.

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