S’appuyer sur la tech pour bâtir l’économie de demain : état des lieux et perspectives
À Dev Expo, événement organisé par Banj pour stimuler l’écosystème technologique haïtien, un panel dynamique a abordé le thème : « S’appuyer sur les nouvelles technologies comme levier économique, où en est-on ? » Animée par Bloody Bordenave, gestionnaire de projet, la discussion a réuni trois intervenants aux profils complémentaires : Yguyta Charles, fondateur de Boolva et acteur de l’intelligence artificielle en Haïti ; Martine Laroche-Cuvilly, directrice pays de Paon Haïti-Bousol, engagée dans l’innovation sociale ; et Appolon Guy Alain, développeur full-stack, représentant d’une nouvelle génération de techniciens locaux. Ensemble, ils ont exploré les défis et opportunités liés à l’usage stratégique de la technologie pour dynamiser l’économie haïtienne. Le ton était en même temps lucide et porteur d’espoir : des “solutions existent, mais elles exigent coordination, vision et investissement ciblé”, disent-ils.
Dans son intervention, Martine Laroche-Cuvilly, directrice pays de Paon Haïti-Bousol, a mis en lumière le potentiel du blockchain comme outil transversal de développement. Elle a démontré comment cette technologie pourrait aider à relever des défis structurels majeurs en Haïti. Il s’agit de la sécurisation des droits de propriété foncière via des smart contracts, de la numérisation des paiements pour réduire la dépendance au cash, et de l’amélioration de la transparence dans l’administration publique, notamment dans la gestion des marchés publics. Elle a également évoqué le concept de « sol digital », une forme d’innovation sociale inspirée de la pratique traditionnelle du sol, un mécanisme communautaire d’épargne tournante. Numériser ce modèle pourrait, selon elle, devenir un levier puissant pour l’inclusion financière dans un pays où une fraction substantielle de la population reste exclue des services bancaires classiques.
De son côté, Yguyta Charles, fondateur de la startup Boolva, a plaidé en faveur du développement d’une véritable culture de données au sein des organisations haïtiennes, qu’il s’agisse de grandes entreprises, de PME ou d’institutions publiques. Selon lui, les données ne sont pas simplement techniques : elles sont des leviers de compréhension des problèmes et des instruments puissants d’aide à la décision. À travers Boolva, il accompagne déjà plusieurs structures en leur fournissant des insights exploitables pour orienter leurs choix stratégiques. Il a insisté sur la nécessité de bâtir un écosystème de données national, capable de transformer la façon dont les acteurs publics et privés conçoivent et mettent en œuvre leurs actions, notamment dans la mitigation des défis sociaux et économiques. Pour lui, les PME haïtiennes peuvent, grâce aux données, optimiser leurs opérations, affiner leurs modèles d’affaires et ouvrir la voie à une croissance durable.
Pour sa part, Appolon Guy Alain, développeur full-stack, a recentré le débat sur la place de l’intelligence artificielle dans le quotidien des développeurs. Contrairement aux craintes répandues, il a affirmé que les IA sont absents pour remplacer les professionnels, mais plutôt pour les accompagner dans l’amélioration continue de leur travail. À travers un exemple concret, il a illustré comment l’IA l’aide à structurer plus efficacement les environnements digitaux, notamment les sites web de ses clients, et à générer des contenus comme des descriptions de produits, des politiques de confidentialité ou des conditions d’utilisation. Pour lui, l’IA est un outil collaboratif qui, bien utilisé, permet d’augmenter la valeur ajoutée du travail humain sans en annuler la pertinence. Il a encouragé le public à adopter ces technologies comme des partenaires de création, plutôt que de les percevoir comme des menaces.
Ce panel engagé à Dev Expo 2025 a démontré que la technologie, loin d’être un luxe ou un effet de mode, représente un levier stratégique pour repenser l’économie haïtienne. Qu’il s’agisse de blockchain pour sécuriser les échanges, de données pour guider les décisions, ou d’intelligence artificielle pour renforcer la productivité, les intervenants ont rappelé que l’innovation ne pourra porter ses fruits que si elle est ancrée dans les réalités locales. Elle devra également être accompagnée d’une volonté collective de transformation. Former, investir, collaborer, documenter : les chantiers sont nombreux, mais les outils sont là. En s’appuyant sur l’énergie de sa jeunesse, la richesse de ses traditions et les possibilités du numérique, Haïti a l’opportunité de bâtir un modèle technologique inclusif et durable.

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