A quand un Budget au service du développement ?

Le gouvernement haïtien vient promulguer en date du 16 mai 2022 le Budget 2021-2022 dans le journal officiel, Le Moniteur. Si chez nous l’exercice fiscal commence dès le 1er octobre, nous n’avons eu droit au nouveau Budget que 8 mois après le début de l’exercice en cours. Or, le Budget est l’outil de planification économique par excellence sur un exercice fiscal, comme l’a si bien rappelé l’économiste Enomy Germain.
Dans ce numéro spécial, nous avons jugé de passer au crible ce Budget dans lequel le gouvernement prévoit une augmentation de 0.3% du PIB, un taux de pression fiscale de 6,4% contre 5,7% au cours de l’exercice fiscal précédent, et un taux d’inflation révisé à 27,3% en glissement annuel.
En publiant ce Budget, le gouvernement d’Ariel Henry se montre très optimiste au regard de la situation politique et institutionnelle très instable dans laquelle patauge le pays en ce moment. Avec le taux de pression fiscale le plus faible de la région, établi chez nous à 6% contre la moyenne régionale qui est de 21,9%, ce serait une véritable prouesse si les autorités parviennent à collecter les 120,13 milliards de gourdes de recettes, en variation relative de 24,6% par rapport aux 95,6 milliards de gourdes en 2020-2021.
Au-delà de l’aspect pression fiscale, le contexte sociopolitique délétère actuel et la situation d’insécurité galopante nous font douter sérieusement de la capacité réelle du gouvernement à faire augmenter les ressources domestiques de l’ordre de 24,6 %. Dans l’ensemble, la capacité de l’État à mobiliser les prévisions de 210,5 milliards de gourdes semble irréelle.
Le montant prévu pour le financement monétaire de la Banque centrale au trésor public est d’environ 46,4 milliards de gourdes. Soit plus de 22 % du total du Budget. Un montant supérieur à ce que l’État prévoit de mobiliser au niveau de la douane et aussi des dons.
Par ailleurs, dans le présent Budget, les impôts directs sont passés de 29,8 milliards de gourdes à 36,6 milliards de gourdes tandis que les impôts indirects pour leur part sont passés 57,7 milliards de gourdes à 72,4 milliards de gourdes, renforçant ainsi la tendance d’iniquité fiscale caractérisant l’ensemble de nos lois de finances.
Une fois de plus, la part consacrée aux dépenses d’investissement a reculé au profit des dépenses de fonctionnement. Ce qui nous amène à nous questionner sur la portée réelle de ce Budget qui, de toute évidence, ne tient pas compte des objectifs de développement durable.
En effet, les dépenses en capital ont aussi diminué de 6,93 milliards de gourdes passant de 46,6 milliards de gourdes à 39,6 milliards de gourdes tandis que les dépenses de fonctionnement de l’administration publique de 19.6% passant de 113.2 milliards de gourdes à 135.4 milliards. C’est clair, net et sans bavures.
Que dire des finances publiques qui trainent le lourd fardeau de la dette publique avec un poids de 15,9% dans le Budget ? C’est le poste le plus important du Budget. Aucune institution n’a de crédit budgétaire plus important que celui de la dette. Quand on sait qu’une bonne partie de la dette ne sert qu’à financer les dépenses de consommation…
Alors que les crédits alloués au ministère des Affaires social et du Travail (MAST) augmentent de 240%, ceux du ministère de l’Agriculture des Ressources naturelles et du Développement rural (MARNDR) baissent de 12,5%. Il s’agit-là d’un choix du gouvernement qui est questionnable. Les articles qui suivent vous renseigneront davantage à ce propos.
DevHaiti