Développement durable

Amérique latine et Caraïbes, géant agricole au pied d’argile

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L’agriculture a un poids certain dans l’économie de la région de l’Amérique latine et des Caraïbes. Elle représente plus de 5% du PIB dans environ 20 pays de la zone. Pour des pays comme Haïti (20%), la Guyane, le Paraguay, le Nicaragua, la Bolivie, le Honduras, le Guatemala ou El Salvador, les activités de production agricole proprement dite représentent entre 10 et 40% du PIB.

L’agriculture et les systèmes alimentaires dans la région participent à l’alimentation d’une population mondiale en forte croissance, ils contribuent à la réduction de la faim et de la pauvreté dans le monde, ils stimulent la croissance économique, ils favorisent l’urbanisation et, enfin, ils génèrent des exportations substantielles pour la région. Nul doute que dans ce domaine la région Amérique latine et Caraïbes continue de faire figure de grenier et de poumons du monde.

 Pourtant, l’image généralement perçue de l’agriculture et des systèmes alimentaires de la région, par leur dynamique, leur productivité et leur efficacité ne reflète seulement qu’une partie d’une réalité beaucoup plus complexe. En effet, ces systèmes ont récemment attiré l’attention, mais cette fois, avec des connotations souvent plus négatives et notamment en tant que facteurs de déforestation; qu’utilisateurs exagérés des terres et des ressources en eau; en tant que pollueurs de l’environnement.

Comme si cela ne suffisait pas, Michael Morris, économiste principal de l’agriculture à la Banque mondiale est parvenu à une remarque implacable: «la région de l’Amérique latine et des Caraïbes est considérée comme étant une puissance exportatrice agricole, toutefois la plupart des pays de la zone sont en fait des acheteurs nets de produits alimentaires -en particulier de denrées alimentaires de base- et non des vendeurs nets».

Michael Morris constate aussi dans la région un «Triple fardeau» de la mauvaise alimentation, de la sous-alimentation et de l’obésité- en particulier parmi les groupes économiquement défavorisés et vulnérables. En s’appuyant sur des chiffres de 2016, l’économiste principal de l’agriculture à la Banque mondiale relate que 5,5 % de la population de la zone est sous-alimentée, ce taux double pour les enfants.

 Toujours en 2016, 58% de la population de l’Amérique latine et des Caraïbes se retrouve en surpoids (deux personnes sur 5 sont obèses). Il en ressort que les régimes alimentaires sont souvent de qualité médiocre et dépourvus de micronutriments clés: la consommation de viande rouge et de féculents est trois fois plus élevée que la moyenne recommandée et l’apport quotidien en œufs et volailles est au-dessus du point de référence, tandis que la consommation de légumes, fruits et grains entiers est bien en dessous des quantités recommandées.

 En faisant ressortir l’importance de l’agriculture et des systèmes alimentaires dans la région de l’Amérique Latine et des Caraïbes, lors d’un atelier virtuel de la représentation de la BID en Haïti, le 31 mars 2021, l’économiste principal de l’agriculture à la Banque mondiale est intervenu pour préciser que dans les systèmes agricoles et alimentaires les plus intégrés, une part importante de la valeur ajoutée agricole se fait en dehors de la ferme, en amont et en aval des exploitations agricoles, en permettant ainsi de générer de nouveaux profits via des effets multiplicateurs.

A titre d’exemple, au Chili et au Pérou, pour chaque dollar de valeur généré dans la production agricole, c’est 0,5 dollar américain de valeur ajoutée qui est généré en aval via les industries agro-alimentaires. Un autre exemple : au Mexique, pour chaque dollar de valeur générée dans l’agriculture primaire, c’est 2,4 dollars de valeur ajoutée qui est générée par les industries agro-alimentaires situées plus en aval.

 Dans un rapport de novembre 2020, la Banque mondiale intitulé « Les paysages alimentaires du futur: Repenser l’agriculture en Amérique latine et dans les Caraïbes » avait déjà appelé à la transformation des systèmes agricoles et alimentaires en Amérique latine et dans les Caraïbes. Ledit rapport recommande notamment aux décideurs politiques de se concentrer sur la réduction des inefficacités du marché, le développement des capacités humaines et institutionnelles ou encore la préparation face aux risques de catastrophes et saisir des opportunités émergentes tout en envisageant des réformes profondes pour rendre les systèmes agroalimentaires neutres en carbone.

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