Au-delà des évaluations post-désastres

L’exercice le plus simple du monde après une catastrophe, comme celle que le sud du pays a vécu le 14 août 2021, requiert une évaluation, un diagnostic des plus réalistes, des plus scientifiques. Cela étant dit, les spécialistes se sont attelés à étudier le terrain et à produire des rapports, assortis de chiffres pour aider à montrer l’étendue des dégâts. Cette pratique est très prisée par l’Organisation des Nations unies (ONU), la Banque mondiale, l’Union européenne et les principaux bailleurs de notre pays très dépendant de la communauté internationale.
Le document de l’évaluation des besoins post catastrophe (PDNA) a été présenté par le Premier ministre haïtien, le Dr Ariel Henry, avant de consentir un remaniement ministériel, le mercredi 24 novembre de l’année en cours. La veille, soit le mardi 23 novembre, les résultats du PDNA ont été livrés au public lors d’une cérémonie organisée par le ministère de la Planification et de la Coopération externe et présidée par le chef du gouvernement.
Si cette nouvelle publication n’émeut pas grand monde, au moins elle a la vertu d’exister, à l’instar du document de 2010. Les différents experts et autres partenaires d’Haïti se sont penchés sur les pertes et les dommages causés par le séisme du 14 août 2021, et qui sont estimés à 1.2 milliard de dollars américains. Selon le Premier ministre Ariel Henry, le PDNA fait état de 157 milliards de gourdes dont environ 50% de ce montant doivent être investis dans le secteur du logement. De plus, quelque deux milliards de gourdes doivent adresser les besoins urgents de relèvement des trois départements touchés (Nippes, Sud et Grand-Anse).
Selon les résultats du PDNA, les besoins totaux de relèvement s’élèvent à 1 978 063 102 de dollars américains, dont 76% sont attribués aux secteurs sociaux, suivis par les secteurs productifs avec 10% et le secteur des infrastructures avec 9%.
Le PDNA reconnait que les entreprises haïtiennes sont relativement jeunes, ont une faible productivité et sont susceptibles de rester petites en termes de nombre d’employés en raison de capacités managériales et techniques assez faibles qui limitent leur accès aux marchés, en plus du manque d’accès à l’énergie, à l’eau et au financement. Quant au secteur financier, il est dominé par quelques banques dont le portefeuille est centré sur le commerce de gros et de détail, avec un faible soutien au secteur agricole ou aux petites et moyennes entreprises.
En conséquence, il est nécessaire de développer un plan d’action de relèvement qui considère les effets cumulés de la situation politique, de la pandémie COVID-19, de la saison cyclonique et des effets du séisme du 14 août 2021. L’identification des déficits de financement internes et externes constitue le nœud gordien. Le développement des capacités pour conduire le processus de relèvement inquiète encore. Même avant le séisme, les habitants des trois départements les plus touchés vivaient dans la précarité.
Les analystes reprochent souvent aux décideurs tant du secteur public que de leurs partenaires du secteur privé de manquer de leadership, de volonté et surtout de transparence. Quand l’incompétence ne prend pas le dessus sur la capacité d’innovation, c’est l’absence de transparence qui va générer des scandales à répétition. Même les meilleures évaluations du monde ne pourront pas concrétiser des résultats satisfaisants si les acteurs n’ont pas la motivation nécessaire. La justice déjà édentée, la police en situation de faiblesse face aux bandits qui font la loi dans un pays déjà trop meurtri par trois années de stagnation de son PIB. Et une quatrième année annoncée avec des prémisses de perspectives sombres.
Comme le craint l’économiste, Thomas Lalime, le pays est au bord de la dépression économique. Les spécialistes ont beau tirer la sonnette d’alarme mais les pilotes à bord n’ont jamais laissé comprendre qu’ils changeront de cap. En attendant, l’insécurité et l’instabilité socio-politique continuent de saper l’économie. A qui le dernier mot?
DevHaiti