Économie

Au-delà du salaire minimum, les conditions de travail effroyables dans la sous-traitance en Haïti

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Pour l’actuel recteur de l’Université d’État d’Haïti (UEH), Fritz Deshommes, économiste, il existe un besoin réel de maîtrise des données économiques et financières sur la sous-traitance que le discours officiel considère comme étant le moteur de la relance de l’économie nationale.

Dans son  ouvrage « Salaire  minimum  et sous-traitance en Haïti », paru dans les Éditions de l’Université d’État d’Haïti, Fritz Deshommes analyse notamment les modalités de rémunération dans la sous-traitance qui, selon lui, sont particulières au secteur. L’ouvrier est payé à la pièce, sur la base d’un « tarif » fixé par les patrons. Pour ces derniers, les maîtres-mots sont productivité et efficacité. Plus un ouvrier produit, plus il peut gagner. L’efficacité est calculée sur la base de la quantité produite.

«Nous nous retrouvons avec de multiples modalités de rémunération qui semblent dépendre de la seule volonté de l’employeur. C’est lui qui indique le taux d’efficacité associé à tel volume de production ainsi que la quantité de production correspondant au montant du salaire minimum légalement fixé. C’est encore lui qui établit tant le volume de production associé au salaire maximum que le montant de ce salaire. Et, […], une modification du salaire minimum ou du montant de la rémunération ne l’oblige nullement à augmenter les barèmes en vigueur ou le salaire maximum dans la même proportion», explique longuement l’auteur.

Dans la plupart des cas, poursuit-il, le contrat de travail n’existe tout simplement pas. Les modalités de paiement, le montant du salaire, les droits et devoirs des parties ne sont pas connus d’avance, voire négociés par les travailleurs.

Dans d’autres cas, le contrat de travail existe bel et bien et est signé par les deux parties. Mais il lui manque des informations tellement substantielles qu’il ne garantit presque rien.

« Peut-on s’imaginer un contrat de travail qui ne contient ni le nom de l’ouvrier, ni la nature du travail à effectuer, ni le salaire convenu ? Ne parlons pas de son numéro d’indentification, de son numéro de livret du travail, encore moins de son âge, de son sexe, de sa profession, de son état civil », s’interroge le recteur Deshommes.

L’ouvrier recruté dans la sous-traitance est, le plus souvent, un numéro, sans identité, qui pourrait éprouver toutes les peines du monde à prouver qu’il travaille dans le secteur. Souvent même son badge n’indique pas son établissement de travail. Dans ces conditions, l’ouvrier ne peut se prévaloir d’aucun droit tel que : négocier son salaire ou les bases de calcul, produire des réclamations s’il perçoit des erreurs, revendiquer ses prestations légales, exiger le paiement de l’ONA ou de l’OFATMA, réclamer les avantages sociaux prévus par la loi, protester contre le temps de travail imposé, s’associer pour la défense de ses intérêts. C’est l’informalité dans toute sa splendeur. Une zone de non-droit.

Qu’il s’agisse des modalités de rémunération, des critères de détermination des niveaux, classes et intervalles de salaire, les employeurs ont la part belle. Même à l’occasion des augmentations de salaire minimum, leur marge de manœuvre demeure intacte. Il est vrai que les dispositions légales en la matière ou ne sont pas toujours adéquates ou ne sont pas respectées.

Le grand absent dans toute cette histoire, c’est l’État, le Ministère des Affaires sociales et du Travail et sa direction du Travail, qui faillit à sa mission de régulation, de supervision et de contrôle dans:

•          La mise en adéquation du mode de fonctionne- ment de la sous-traitance avec les prescrits du Code de Travail;

•          Le choix et la standardisation des critères et modalités de rémunération;

•          La détermination des quantités-seuils et des salaires associés;

•          La mise en cohérence entre le niveau de production requis et les capacités physiques réelles des ouvriers;

•          La prévention et la répression des abus pouvant intervenir dans la conception et l’application des normes de rémunération.

DevHaiti

Infodevhaiti

DevHaïti, magazine bimensuel consacré au développement économique, est produit par l’Association Haïtienne de Journalistes Économiques pour le Développement Durable (AHJEDD), et le Group Croissance. Le magazine traite essentiellement des objectifs de développement durable (ODD) et de l’agenda 2030.

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