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Contrôler les fonds publics est un droit humain   

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Me Gédéon Jean défend ici le principe du respect des droits de l’homme et du citoyen en plaidant pour le fonctionnement légal et optimal de Cour supérieure des Comptes et du Contentieux administratif (CSC/CA) édentée par un décret publié le 6 novembre 2020 par l’administration Moïse/Jouthe

 Même si les institutions de contrôle se chevauchent dans leurs missions et attributions, une manière de faire pourrait être d’éviter de détruire l’utile dans un pays où la construction démocratique demeure encore un projet. Me Gédéon Jean, directeur exécutif du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme (CARDH), est monté au créneau pour dénoncer  vigoureusement le décret du 6 novembre 2020.

En effet, si on part du postulat qu’on veut construire la démocratie comme système de gouvernement, un personnage ne peut s’arroger le droit de s’approprier des institutions comme le fait le président de la République avec la publication du décret du 6 novembre 2020 modifiant les attributions de la CSC/CA, comme si la séparation des pouvoirs ne valait rien. Gédéon Jean constate qu’en l’absence du Parlement le chef de l’Etat s’octroie un certain pouvoir qui n’est réellement pas le sien.

En outre, le directeur exécutif du CARDH dénonce le délaissement constaté dans l’établissement de l’Etat de droit par tous les présidents qui se sont succédé au pouvoir en Haïti, de François Duvalier à Jovenel Moïse en passant par Jean Bertrand Aristide, René Préval et Michel Joseph Martelly.

« Dans l´exercice de sa fonction consultative, la CSC/CA est obligatoirement « consultée sur toutes les questions relatives à la législation sur les finances publiques ainsi que sur tous les projets de contrats, accords et conventions à caractère financier ou commercial », selon l’article 200-4 de la constitution de 1987.

Le contrôle a priori de la Cour des comptes permet d’éviter bien des dérives, des irrégularités qui seraient préjudiciables aux intérêts du pays. Aux yeux de Me Gédéon Jean, trop d’institutions interviennent dans la lutte contre la corruption. Le chevauchement de leurs attributions mérite une certaine correction, une régulation ordonnée des plus célères. « Il faut régulariser, standardiser tout en respectant l’existant », insiste-t-il.

 La volonté de faire fonctionner les institutions devrait être un souci permanent pour les décideurs. En passant outre de l’avis de la CSC/CA, comme dans la signature d’un contrat avec une entreprise chinoise. Ce contrat a eu un avis défavorable de la Cour et l’équipe au pouvoir indique clairement ses objectifs obscurs. « Le président de la République a un projet de vassalisation des institutions républicaines de contrôle dans son ensemble », estime Me Gédéon Jean.

Jusque-là, l’Etat haïtien n’a fourni d’explications claires autour du contrat de 18 millions de dollars, qu’il a signé avec une firme chinoise « Bowang Xu Xiao », contractante par l’intermédiaire de la firme Preble-Rish Haïti S.A. Au plus fort de la pandémie de Covid-19, ce contrat visait l’achat de matériel sanitaire et hospitalier pour le pays.

Le défenseur des droits de l’homme s’est dit persuadé que le nouveau décret n’élimine pas pourtant le droit de contrôle de la CSC/CA au regard de la loi du 4 mai 2016. Le contrôle de la Cour peut se faire à tout moment comme le contrôle sur place dont on en parle très peu ou les contrôles inopinés qui vont au-delà de la vérification, de la conformité des documents.

Même si nous faisons partie de la même famille de droit romano-germanique, les législateurs, les décideurs ne peuvent se permettre de plagier les textes de loi de la France en faisant abstraction de l’anthropologie haïtienne, de notre réalité, de notre histoire de peuple.

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